Le maire de New York, Eric Adams, a signé mardi deux décrets : l’un interdisant toute forme de désinvestissement ciblant Israël, l’autre demandant à la police d’examiner des mesures destinées à limiter les manifestations devant les lieux de culte. Ces textes visent à constituer un premier défi au maire entrant Zohran Mamdani.
Le décret nᵒ 60 d’Eric Adams interdit aux agences municipales et aux personnes nommées par le maire chargées des décisions contractuelles de pratiquer toute forme de discrimination envers Israël, ses citoyens ou des personnes « associées à Israël ».
Le décret nᵒ 61 ordonne quant à lui à la police de New York (NYPD) d’évaluer les propositions visant à limiter les manifestations devant les lieux de culte.
Les activistes antisionistes affirmaient protester contre un événement lié à l’immigration juive en Israël, mais les slogans scandés avaient fréquemment sombré dans l’antisémitisme pur et simple, assortis de chants violents et de menaces. Mamdani avait alors dénoncé à la fois les manifestants et la synagogue, accusant l’événement consacré à l’immigration de violer le droit international.
La commissaire du NYPD, Jessica Tisch, nommée par Adams et qui, selon Mamdani, conservera son poste sous son administration, a par la suite présenté ses excuses à la synagogue pour avoir permis la tenue de cette manifestation.
Tisch, une modérée juive très appréciée, est créditée d’une baisse de la criminalité à New York. La décision de Mamdani de la maintenir dans ses fonctions a apaisé certaines inquiétudes des centristes quant à son rapport aux forces de l’ordre, compte tenu de son antagonisme passé envers la police. Les groupes antisionistes de la ville, ne revanche, font campagne contre la décision de Mamdani de maintenir Tisch à son poste, illustrant l’équilibre délicat que devra tenir le nouveau maire entre les modérés de la ville et sa base d’extrême gauche.
Adams a annoncé les deux décrets lors d’une conférence du Mouvement de lutte contre l’antisémitisme à La Nouvelle-Orléans. Il a expliqué que la mesure visant les cessions d’actifs entendait « combattre le BDS et mettre fin à la folie consistant à dire que nous ne devrions pas investir en Israël », en référence au mouvement Boycott, désinvestissement et sanctions.
« Cela fait très longtemps que les Juifs sont la cible de la haine. Nos frères et sœurs juifs fuient et se cachent depuis l’époque de Moïse », a déclaré Adams lors de la conférence, selon une transcription fournie par son bureau. « L’histoire regorge d’exemples montrant comment les Juifs ont dû, encore et encore, quitter des lieux où ils n’étaient plus en sécurité. »
« Et je dis à mes frères et sœurs juifs : l’héritage de votre génération, c’est d’affirmer : ‘Nous ne fuyons plus. Nous restons et nous nous battons.’ Nous ne laisserons pas certains groupes descendre dans la rue et décider que vous devez être éradiqués. »
Adams, fervent partisan d’Israël, a mis en place de nombreuses mesures pro-Israël. Ces décrets signés en fin de mandat entreront en contradiction directe avec les positions anti-Israël de Mamdani lorsqu’il prendra ses fonctions le 1er janvier.
Au cours de l’année, Adams a reconnu la définition opérationnelle de l’antisémitisme de l’Alliance internationale pour la mémoire de la Shoah (IHRA), qui englobe certaines formes de critique d’Israël ; créé un conseil économique chargé de renforcer les liens commerciaux entre la ville et Israël ; lancé un groupe de travail sur l’antisémitisme ; et affronté son contrôleur financier de gauche, Brad Lander, au sujet des obligations israéliennes.
À l’instar des décrets annoncés cette semaine, Adams avait également signé des ordres exécutifs pour appliquer la définition de l’IHRA et mettre en place le groupe de travail sur l’antisémitisme. Les ordres exécutifs établissent des orientations pour le bureau exécutif de la ville, par exemple en créant de nouvelles structures administratives et en donnant des instructions aux agences municipales.
Ces mesures seront transmises à la future administration, ce qui place Mamdani devant un dilemme : les abroger ou les assumer. Mamdani est un partisan de longue date du BDS et s’oppose à la définition de l’IHRA. Le fondateur du BDS a par ailleurs déclaré que le mouvement visait à mettre fin à la souveraineté juive en Israël.
La victoire de Mamdani marque un tournant radical pour les Juifs de New York, la plus grande communauté juive hors d’Israël. Les maires de la ville ont historiquement soutenu Israël, tandis que Mamdani est un critique virulent de l’État juif, se déclarant antisioniste et refusant de reconnaître le droit d’Israël à exister en tant qu’État juif.
Depuis son retrait de la course à la mairie en octobre, Adams a continué de défendre Israël et les Juifs de la ville. Il s’est rendu en Israël le mois dernier, a publié plusieurs déclarations condamnant l’antisémitisme et a prononcé un discours avertissant que la discrimination contre les Juifs « se propage comme un cancer » dans la ville.
Mamdani s’est engagé à lutter contre l’antisémitisme et bénéficie du soutien de groupes juifs d’extrême gauche, mais les principaux leaders communautaires affirment qu’il représente une menace pour la sécurité juive. Un sondage publié la semaine dernière montre que la majorité des Juifs américains « connectés » le considèrent comme antisémite et pensent qu’il rendra les Juifs new-yorkais moins en sécurité.
Mamdani sera soumis à des contre-pouvoirs dès son entrée en fonction. Tisch, le nouveau contrôleur Mark Levine et la nouvelle présidente du conseil municipal, Julie Menin, tous trois modérés et juifs, occuperont des postes clés susceptibles de contrebalancer son influence.
Plusieurs incidents très médiatisés ont par ailleurs continué d’ébranler la communauté juive. Outre la manifestation devant la synagogue, à la fin du mois dernier, un responsable musulman d’un collège municipal a quitté un événement interconfessionnel pour protester contre la présence d’un intervenant juif ; et cette semaine, une école de Brooklyn a annulé une intervention d’un survivant de la Shoah en raison de son soutien à Israël.
La police a signalé mardi que les Juifs avaient été la cible de 20 crimes de haine au cours du mois passé.
Les principales organisations communautaires juives organisent jeudi soir un rassemblement de solidarité en réponse aux incidents récents, près de la synagogue Park East, cible de la manifestation du mois dernier.
Deux législateurs juifs de l’État de New York ont par ailleurs présenté cette semaine un projet de loi visant à interdire les manifestations à moins de 7,6 mètres des lieux de culte.