JACQUES BENDELAC. Si les Israéliens sont fiers de leurs vaches, le prix du lait les laisse perplexes ; il ne cesse de s’envoler, même quand il est fixé par l’Etat.

Shavouot est la seule fête juive dont le menu comporte des aliments lactés ; les Israéliens dépensent sans compter en lait, fromages, yaourts et autres produits laitiers, pour leur dîner de fête.

Les producteurs et distributeurs israéliens connaissent bien cette tradition alimentaire et ils n’hésitent pas à en profiter : dans un pays où c’est le marché qui fixe les prix, ceux-ci ont tendance à augmenter lorsque la demande est forte… comme à l’approche de Shavouot.

Production record

Les Israéliens ont raison d’être fiers : les 130.000 vaches laitières du pays produisent un total de 1,6 milliard de litres de lait par an.

Autrement dit, une vache israélienne produit une moyenne de 12.000 litres de lait par an, un record mondial.

Face à cette production record de lait, on s’attendrait à voir sur les étagères des supermarchés israéliens des prix au plus bas et des quantités au plus haut.

Eh bien non, c’est même tout le contraire qui attend le consommateur israélien : les pénuries de lait sont de plus en plus fréquentes et le prix du litre ne cesse de grimper.

Dans un pays où coule tant de lait, les produits laitiers au détail auraient dû être bon marché ou, tout au moins, avec de légères augmentations de prix. Or il y a quelques semaines, le prix du carton de lait a bondi de 9%, creusant davantage l’écart du prix du litre entre Israël et les pays européens.

Le plus « curieux » face à cette inflation laitière, c’est que le prix du lait en Israël est contrôlé par l’Etat qui fixe lui-même son prix maximal.

Prix record

En Israël, le prix de certains produits de base est fixé par le gouvernement : pain, œufs, lait et quelques fromages. Ce mécanisme est censé maintenir des prix bas aux produits les plus courants dans le panier de la ménagère, surtout pour les foyers les plus modestes.

L’intention était bonne : lorsque le pays a basculé vers le libéralisme dans les années 1980, l’Etat a voulu bien faire en laissant quelques denrées alimentaires basiques en dehors du jeu de la concurrence. Il se doutait déjà que les monopoles de l’alimentation (comme Tnouva et Strauss) profiteraient de leur position dominante pour tirer les prix vers le haut.

Il est curieux de voir, en 2023, que les prix fixés par l’Etat augmentent substantiellement : le mois dernier, le prix des œufs a bondi de 16%, celui du pain de 5% et des produits laitiers de 9%.

Alors que l’inflation relève la tête en Israël, l’Etat aurait pu prendre à sa charge une partie de la hausse des coûts de production, voir indemniser les producteurs qui joueraient le jeu de la concurrence.

Quand de plus en plus d’Israéliens ont du mal payer leur bouteille de lait et leur pain quotidien, on aurait voulu voir le gouvernement donner l’exemple au secteur privé en abaissant ou gelant les prix qu’il contrôle.

Or au lieu d’atténuer la hausse des prix, le gouvernement israélien alimente la tendance inflationniste ; un constat d’échec flagrant, qui encourage les monopoles de l’industrie alimentaire à relever leurs prix en toute impunité.

A Shavouot 2023, le consommateur israélien continuera de respecter la tradition juive ; il achètera des produits lactés en grande quantité, quel que soit leur prix…

TIMES OF ISRAEL. COPYRIGHTS.

à propos de l’auteur
Jacques Bendelac est économiste et chercheur en sciences sociales à Jérusalem où il est installé depuis 1983. Il possède un doctorat en sciences économiques de l’Université de Paris. Il a enseigné l’économie à l’Institut supérieur de Technologie de Jérusalem de 1994 à 1998, à l’Université Hébraïque de Jérusalem de 2002 à 2005 et au Collège universitaire de Netanya de 2012 à 2020. Il est l’auteur de nombreux ouvrages et articles consacrés à Israël et aux relations israélo-palestiniennes. Il est notamment l’auteur de « Les Arabes d’Israël » (Autrement, 2008), « Israël-Palestine : demain, deux Etats partenaires ? » (Armand Colin, 2012), « Les Israéliens, hypercréatifs ! » (avec Mati Ben-Avraham, Ateliers Henry Dougier, 2015) et « Israël, mode d’emploi » (Editions Plein Jour, 2018). Dernier ouvrage paru : « Les Années Netanyahou, le grand virage d’Israël » (L’Harmattan, 2022). Régulièrement, il commente l’actualité économique au Proche-Orient dans les médias français et israéliens.
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