Londres est la ville préférée des voleurs de téléphones et il y a une raison à ça

Derrière les vols quotidiens qui frappent la capitale britannique se cache une industrie bien organisée. Des milliers de smartphones dérobés chaque mois finissent réinitialisés ou expédiés vers la Chine et l’Algérie. Une économie parallèle née de la délinquance de rue.

Depuis déjà plusieurs années, les vols de téléphones portables sont devenus monnaie courante à Londres. C’est la raison pour laquelle des dizaines de perquisitions ont été menées par la police métropolitaine le mois dernier dans des magasins de téléphonie mobile de la capitale. Les forces de l’ordre ont convié le New York Times à assister à l’une d’entre elles, afin de médiatiser l’opération et de démontrer qu’il s’agit bien d’un réseau de criminalité à l’échelle internationale.

Si des pickpockets sévissent dans toutes les villes touristiques, ceux de Londres semblent être devenus presque professionnels, agissant souvent masqués et à vélo électrique. Ainsi, 80.000 téléphones auraient déjà été subtilisés cette année, selon les chiffres de la police. Aussi, les perquisitions du mois dernier visaient à identifier un groupe d’intermédiaires qui utiliseraient des boutiques de téléphones d’occasion au sein d’un réseau criminel mondial.

Au terme de cette opération de deux semaines, les enquêteurs auraient retrouvé environ 2.000 téléphones volés, ainsi que 200.000 livres sterling en espèces (soit environ 230.000 euros). En décembre dernier, la police londonienne avait déjà suivi une piste intéressante grâce à une femme ayant localisé son iPhone volé dans un entrepôt près de l’aéroport d’Heathrow. À leur arrivée sur les lieux, les policiers avaient trouvé des cartons à destination de Hong Kong. Ils étaient étiquetés comme des batteries mais contenaient près de 1.000 iPhone volés.

«Il est rapidement devenu évident qu’il ne s’agissait pas d’une simple délinquance de rue, mais d’une affaire d’ampleur industrielle», a déclaré Mark Gavin, inspecteur principal de l’enquête. Par ailleurs, cette avancée coïncide avec une initiative plus large de la police visant à renforcer la confiance du public, en s’attaquant aux crimes les plus courants de la ville, tels que les vols de téléphone.

Direction la Chine

Après la saisie à Heathrow, c’est une équipe d’enquêteurs spécialisés, habituellement impliqués dans les trafics d’armes à feu et de drogue, qui a été affectée à l’affaire. Ces derniers ont pu identifier d’autres cargaisons, ainsi que deux hommes d’une trentaine d’années, soupçonnés d’être les chefs d’un groupe ayant expédié jusqu’à 40.000 téléphones volés vers la Chine.

Selon ces enquêteurs, certains téléphones volés sont réinitialisés et vendus à de nouveaux utilisateurs en Grande-Bretagne, mais la plupart sont expédiés en Chine et en Algérie. Joss Wright, professeur associé à l’Université d’Oxford et spécialisé en cybersécurité, explique ce phénomène par le fait qu’il est plus facile d’utiliser des téléphones britanniques volés en Chine qu’ailleurs, car de nombreux opérateurs du pays ne sont pas inscrits sur une liste noire internationale interdisant les appareils déclarés volés: «Un iPhone volé et bloqué au Royaume-Uni peut être utilisé sans problème en Chine.»

À en croire plusieurs experts, le problème serait spécifiquement britannique. Il résulterait de l’austérité imposée par les gouvernements conservateurs dans les années 2010, qui a entraîné des réductions des effectifs de police et de leurs budgets. En 2017, la police métropolitaine avait ainsi annoncé qu’elle cesserait d’enquêter sur les délits mineurs lorsqu’elle estimerait les chances d’arrêter les coupables faibles, afin de se concentrer sur la lutte contre les violences graves et les infractions sexuelles.

Emmeline Taylor, professeure de criminologie à l’Université de Londres, affirme que la police est alors devenue «une force réactive»: «Les petits criminels professionnels ont réalisé qu’ils s’en sortaient impunément.» Puis, une avancée technologique est arrivée en 2018 qui aurait encore simplifié le travail des pickpockets: les vélos électriques de la marque Lime que l’on peut louer et déposer n’importe où. Ils sont rapidement devenus les véhicules de prédilection des voleurs de téléphones.

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