L’Allemagne relance le lien diplomatique avec Israël
La récente visite en Israël du chancelier allemand Friedrich Merz est perçue par la presse allemande comme une tentative de rétablir des relations diplomatiques éprouvées. Arrivé à Jérusalem, Merz s’est rendu au mémorial de la Shoah, Yad Vashem, où il a affirmé solennellement que l’Allemagne « doit défendre l’existence et la sécurité d’Israël », rappelant la responsabilité historique de Berlin.
Pour le quotidien conservateur Frankfurter Allgemeine Zeitung, l’objectif principal de ce voyage diplomatique est limpide : “réinitialiser” le lien avec Israël, après des mois de tensions. D’autres médias, comme Die Welt, vont plus loin en évoquant une forme de mise au point personnelle : Merz cherche à “recoller la porcelaine” qu’il aurait fissurée lorsqu’il a imposé, en août dernier, un embargo partiel sur les armes destinées à Israël.
Le choix du moment n’est pas anodin : Merz effectue sa première visite officielle en Israël depuis sa prise de fonctions, avec près de sept mois de retard — un laps de temps beaucoup plus long que celui observé sous ses prédécesseurs. La guerre à Gaza, suivie de critiques de Berlin sur certaines opérations israéliennes, explique largement ce délai.
Sécurité et coopération : l’arrière-plan stratégique
Parmi les faits marquants de ce déplacement figure la livraison à l’Allemagne du système antimissile Arrow 3, développé par Israël, déployé récemment pour renforcer la défense aérienne allemande. Cette coopération militaire souligne la dimension stratégique — et mutuellement bénéfique — du partenariat germano-israélien.
Durant ses entretiens à Jérusalem, Merz a répété que l’amitié entre l’Allemagne et Israël repose sur un lien “essentiel, immuable”, même si Berlin s’est permis d’exprimer des “dilemmes” liés aux actions de l’armée israélienne à Gaza. L’embargo partiel sur les armes, imposé en août, a été levé fin novembre après le cessez-le-feu ; mais le contexte reste délicat.
Merz a aussi évoqué la possibilité d’une participation allemande — au sein d’une mission européenne — à la supervision de la transition à Gaza, dans le cadre de la deuxième phase envisagée d’un cessez-le-feu durable et d’un processus de stabilisation.
Symboles, non-dits et attentes croisées
Mais la visite ne se limite pas à la coopération sécuritaire : elle s’inscrit dans une dimension symbolique forte. Le passage de Merz par Yad Vashem incarne l’effort de Berlin pour assumer sa mémoire historique — facteur fondamental de sa politique envers Israël.
Toutefois, les observateurs soulignent un détail marquant : le chancelier n’a pas utilisé le terme traditionnel de “raison d’État” (« Staatsräson »), autrefois invoqué pour justifier un soutien inconditionnel à Israël. Ce silence est interprété comme le signe d’un équilibre délicat — entre soutien historique et prudence face à la guerre à Gaza.
Selon la presse allemande, cette visite exprime une volonté de réparer, de rassurer, mais aussi de tracer une ligne nouvelle : Berlin affirme son attachement à Israël tout en laissant entendre qu’il demeurera attentif aux évolutions humanitaires et aux droits civils.
Un nouvel équilibre germano-israélien ?
En coulisses, la levée de l’embargo sur les armes marque un retour à une coopération militaire active — mais dans un contexte renouvelé, fragilisé par la guerre, la pression internationale, et une opinion publique allemande de plus en plus divisée.
Le voyage de Merz illustre donc un tournant : Berlin ne rompt pas ses liens avec Israël, mais impose une forme de “réinitialisation” – mêlant mémoire historique, pragmatisme stratégique, et limites diplomatiques. L’avenir du partenariat dépendra de la capacité des deux pays à naviguer entre ces impératifs contrastés : sécurité, souvenir, et diplomatie durable.
Jforum.fr
![]() |
