Pour Arlette Testyler-Reimann, 92 ans, il y a un avant et un après été 1942. Elle a neuf ans lorsqu’elle arrive chez Jean et Jeanne Philippeau, un couple de jeunes Vendômois, modestes, qui acceptent de cacher trois enfants juifs, elle, sa sœur Madeleine et un autre garçon, Simon Windland dans la ville de Vendôme.
C’est la guerre. C’est l’Occupation. Mais chez les Philippeau, la peur semble s’évaporer. « À Paris, j’avais l’étoile jaune. J’étais une enfant qu’on montrait du doigt. À Vendôme, j’étais
« Ils savaient qu’on était pourchassés. Mais ils n’ont rien dit. Ils ont risqué leur vie sans jamais penser à la leur. Je suis née à Paris, mais ma vraie naissance, c’était à Vendôme. C’était comme une deuxième naissance, c’était la liberté. »
En 2022, le titre de Justes parmi les Nations leur a été décerné par Yad Vashem, l’institut international de la mémoire de la Shoah. Une reconnaissance longtemps attendue. Jean et Jeanne Philippeau recevront la médaille, à titre posthume, de Justes parmi les Nations, le matin du 16 juin 2025.
« Avec ma sœur, on a dû faire sept ou huit demandes. C’est la plus haute distinction qu’on puisse recevoir en Israël. Il faut avoir sauvé une vie, sans contrepartie. », explique Arlette.
Après la guerre, chacun a repris sa route. La mère d’Arlette n’a pas survécu. Son père non plus. Elle est devenue pupille de la Nation et elle a été placée en internat, dans la Sarthe. Arlette n’a pas gardé le contact avec les Philippeau, faute de moyens. « À l’époque, on n’avait pas d’argent. Je venais de perdre ma famille. Et eux, ils ont eu des enfants, refait leur vie. »
Mais la reconnaissance n’a jamais quitté son esprit. « Je pense à eux tout le temps. Ce qu’ils ont fait, c’est plus que de la bravoure. C’est ma France. Celle qu’on m’a appris à aimer. Celle que mon père aurait défendue. »
Initialement prévue le 28 mars 2025, la cérémonie d’hommage avait été repoussée par la mairie de Vendôme à l’année 2026, ce qui a déclenché une vive controverse, mais finalement, la mairie de Vendôme a confirmé que la médaille des Justes parmi les Nations sera remise le matin du 16 juin.C’est Arlette elle-même qui la remettra. Elle est aujourd’hui présidente de l’Union des déportés d’Auschwitz. « Quand j’ai appris qu’ils allaient être médaillés, j’ai pleuré. J’étais en train de terminer mon dernier livre. J’étais folle de joie. »
Pour elle, ce moment aura valeur de reconnaissance, de transmission aussi.
« On ne les a pas oubliés. Et on ne les oubliera jamais. »
Source : France 3