Hi-tech Israël ; L’armée, l’école et l’usine convergent.
Hi-tech Israël ; L’armée, l’école et l’usine convergent
Maintenir l’avantage technologique d’Israël passe par l’école… et l’usine
Israël a bâti sa puissance économique sur une équation simple : science + industrie + défense = innovation utile. Mais cette équation se grippe si une variable manque, et aujourd’hui c’est la main-d’œuvre qualifiée qui vient à se tendre. Ingénieurs systèmes, électroniciens, spécialistes IA, techniciens de production avancée : la pénurie est réelle, alors que les besoins de l’aviation, de la cybersécurité, de l’optique et des semi-conducteurs explosent. Le message du congrès « L’avenir de l’industrie en Israël » a le mérite de la clarté : pour garder une longueur d’avance, il faut réarmer la formation — du secondaire au doctorat — et souder, pour de bon, le campus et l’atelier.
Au Holon Institute of Technology (HIT), son président, le professeur Eduard Yakubov, résume l’ambition : faire de l’université un poste avancé de l’économie réelle. Concrètement, cela veut dire des programmes conçus avec les entreprises, des projets appliqués dès la licence et une pédagogie « personne ne reste au bord de la route » — y compris pour les étudiants mobilisés depuis le début de la guerre. Cette approche « mains dans le cambouis » n’est pas un slogan : elle prépare des profils capables de passer d’un besoin opérationnel à une solution industrialisable, la compétence la plus recherchée aujourd’hui par les industriels.
L’armée, elle, a longtemps tenu lieu d’incubateur géant. D’anciennes commandantes de Mamram, l’unité numérique des forces de défense, le disent : la supériorité ne tient pas qu’au savoir, mais à la créativité sous contrainte, à la résolution de problèmes et à l’apprentissage accéléré. Ce savoir-faire « terrain » irrigue ensuite l’écosystème civil. De leur côté, les champions industriels — à l’image d’Israel Aerospace Industries — rappellent qu’ils ont besoin « des meilleurs » pour traduire des contraintes missionnelles en algorithmes, capteurs, architectures électroniques et chaînes de production robustes.
Le pays garde des atouts majeurs. D’abord l’effort de recherche : Israël reste, de loin, l’économie avancée qui consacre la plus grande part de son PIB à la R&D. Ensuite, le poids du secteur high-tech dans l’appareil productif — près d’un emploi sur neuf, plus de la moitié des exportations, et une locomotive pour les recettes fiscales. Enfin, une base industrielle-défense en accélération, avec un carnet de commandes record dans l’aérospatial et des programmes stratégiques (défense antimissile, avionique, drones) qui « tirent » les compétences.
Mais des signaux orange clignotent. La croissance de l’emploi tech patine depuis 2023 ; surtout, les postes d’R&D se contractent à la marge, preuve que la concurrence internationale capte une part de nos talents. Des entreprises israéliennes embauchent d’ailleurs une fraction croissante de leurs ingénieurs à l’étranger, faute d’en trouver assez sur place aux coûts et disponibilités requis. Si l’on n’agit pas, ce « grignotage » de la base R&D deviendra un frein structurel pour l’innovation… et donc pour la sécurité et la prospérité nationales.
Que faire, alors ? Trois priorités s’imposent.
. Aligner les cursus sur la demande réelle. Le modèle « major calibrée par l’industrie » doit devenir la norme : contenus revus tous les ans, stages obligatoires et prolongés, projets capstone fournis par les entreprises, professeurs associés issus de l’usine et du labo. L’objectif est triple : productivité dès le premier emploi, vitesse d’intégration en équipe, et culture qualité.
. Élargir le vivier et fluidifier les passerelles. Bootcamps reconnus par l’État pour les techniciens, filières « earn & learn » (un jour cours, quatre jours atelier), VAE accélérée pour sous-officiers et réservistes des unités technologiques ; bourses ciblées pour des femmes ingénieures, pour des talents issus des périphéries géographiques, et pour des reconversions de techniciens vers l’optique, la micro-mécanique, les cartes électroniques — ces métiers « cols bleus de précision » sans lesquels l’IA ne sort jamais du slide deck.
. Faire du couple industrie-défense un multiplicateur. Les besoins opérationnels (capteurs, C2, intercepteurs de nouvelle génération) offrent des « problèmes durs » qui aimantent l’excellence. Il faut transformer ces programmes en filières de compétences : thèses CIFRE israéliennes, chaires mixtes dans les écoles, plateformes de prototypage ouvertes aux PME et fab labs « duals » où un étudiant peut souder un PCB le matin et tester un algorithme embarqué l’après-midi.
L’atout d’Israël, c’est sa capacité à apprendre vite, ensemble. Si universités, armée, industriels et État verrouillent ce pacte — avec des métriques publiques simples : temps d’insertion, taux d’emploi R&D, part des stages en production, attractivité des salaires d’entrée — alors le pays restera le « laboratoire du futur » que beaucoup nous envient.
Préserver l’avance technologique d’Israël n’est pas un luxe : c’est la condition d’une économie forte et d’une sécurité durable. En soudant l’université à l’usine, en valorisant l’exigence opérationnelle et en ouvrant grand les portes de la filière à tous les talents, Israël consolide sa liberté d’action, sa résilience et sa prospérité — au bénéfice direct de ses citoyens.
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