JACQUES BENDELAC. L’adoption de la loi de finances 2023-2024 par la Knesset est une bonne nouvelle en soi ; le gouvernement israélien dispose désormais des ressources nécessaires pour mettre en œuvre ses promesses électorales.

Certes, toutes les promesses ne sont pas réalisables sur un ou deux ans ; le gouvernement a été élu pour quatre ans, il faut donc lui donner du temps pour le juger aux résultats.

En attendant de mesurer l’impact des mesures contenues dans la nouvelle loi de finances, on peut s’arrêter sur ce que ce budget ne contient pas ; à côté des bénéficiaires de la largesse publique, il y a de nombreux perdants au budget 2023.

Argent perdu

Les principaux gagnants du budget 2023 seront les partenaires de la coalition gouvernementale dirigée par Benyamin Netanyahou ; les partis ultraorthodoxes et sionistes religieux ont vu toutes leurs revendications satisfaites, conformément aux accords de coalition signés avec Netanyahou en janvier dernier.

Si les gouvernements israéliens ont toujours alloué des fonds destinés aux partenaires de la coalition, en 2023 ces fonds sont disproportionnés par rapport aux années précédentes ; ils atteignent 6-7 milliards de shekels contre 1-2 milliards par an en moyenne durant la dernière décennie.

La destination des « fonds des accords de coalition » est connue : allocations aux étudiants talmudiques, financement de l’éducation juive orthodoxe non-officielle, soutien aux localités juives en Cisjordanie, renforcement de l’identité juive, développement du patrimoine juif, etc.

Ces fonds publics ont tous un point commun : ils garantissent la stabilité de la coalition gouvernementale mais ils sont « improductifs » c’est-à-dire qu’ils n’auront aucune retombée positive sur l’activité économique, la création de richesses, l’éducation et l’emploi ; bref, de l’argent « perdu » pour l’économie israélienne.

Cherté de la vie

A côté des gagnants du budget 2023, il y a aussi de nombreux laissés-pour-compte : le consommateur israélien en sera le principal perdant.

Alors que la cherté de la vie est la principale préoccupation des Israéliens, ce n’est pas un défi majeur relevé par la nouvelle loi de finances ; celle-ci ne comporte aucune mesure significative qui aurait permis de rendre la vie plus facile et moins cher à de nombreux ménages qui ont du mal à boucler les fins de mois.

Par exemple : le budget ne s’attaque pas au monopole des importateurs de produits alimentaires, ne favorise pas la construction de logement bon marché, ne réduit pas les droits de douane sur l’alimentation, ne supprime pas les quotas d’importation, ne soutient pas les agriculteurs en difficulté, ne réduit pas la TVA élevée sur les denrées basiques (17%), ne relance pas la formation professionnelle, etc.

Les promesses d’atténuer la hausse du prix de l’électricité et de l’eau n’ont été que très partiellement tenues ; quant à l’éducation « gratuite », elle ne sera pas vraiment gratuite…

En revanche, le gouvernement Netanyahou a trouvé de l’argent pour produire de l’électricité casher et pour distribuer des cartes alimentaires aux plus démunis ; il a aussi « inventé » un mécanisme de compensation entre municipalités « riches » et municipalités « pauvres » pour éviter de mettre la main à la poche.

Finalement, le budget qui vient d’être adopté laissera de nombreux Israéliens sur le carreau : étudiants, jeunes couples, parents de jeunes enfants, classes moyennes et basses, allocataires des minima sociaux, travailleurs rémunérés au salaire minimum, etc.

En d’autres termes, le grand perdant du budget 2023-2024 sera le consommateur qui travaille, paie ses impôts et dépense pour vivre correctement…

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à propos de l’auteur
Jacques Bendelac est économiste et chercheur en sciences sociales à Jérusalem où il est installé depuis 1983. Il possède un doctorat en sciences économiques de l’Université de Paris. Il a enseigné l’économie à l’Institut supérieur de Technologie de Jérusalem de 1994 à 1998, à l’Université Hébraïque de Jérusalem de 2002 à 2005 et au Collège universitaire de Netanya de 2012 à 2020. Il est l’auteur de nombreux ouvrages et articles consacrés à Israël et aux relations israélo-palestiniennes. Il est notamment l’auteur de « Les Arabes d’Israël » (Autrement, 2008), « Israël-Palestine : demain, deux Etats partenaires ? » (Armand Colin, 2012), « Les Israéliens, hypercréatifs ! » (avec Mati Ben-Avraham, Ateliers Henry Dougier, 2015) et « Israël, mode d’emploi » (Editions Plein Jour, 2018). Dernier ouvrage paru : « Les Années Netanyahou, le grand virage d’Israël » (L’Harmattan, 2022). Régulièrement, il commente l’actualité économique au Proche-Orient dans les médias français et israéliens.
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