Le réarmement allemand est une bonne nouvelle pour l’industrie française de défense. Et aussi pour Israël. Les grands vendeurs d’armes israéliens sont tès actifs en Allemagne. Des joint-ventures binationales sont très nombreuses dans le secteur de l’armement. L’Allemagne est depuis longtemps un allié clé d’Israël, l’ex chancelier Olaf Scholz soulignant souvent la responsabilité particulière de l’Allemagne dans la sécurité d’Israël en raison du passé nazi du pays.

L’Allemagne a approuvé de nouvelles exportations d’armes vers Israël pour une valeur de plus de 30 millions d’euros (31,2 millions de dollars) au cours des dernières semaines, a rapporté le journal allemand Der Spiegel.

Au total, l’Allemagne a donné son feu vert à des exportations d’armes vers Israël pour une valeur de plus de 160 millions d’euros au cours de l’année, malgré les critiques internationales croissantes concernant ce que les groupes de défense des droits de l’homme qualifient d’actions génocidaires dans la Bande de Gaza.

UN ARTICLE DE XERFI QUE NOUS AVONS SELECTIONNE. Alors que la stratégie de terre brûlée de Donald Trump accapare toute l’attention, un bouleversement majeur est passé sous le radar : l’Allemagne vient de tourner le dos à l’austérité, une révolution dont la France pourrait tirer profit. Sous l’impulsion du nouveau chancelier conservateur Friedrich Merz, le Bundestag a voté un double plan d’investissement hors normes : 500 milliards d’euros pour les infrastructures et la transition climatique, 500 autres pour la défense. En douze ans, ce sont donc 1 000 milliards d’euros — près de deux points de PIB par an — qui seront injectés dans l’économie outre-Rhin.

Pour financer ce choc budgétaire, Berlin a brisé un tabou : le sacro-saint « frein à l’endettement ». Une dérogation constitutionnelle ouvre désormais la voie à un recours massif à la dette. Le fonds d’infrastructure servira à moderniser routes, ponts, chemins de fer, réseaux énergétiques, mais aussi les hôpitaux et les crèches. Côté défense, il s’agit de rebâtir un appareil militaro-industriel digne de ce nom, dans un contexte géopolitique tendu. Cette montée en puissance, à la fois civile et militaire, change la donne.

Un moteur économique à redémarrer : une aubaine pour la France

L’économie allemande tourne au ralenti depuis plus de deux ans. Ce plan pourrait la remettre sur les rails en relançant la demande intérieure. De quoi compenser, au moins partiellement, le recul du commerce avec les États-Unis. La France y a tout à gagner. Un précédent existe : lors de la réunification, les investissements massifs avaient dynamisé les exportations françaises au point de parvenir à un quasi équilibre commercial entre les deux pays. L’imbrication des deux économies est très forte, difficile pour Paris d’aller de l’avant quand Berlin est à l’arrêt : les cycles de croissance sont trop proches.

Une relance allemande aux effets collatéraux européens

Si ce plan suscite, à juste titre, beaucoup d’espoirs, y compris pour les entreprises françaises, deux interrogations demeurent. Une partie du plan allemand sera financée par de la dette, ce qui implique une offre additionnelle d’obligations d’État sur le marché et une augmentation des rendements obligataires pour attirer les investisseurs. La réaction à l’annonce du plan a d’ailleurs été immédiate. Le taux souverain allemand à 10 ans s’est envolé amenant dans son sillage tous les taux européens, notamment les OAT françaises avec cette double incidence : une hausse du coût de financement pour l’État, et un coup d’arrêt pour la baisse des taux immobiliers. De quoi compliquer la trajectoire budgétaire française et menacer la fragile reprise du logement.

Un pari sur la confiance : la France sous pression

Deux questions se posent : le marché est-il capable d’absorber cette nouvelle offre allemande ? Les investisseurs vont-ils se détourner de la dette française ? L’abondance d’épargne en zone euro et les contraintes prudentielles des investisseurs institutionnels devraient maintenir une forte demande pour les obligations de qualité et éviter une flambée des taux en Allemagne et en France… si elle conserve son AA.

Le bazooka allemand : menace ou opportunité pour Paris ?

Le réarmement allemand est assurément une bonne nouvelle pour l’industrie française de défense. Mais il ne faut pas perdre de vue que l’Allemagne est profondément atlantiste et que 60% de ses achats militaires concernent du matériel américain. Cela peut lui servir de levier dans le cadre de négociations bilatérales avec Washington si elle fait cavalier seul. Le « bazooka » allemand est une opportunité pour la France à condition que sa crédibilité budgétaire ne soit pas remise en cause et lui fasse perdre son AA, au moment où la dette allemande arrive sur le marché obligataire, et que l’Allemagne la joue « collectif » en matière de réarmement, c’est-à-dire se détache des États-Unis. XERFI.

POUR EN SAVOIR PLUS. UN ARTICLE DE HUGO FLOTAT:

Soutien sans faille à Israël en Allemagne

Hugo Flotat-Talon

Si le soutien à Israël fait débat dans certains pays, l’Allemagne, de part son histoire, reste en rang serré derrière l’Etat hébreu.

La situation est toujours très tendue ce lundi soir en Israël et dans la bande de Gaza. « Nous allons changer le Moyen-Orient » a déclaré ce 9 octobre le Premier ministre de l’Etat hébreu, Benjamin Netanyahu, promettant de « vaincre » le Hamas. Un siège complet de la bande de Gaza a été ordonné par l’armée. L’approvisionnement en eau par les Israéliens a été coupé, il représente environ 10% des besoins en eau des Gazaouis. Le dernier bilan de ces attaques du Hamas et des répliques d’Israël s’élève à 1300 morts. Une réunion d’urgence des ministres des Affaires étrangères de l’Union européenne doit se tenir ce mardi 10 octobre.

L’Allemagne suspend son aide au développement

Dans ce contexte, l’Allemagne a pris une décision importante ce lundi, avant même que l’Union européenne ne fasse de même quelques heures plus tard : elle suspend son aide au développement aux populations palestiniennes. Une décision provisoire mais qui en dit beaucoup sur les relations entre l’Allemagne et Israël et les réactions après les attaques du Hamas.

Des voix politiques unanimes

Depuis samedi et les premières roquettes du Hamas les réactions politiques sont unanimes. « Nous condamnons avec la plus grande fermeté cette attaque contre Israël« , a par exemple déclaré, Svenja Schulze, la ministre fédérale de la Coopération économique et du Développement. Cette réaction d’une ministre sociale-démocrate résume bien les déclarations des responsables politiques de tous bords, à gauche comme à droite. La quasi-totalité de l’échiquier politique allemand affiche un soutien sans faille à Israël.

Le drapeau israélien est projeté sur la porte de Brandebourg le 7 octobre à Berlin
Dès samedi soir, le drapeau israélien était projeté sur la porte de Brandebourg à BerlinImage : Fabian Sommer/dpa/picture alliance

 

Symboliquement, dimanche, les responsables écologistes, conservateurs, sociaux-démocrates et libéraux ont même publié une déclaration commune,

fait très rare, condamnant le terrorisme du Hamas. Une organisation classée comme mouvement terroriste par l’Union européenne. Dès ce week-end aussi, la porte de Brandebourg, symbole de Berlin, était éclairée aux couleurs du drapeau israélien.

Le poids de l’histoire

De telles réactions s’expliquent par l’histoire : l’Etat d’Israël a été créé en 1948 après la seconde guerre mondiale et la Shoah,

le génocide des juifs d’Europe, déclenchées par les nazis allemands. Depuis, l’Allemagne se sent une responsabilité particulière. Angela Merkel, l’ancienne chancelière, avait même déclaré : « la sécurité d’Israël fait partie de la raison d’Etat allemande« . Déclaration qui s’est imposée dans la politique allemande. Cela figurait dimanche encore dans la déclaration commune des responsables politiques.

Au quotidien, l’Allemagne entretient des relations très étroites avec Israël : la République fédérale est l’un des premiers partenaires économiques de l’Etat hébreu en Europe. Les échanges culturels ou scolaires sont ausi nombreux. Cela ne signifie pas que Berlin soutient toujours la politique israélienne. L’Allemagne considère par exemple les colonies comme contraire au droit international. Mais tout cela explique en partie pourquoi l’Allemagne a suspendu provisoirement son aide au développement aux Palestiniens ce lundi, sans couper l’aide humanitaire.

Des rassemblements en solidarité avec Israël ce lundi

Un homme tient une pancarte sur laquelle est inscrit en anglais "Libérer Gaza du Hamas", lors d'un rassemblement à Francfort en solidarité avec Israël
Depuis samedi, de nombreux rassemblements sont organisés en solidarité avec Israël en Allemagne Image : Boris Roessler/dpa/picture alliance

Dans le même temps, la police a annoncé avoir ouvert des enquêtes à Berlin après que des personnes ont « fêté » en pleine rue les attaques du Hamas samedi soir. Des comportements dénoncés jusqu’au plus haut sommet de l’Etat, par le président de la République allemande. « Nous ne pouvons tolérer que des personnes tentent de célébrer dans la rue les attaques brutales contre Israël », a dit , Frank Walter Steinmeier. « Ceux qui encouragent ce terrorisme ne se contentent pas de dénigrer les victimes, ils bafouent également la dignité humaine et notre constitution allemande. Un tel comportement me consterne. Il me dégoûte. »

Ce lundi soir encore des rassemblement en solidarité avec Israël sont organisées dans plusieurs villes allemandes. Tout cela intervient alors que débute en Allemagne un mois de campagne et d’actions diverses contre l’antisémitisme. Une campagne annuelle prévue bien avant les événements de ces derniers jours.

Portrait Hugo Flotat-Talon
Hugo Flotat-Talon Journaliste au programme francophone de la Deutsche Welle
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