Le ministre des Affaires étrangères Eli Cohen et son équipe s’attendaient à une rencontre brève et relativement peu chaleureuse lors de leur entretien, jeudi à Bruxelles, avec le chef de la politique étrangère de l’Union européenne Josep Borrell.
La dernière fois que les deux hauts-responsables avaient échangé, cela avait été au cours d’un appel téléphonique tendu, au mois de mars. Cohen avait critiqué un article que Borrell avait fait paraître, l’accusant d’avoir comparé les attentats terroristes palestiniens et les raids de l’armée israélienne et faisant savoir à l’Espagnol qu’Israël ne lèverait pas le petit doigt pour l’accueillir s’il désirait effectuer une visite officielle au sein de l’État juif.
Au cours de cette conversation, Cohen s’en était aussi pris à l’UE en déplorant « l’ingérence » de cette dernière dans les affaires intérieures d’Israël, dans le contexte du projet de réforme du système judiciaire qui est actuellement avancé par le gouvernement.
A une autre occasion, il avait même ouvertement demandé au ministre italien des Affaires étrangères d’empêcher l’UE de s’impliquer dans le conflit israélo-palestinien – une autre pique lancée aux déclarations qui avaient pu être faites par Borrell.
Mais – de manière surprenante – Cohen a invité, cette semaine, Borrell à venir en Israël à l’issue de leur entretien.
Qu’est-ce qui a donc changé ?
Ce n’est pas l’approche de Borrell. Quelques heures seulement après l’appel téléphonique du mois de mars, il avait manifesté son désir d’aller au-delà de la querelle qui l’avait opposé au chef de la diplomatie israélienne. Prenant la parole à Strasbourg lors d’un débat parlementaire intitulé « Détérioration de la démocratie en Israël et conséquences sur les territoires occupés », Borrell avait immédiatement admis le mécontentement de Cohen et il avait expliqué que « il ne s’agit pas d’interférence mais bien d’une manière de témoigner de notre intérêt et de notre appréciation de la démocratie israélienne ».
Borrell avait souligné que l’UE reconnaissait le droit à l’auto-défense d’Israël et que lui-même ne se permettrait jamais de comparer les opérations menées par Tsahal et les attentats terroristes palestiniens.
« J’espère que le débat d’aujourd’hui sera fructueux, de manière à montrer au ministre Cohen que le Parlement est prêt à discuter de ce qui se passe au Moyen-Orient », avait-il poursuivi, « et de la manière dont nous pouvons contribuer au processus de paix, ce qui ne revient pas du tout à avoir une position anti-israélienne – pas du tout ».
Dans la querelle sur la réforme judiciaire, Borrell avait fait preuve de neutralité dans son discours, exprimant seulement son espoir qu’un compromis pourrait être trouvé.
Un discours qui n’avait guère ému Cohen.
S’attendant à des déclarations encore plus problématiques de la part du chef de la politique étrangère de l’Union européenne, Cohen avait prévu un tête à tête de quinze minutes avec ce dernier à Bruxelles. Mais les propos tenus par Borrell et son attitude pendant cet entretien privé ont, de toute évidence, fait fortement effet sur le ministre israélien.
Les deux hommes ont ainsi discuté pendant 70 minutes, a dit un membre de l’entourage de Cohen au Times of Israel.
Borrell a condamné les tirs de roquettes en direction d’Israël et le terrorisme palestinien à plusieurs reprises dans leur conversation, a fait savoir le diplomate israélien.
Et dans sa déclaration publique après cette réunion également, Borrell a condamné les tirs récents de roquettes et les attentats anti-israéliens, répétant son engagement en faveur du droit d’Israël à l’auto-défense tout en rappelant à l’État juif que « toute riposte doit être proportionnée et conforme au droit international ».
Les porte-paroles de l’UE n’ont pas commenté cette rencontre entre les deux hauts-responsables.
Selon l’officiel israélien, Cohen a aussi demandé à Borrell d’émettre un communiqué condamnant sans équivoque les paiements effectués par l’Autorité palestinienne aux terroristes emprisonnés en Israël, et appelant à de nouvelles sanctions européennes à l’encontre de l’Iran. « C’est le bon moment pour passer à l’acte contre le programme nucléaire iranien », a dit Cohen.
Aucune de ces deux requêtes n’a été mentionnée dans le communiqué émis par Borrell.
Et pourtant, les deux diplomates sont sortis de la salle où ils s’étaient entretenus avec le sourire, visiblement satisfaits d’avoir trouvé un modus vivendi.
Cohen a annoncé qu’il avait invité Borrell à venir en Israël. Selon le ministre des Affaires étrangères, les deux hommes ont convenu d’organiser la rencontre annuelle entre les ministres des Affaires étrangères de l’Union Européenne et Cohen, dans le cadre du Conseil d’Association UE-Israël, à Jérusalem.
Toutefois, le compte-rendu émis par les Européens – qui a été diffusé presque simultanément avec le communiqué israélien, autre signe d’accord – s’est contenté de noter que Borrell « espère une nouvelle réunion, cette année, du Conseil d’Association ».
Les 27 États-membres du bloc de l’UE devront encore approuver la rencontre du Conseil d’Association mais, comme l’année dernière, il est improbable que cette initiative soit écartée.
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