Lorsqu’en 2016, l’Australie a annonçé que le français Naval Group avait été retenu pour fournir douze sous-marins à propulsion classique Shortfin Barracuda Block 1A à la Royal Australian Navy [RAN], la France ne pouvait pas se douter qu’en 2017, le premier ministre australien allait annuler ce contrat pour se tourner sur le pacte AUKUS (Australia, United Kingdom, United States) avec les États-Unis et le Royaume-Uni qui devait lui permettre d’acquérir huit sous-marins nucléaires d’attaque. Dans le détail, les États-Unis ont pris l’engagement de livrer trois SNA de type Virginia à l’Australie entre 2032 et 2038. Quant aux cinq autres, ils devraient être fabriqués dans le cadre du programme SSN-AUKUS, mené par la Royaume-Uni en vue du remplacement des SNA de type Astute mis en œuvre par la Royal Navy.
Seulement, pour que les États-Unis puissent tenir leurs engagements à l’égard de l’Australie tout en répondant aux besoins opérationnels de leur propre marine, il faudrait que leur industrie navale soit en mesure de produire, en moyenne, plus de 2,33 SNA de type Virginia par an… Soit deux fois plus qu’actuellement.
Les USA ont déclaré qu’ils garderaient les sous-marins produits, mais qu’ils pourraient éventuellement en baser quelques uns en Australie… mais sous le contrôle opérationnel de l’US Navy et avec un équipage américain.
Autre problème à l’horizon, les sous-marins actuels Collins risquent de ne pas pouvoir être prolongés jusqu’en 2040 et la construction des SSN-AUKUS, si elle est confirmée, risque de faire l’objet de retards et de surcoûts. En outre, l’industrie navale britannique devra mener de front le programme Dreadnought, lequel vise à remplacer les quatre sous-marins nucléaires lanceurs d’engins [SNLE] de la Royal Navy.
« Il se peut que nous nous retrouvions malheureusement sans sous-marins. Nous devrons alors investir dans d’autres moyens de nous défendre. Mais le message essentiel est que nous allons devoir envisager de défendre l’Australie par nous-mêmes. C’est là le véritable problème. Nous ne pouvons pas partir du principe que les Américains seront toujours là », en a conclu Malcolm Turnbull, l’ancien Premier ministre australien qui avait choisi Naval Group en 2016.
Aussi, certains insistent sur la nécessité d’un autre « plan B ». Tel est le cas de l’ex-amiral australien Peter Briggs. « Les risques liés à l’AUKUS s’accumulent. L’Australie doit se préparer à construire des SNA français », a-t-il signalé. De plus, les cinq SSN-AUKUS risquent d’être trop chers et inadaptés aux besoins et aux capacités de la Marine australienne RAN car trop imposants. Ce qui n’est pas le cas du Suffren français, plus abordable et ne nécessitant qu’un équipage réduit à 60 marins. La RAN « a déjà du mal à recruter et à conserver du personnel. La taille de l’équipage du nouveau sous-marin devrait donc constituer un critère de sélection essentiel », fait valoir l’amiral Briggs.
Le SNA de la classe Suffren « serait nettement moins cher à construire, à posséder et à équiper que les sous-marin Virginia ou Aukus. La taille plus petite du Suffren et sa meilleure manœuvrabilité le rendent plus performant dans les eaux peu profondes et confinées qui nous intéressent le plus dans le nord de l’Australie », soutient-il.
Et d’insister : « L’Australie pourrait exploiter 12 Suffren […] tout en ayant besoin de moins de membres d’équipage et à un coût inférieur à celui du projet Aukus, qui prévoit huit sous-marins de plus grande taille. Le Suffren est conçu selon les normes de l’Otan, ce qui garantit l’interopérabilité avec les alliés des États-Unis et du Royaume-Uni ».
Autre solution, préconisée par Henry Sokolski, le directeur exécutif du Nonproliferation Policy Education Center, basé aux États-Unis. « Plutôt que de sacrifier une grande partie de son programme de défense pour acheter des sous-marins nucléaires, l’Australie devrait plutôt adopter un Plan B AUKUS qui mettrait en œuvre de nouvelles technologies de défense telles que des systèmes sans équipage et des armes hypersoniques, ce qui renforcerait sa sécurité plus rapidement et pour beaucoup moins cher ».
En clair, il s’agirait pour Canberra d’abandonner le premier pilier du pacte AUKUS pour mieux se concentrer sur le second…
Source : Opex360 & Israël Valley