Fuite des cerveaux, exode des millionnaires… la guerre sans fin à Gaza mine l’économie israélienne.
L’économie israélienne subit les conséquences de la guerre dans la bande de Gaza, avec notamment un début de « fuite des cerveaux » dans la high-tech et l’exode de millionnaires. Le secteur de l’armement, lui, profite de l’aubaine.
Par Pascal Brunel
L’économie israélienne ne sort pas indemne de plus de dix-sept mois d’une guerre, dans la bande de Gaza, qui a repris de plus belle le 18 mars à l’issue de deux mois d’un fragile cessez-le-feu. Des signaux d’alerte sont apparus à l’horizon. Parmi eux, le plus spectaculaire porte sur la high-tech, véritable moteur de croissance, qui assure à elle seule la moitié des exportations du pays. En l’espace de neuf mois, quelque 8.300 employés de ce secteur clé se sont « relocalisés », autrement dit ont déménagé à l’étranger pour une période d’au moins un an.
L‘Autorité israélienne de l‘innovation, un organisme officiel, s’inquiète, évoquant un début de « fuite des cerveaux ». Cet exode, même s’il ne touche jusqu’à présent que 2,1 % des effectifs des entreprises de high-tech, traduit un profond malaise.
Quelque 300.000 Israéliens ont dû réendosser l‘uniforme pour effectuer des périodes de réserve, parfois pendant plusieurs mois. Abandonnant ainsi famille, travail et études universitaires, tout en mettant en danger leur vie, pour ceux qui servent dans des unités combattantes.
Des millionnaires qui partent
Ces départs à l‘étranger, s’ils prenaient davantage d’ampleur, ne manqueraient pas de creuser le déficit budgétaire, alors que les prélèvements sur les revenus tirés de la high-tech assurent à eux seuls un quart des revenus fiscaux. Autre signe inquiétant : 1.700 millionnaires et milliardaires ont également choisi, l‘année dernière, de larguer les amarres, selon les estimations de Henley & Partners, un cabinet de conseil en investissements britannique.
La Banque d’Israël s’est, elle aussi, mise de la partie. « La situation géopolitique, notamment la reprise des affrontements dans la bande de Gaza, est devenue à nouveau le principal obstacle à une baisse des taux d’intérêt tout en provoquant parallèlement une hausse de la prime de risques pour les emprunts levés par Israël à l‘étranger », souligne un responsable de la banque centrale, qui maintient son taux de base à 4,5 % depuis quinze mois. Pour cette année, la Banque d’Israël a abaissé ses prévisions de croissance du PIB à 3,5 %, alors qu’elles étaient de 4 % en janvier.
Une guerre qui dure
De son côté, Fitch a maintenu la note de crédit de l‘Etat hébreu à « A » tout en conservant une perspective négative en raison « des défis économiques et fiscaux » liés notamment au conflit dans la bande de Gaza.
« La reprise des hostilités à Gaza pourrait impliquer des opérations terrestres, aériennes, intenses et durer plusieurs mois », a prévu l‘agence de notation. Moody’s et S&P Global – tout comme Fitch – avaient abaissé la note de l‘Etat hébreu l‘an dernier à la suite la prolongation de la guerre, dont le coût est estimé jusqu’à présent à 67 milliards de dollars par le ministère des Finances.
« Résilience au choc du 7-Octobre »
Ce tableau doit toutefois être quelque peu nuancé. L‘OCDE, dans un rapport publié la semaine dernière, a accordé un satisfecit à l‘économie israélienne qui « a fait preuve d’une remarquable résilience au choc provoqué par le 7-Octobre et à la guerre qui a suivi ». Les combats ont également provoqué un boom sans précédent du secteur de l‘armement, avec des commandes massives de Tsahal, mais aussi des exportations stimulées notamment par le conflit en Ukraine.
Le secteur de la haute technologie spécialisé dans le militaire a ainsi connu une véritable floraison avec 312 entreprises et start-up actives désormais dans la cybersécurité, la robotique, l‘intelligence artificielle, la technologie spatiale, soit un doublement en l‘espace d’un an.
Les trois plus grands groupes militaires ont battu des records. Le montant des carnets de commandes d’Elbit Systems, d’Israel Aerospace Industries et de Rafael, culmine à 64 milliards de dollars, ce qui devrait leur assurer au moins quatre années d’activité pleine. L‘heure est également aux records pour leur chiffre d’affaires et leurs bénéfices.
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