Malgré la répression, l’opposition à la guerre menée par Moscou en Ukraine mobilise les citoyens russes. Toutes les télévisions israéliennes en parlent.
Selon l’AFP : « Certains continuent de la manifester dans la rue, mais plus encore établissent des bases arrière sur Internet, contournant les restrictions par l’utilisation des réseaux sociaux, de messageries cryptées et de serveurs VPN.
« Je n’ai pas peur, je suis sorti seul », écrit Stanislav sur Twitter, dans un message accompagnant une photo de lui protestant dans une rue de sa ville, Azov, dans l’oblast de Rostov (ouest de la Russie). Dans les mains de ce jeune Russe de 30 ans, un panneau sur lequel est écrit « #НЕТВОЙНЕ » (« pas de guerre »), en larges lettres noires.
Car non, tous les Russes ne sont pas d’accord avec ce qui se passe en Ukraine. Et bien qu’il demeure minoritaire dans son expression publique en raison de la répression, le mouvement antiguerre mobilise sur Internet, principalement à travers les réseaux sociaux et les services de messagerie cryptée tels que Telegram et Signal.
Face à la répression, le choix de la discrétion.
Bien sûr, en Russie, la mobilisation semble plus présente derrière les écrans, car dans le pays de Vladimir Poutine, manifester sur le pavé son opposition à la guerre, c’est prendre le risque d’être arrêté et condamné. En témoignent les chiffres publiés quotidiennement par l’ONG OVD-Info, un projet médiatique russe indépendant de défense des droits humains visant à lutter contre la persécution politique.
Contactée par France 24, l’ONG précise ne pas effectuer de décompte des participants aux rassemblements contre la guerre, mais celui des personnes qui y sont arrêtées. Près d’une semaine après le début de l’invasion russe, les chiffres sont déjà significatifs. « Nous n’avons jamais vu un tel nombre de détenus par jour », explique Grigory Durnovo, analyste pour OVD-Info. « On a compté au moins 6 489 détenus en cinq jours. Cela suffit à nous montrer le nombre de personnes prêtes à sortir dans la rue et à exprimer leur point de vue. »
Plus de 3 100 arrestations à Moscou, plus de 2 000 à Saint-Pétersbourg, une centaine à Iekaterinbourg, et quelques dizaines dans d’autres villes moins peuplées du pays, précise une publication Facebook de l’ONG, mardi. La répression n’empêche pas des milliers de Russes de braver la loi pour afficher leur rejet de la guerre, mais dans ce pays de quelque 144 millions d’habitants, l’immense majorité de ceux qui s’opposent à la guerre préfère faire profil bas. Un phénomène que Grigory Durnovo justifie par la vague de répression constatée en 2021 contre la société civile en Russie, et les poursuites pénales engagées contre des personnes ayant participé aux manifestations du début de l’année 2022. « Cela a vraiment eu un impact significatif sur les gens, ils sont devenus plus calmes », dit-il à France 24.
Twitter, Signal, Telegram… les bases arrière du mouvement antiguerre
Bien souvent gouvernés par la peur, les protestataires trouvent donc des biais pour manifester leur opposition à la guerre tout en restant sous les radars.
« Les contacts entre protestataires se font principalement sur Twitter et Telegram », affirme Stanislav, qui dépeint avant tout des réseaux de solidarité. Sur ces groupes, les membres partagent des informations de médias indépendants (notamment de la chaîne de télévision en ligne Dojd), relayent des actions et des pétitions, mais soutiennent aussi les manifestants arrêtés par la police. « Nous les aidons à payer les amendes, et nous trouvons aussi des avocats pour les aider », ajoute-t-il.
En fonction des chefs d’accusation, précise OVD-Info sur son site, les risques encourus par les manifestants vont « de 2 000 à 300 000 roubles d’amende (de 17 à plus de 2 500 euros, NDLR) et jusqu’à 30 jours de détention ».
Ne pouvant s’appuyer sur la transparence des médias officiels concernant les manifestations, OVD-Info reçoit les informations directement du terrain et des détenus eux-mêmes. « Ils nous appellent via notre numéro d’assistance téléphonique ou envoient des messages à notre bot Telegram », explique Grigory Durnovo. « Nous leur demandons de nous indiquer le nombre de détenus dans un bus de police ou dans un commissariat, leurs noms, le nom de la ville, et toute autre information significative, comme d’éventuels cas de violences. »
Ces informations sont recoupées et enrichies avec d’autres sources d’informations, ajoute l’analyste, évoquant les médias indépendants et les chaînes Telegram, et dans une moindre mesure les déclarations des responsables de la police (qui doivent être comparées avec les données récupérées par ailleurs).
« Les ‘médias officiels’ mentionnent parfois les manifestations antiguerre, mais très brièvement, et nous ne pouvons pas les utiliser comme source car ils ne disent pas tout. » Parfois, nous pouvons citer le nombre de détenus à partir des déclarations des responsables de la police, en le comparant avec nos données ».