Frédéric Zeitoun publie ses mémoires.
Frédéric Zeitoun est l’un des visages de l’émission Télématin sur France 2 puisqu’il y est chroniqueur depuis 1998. Il est également parolier, chanteur et auteur d’ouvrages autour de la musique. Il est né paraplégique, ce qui aurait pu l’empêcher de croire en un avenir heureux et positif, mais ses parents lui ont apporté une énergie et un amour de la vie très forts. Pour eux, rien ne devait lui être impossible. C’est cette histoire qu’il raconte dans son autobiographie, Fauteuil d’artiste, aux éditions de l’Archipel.
franceinfo : Fauteuil d’artiste est un livre pour raconter que rien n’est impossible ?
Frédéric Zeitoun : Alors, bien sûr, il ne faut pas tomber dans la caricature. Bien évidemment, lorsqu’on se déplace avec une différence, lorsqu’on se déplace en 4×4, en fauteuil roulant, effectivement, il y a des choses qui sont plus compliquées que d’autres. En tout cas, ces choses-là ne sont jamais rédhibitoires. Moi, j’ai toujours essayé, mais parce que mes parents m’ont éduqué comme ça. C’était une espèce de religion chez mes parents de penser que dans la vie, il fallait toujours voir plutôt la bouteille à moitié pleine que la bouteille à moitié vide. Dit comme ça, ça fait très très bisounours. Mais je vous assure que quand c’est appliqué, effectivement, c’est une véritable croyance et j’ai fini par le croire.
Vous racontez même au moment de votre naissance que les médecins ont fait comprendre à votre père qu’ils allaient s’occuper de vous et que vous n’étiez pas « viable ». Il ne s’est pas contenté d’un verdict médical qui était dramatique. Il vous a pris sous le bras à Tunis, où vous êtes né, et vous a emmené à Paris pour rencontrer les meilleurs médecins. Il voulait savoir comment vous sauver et comment vous alléger la vie.
J’étais un enfant désiré, le troisième d’une famille. Mon père croyait très fort à la vie et donc cette espèce de diagnostic un petit peu comme ça hâtif, en disant : « Ne vous inquiétez pas, ne le déclarez pas à l’état-civil, on va s’en charger« , lui a fait l’effet d’un électrochoc. Mes parents étaient venus en 1950 en voyage de noces en France pour voir Maurice Chevalier à l’Alhambra. Le seul rapport qu’il avait avec la France était un oncle dont on disait qu’il faisait médecine et donc ils sont arrivés avec moi dans le couffin.
« Ma mère m’a donné la vie. Mon père m’a redonné la vie. »
Frédéric Zeitoun
à franceinfo
Ce qui est fort d’ailleurs, c’est qu’au début, il a vraiment préservé votre mère.
Totalement. Elle n’était au courant de rien. La pauvre, elle a failli y passer durant l’accouchement parce que les médecins ne comprenaient pas pourquoi je ne sortais pas. Il y a une toute petite difficulté. Je ne pouvais pas me servir de mes membres inférieurs donc pour pousser, c’était un peu compliqué. La pauvre a failli rester sur la table d’accouchement.
Vos parents ont pris la décision que vous étiez privé de vos jambes, certes, mais que vous ne pouviez pas être privé du savoir et du reste. Ils se sont donc battus et vous racontez les bras de fer avec les proviseurs qui vous ont empêché de récréation parce que c’était dangereux…
Ils ne voulaient même pas m’inscrire dans leur établissement. Je dois mon inscription en sixième au fait que mon père, à un moment, perde son contrôle. C’était quelqu’un d’assez calme, d’assez pondéré, d’assez posé. Et à un moment, effectivement, je le raconte dans ce livre, il sort de ses gonds et prend le proviseur au collet.
« Cette scène, en l’écrivant, elle m’a fait mal encore parce que j’ai été témoin de ça. J’étais dans le bureau du proviseur entre maman et papa, avec mes tableaux d’honneur et mes bons résultats de primaire. Et mon père, à un moment, hurle : ‘Mais ce n’est pas parce qu’il ne marche pas qu’il ne peut pas apprendre !’ C’était tellement juste et c’est tellement vrai. »
Frédéric Zeitoun à franceinfo
Vous allez jusqu’au bout de vos convictions en racontant ce que vous vivez les sentiments et les émotions que vous avez. Vous dites que les personnes en situation de handicap sont encore invisibles dans le PAF et qu’il faut faire un travail très conséquent.
Totalement. Sur 1 500 heures de programmes indexés, il y avait 0,6% de personnes en situation de handicap visible, en comptant les Jeux paralympiques. Je crois qu’entre Mimie Mathy et moi, on doit déjà faire 0,3% ! C’est aberrant. Il y a grosso modo entre 10 et 12 millions de personnes en situation de handicap définitif ou temporaire et on voit à l’année 0,6 – 0,8%. On n’est jamais arrivé à ce chiffre qui serait ô combien symbolique de 1%. Jamais 1% de population en situation de handicap n’est visible sur le petit écran, ça laisse rêveur quand même !
Vous avez écrit pour un Enrico Macias, Annie Cordy ou encore Frédéric François qui étaient des personnes dont vous étiez très proche, qui vous ont donné envie aussi de faire ce métier. On peut citer encore Louis Bertignac et Daniel Lévi qui malheureusement vient de nous quitter. Fier de ce parcours, du travail déjà accompli ?
Heureux. Fier, je ne sais pas ce que ça veut dire. Fier, ce n’est pas à moi de le dire. Heureux, heureux de continuer à poursuivre mes rêves, heureux d’être sur scène, heureux de faire le Casino de Paris le 5 décembre 2022. Ça, c’était vraiment un rêve. Heureux d’avoir rencontré sur ma route des gens qui m’aident à croire en mes rêves. Croire en ses rêves, ça fait un peu comme ça, les cheveux au vent utopiste, mais il y a des gens, des professionnels qui sont autour de moi et qui me disent : « Vas-y, continue« . Effectivement, à l’âge ou d’aucuns prennent leur retraite, moi j’y vais et je m’amuse follement.