JACQUES BENDELAC. L’ouverture de cinquante magasins de la chaîne Carrefour en Israël a redonné de l’espoir au consommateur israélien ; le distributeur français pourrait aider le pays à tirer les prix vers le bas.

Inaugurée à grand renfort de communication, l’enseigne française fait désormais partie du dispositif anti-inflation du gouvernement israélien.

L’arrivée de Carrefour en Israël en mai dernier est une bonne nouvelle pour le consommateur israélien ; le distributeur français a la réputation de casser les prix et il obligera peut-être ses concurrents locaux à freiner leurs hausses de prix, voir à abaisser leurs étiquettes.

Pourtant, plusieurs facteurs locaux font penser que Carrefour ne pourra pas casser les prix de l’alimentation en Israël comme il le fait ailleurs ; à l’exception de quelques produits phares (comme café, thé et chocolat), il est à craindre que de nombreux prix soient supérieurs à ceux pratiqués en France.

Voilà trois raisons objectives qui risquent de maintenir la plupart des prix de Carrefour plus élevés en Israël qu’en France.

Partenariat de franchise

Contrairement à ce qui a été dit et redit, Carrefour ne « s’installe » pas directement en Israël ; il n’y a pas investi un seul euro et ne prend aucun risque financier. Le géant français a signé un contrat de franchise avec le groupe israélien Electra Consumer Products qui vendra des produits Carrefour dans ses magasins de sa chaîne Yeinot Bitan.

En fait, une partie des magasins franchisés d’Electra est passée sous l’enseigne Carrefour alors que d’autres ont gardé l’enseigne Yeinot Bitan qui consacre quelques rayons aux produits Carrefour.

Selon ce contrat de franchise, le franchiseur (Carrefour) apporte au franchisé (Electra) son savoir-faire, sa licence de marque et son assistance en contrepartie d’une rémunération.

Ce partenariat de franchise aura une conséquence directe sur les prix au détail : ce n’est pas le français Carrefour qui fixe les prix de vente dans les supermarchés d’Israël, mais l’israélien Electra.

Certes, Carrefour fournit à Electra toute l’assistance nécessaire mais la responsabilité des prix repose sur Electra ; autrement dit, rien a priori ne garantit que les prix en Israël soient semblables à ceux pratiqués en France par la chaîne mère.

TVA alimentaire

Dans la plupart des pays occidentaux, les ventes de produits et de services sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) qui est un impôt général sur la consommation.

En Israël, le taux de la TVA est unique à 17% ; tous les produits et services sont soumis à ce taux, ce qui augmente d’autant leur prix au détail.

En France, le taux standard de la TVA est de 20% ; il est donc supérieur de trois points à celui prévalant en Israël. Or les produits de base vendus en France sont soumis à un taux réduit : pour beaucoup de produits alimentaires (comme œufs, viandes et poissons), le taux de la TVA est de 5,5% seulement.

Autrement dit, les produits alimentaires Carrefour vendus en Israël seront facturés 11,5% de plus qu’en France, avant même d’arriver sur les étagères des supermarchés.

Frais supplémentaires

Plusieurs coûts qui n’existent pas pour les produits vendus en France pourraient alourdir les prix de vente en Israël : notamment la cashrout et les transports.

Carrefour s’est engagé à vendre au moins 500 produits casher en Israël ; il s’agit d’un coût supplémentaire qui pèsera sur le consommateur ou qui sera pris en charge, même partiellement, par le distributeur.

Les transports internationaux des marchandises aussi représentent un coût qui va alourdir la trésorerie d’Electra ; un coût qui finira par se répercuter sur les prix au détail en Israël, notamment en période de hausse du prix de l’énergie dans le monde.

Ce n’est pas le moment de gâcher l’euphorie créée par l’arrivée de Carrefour en Israël ; mais il faut appeler le consommateur israélien à plus de vigilance, notamment en comparant les prix des produits à qualité égale et sans se laisser convaincre par des annonces alléchantes.

TIMES OF ISRAEL. COPYRIGHTS.

à propos de l’auteur
Jacques Bendelac est économiste et chercheur en sciences sociales à Jérusalem où il est installé depuis 1983. Il possède un doctorat en sciences économiques de l’Université de Paris. Il a enseigné l’économie à l’Institut supérieur de Technologie de Jérusalem de 1994 à 1998, à l’Université Hébraïque de Jérusalem de 2002 à 2005 et au Collège universitaire de Netanya de 2012 à 2020. Il est l’auteur de nombreux ouvrages et articles consacrés à Israël et aux relations israélo-palestiniennes. Il est notamment l’auteur de « Les Arabes d’Israël » (Autrement, 2008), « Israël-Palestine : demain, deux Etats partenaires ? » (Armand Colin, 2012), « Les Israéliens, hypercréatifs ! » (avec Mati Ben-Avraham, Ateliers Henry Dougier, 2015) et « Israël, mode d’emploi » (Editions Plein Jour, 2018). Dernier ouvrage paru : « Les Années Netanyahou, le grand virage d’Israël » (L’Harmattan, 2022). Régulièrement, il commente l’actualité économique au Proche-Orient dans les médias français et israéliens.
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