Les récentes décisions de Donald Trump vis-à-vis de l’Ukraine et son alignement sur la version russe du conflit a profondément ébranlé les pays occidentaux en remettant en cause leur doctrine de défense reposant sur le bouclier américain. Que ce soit en Allemagne, au Canada ou encore en Suisse, la commande de chasseurs-bombardiers F-35 auprès du constructeur américain Lockheed-Martin fait débat, certaines voix ayant fait part de leurs inquiétudes au sujet d’une trop grande dépendance à l’égard des États-Unis en matière militaire.
Ce débat a donné lieu à une rumeur, selon laquelle les Américains auraient la possibilité d’empêcher les F-35 d’une force aérienne européenne de décoller grâce à un « kill switch » [« bouton d’arrêt »], même si en réalité, le chasseur-bombardier de Lockheed-Martin n’est pas « désactivable à distance ».
En revanche, comme le F-35 est un « ordinateur volant » [avec plus de 8 millions de lignes de code], les États-Unis pourraient éventuellement arrêter les mises à jours logicielles ainsi que celles du Mission Data File [MDF], lequel garantit ses capacités opérationnelles. Ou encore entraver sa maintenance et sa logistique en coupant les accès aux serveurs sur lesquels reposent les systèmes ALIS [Autonomic Logistics Information System] et ODIN [Operationnel Data Integrated Network].
Quoi qu’il en soit, la question d’une trop grande dépendance aux équipements militaires américains reste posée. Et cela pourrait avoir des conséquences sur les acquisitions à venir de certains pays européens, comme le Portugal.
En 2019, le ministère portugais de la Défense avait expliqué que les F-16AM/BM de la Força Aérea Portuguesa [FAP] resteraient en service « jusqu’à leur remplacement par des avions de 5e génération » [comprendre : des F-35A].
Cette orientation fut confirmée en novembre 2023 par le général João Cartaxo Alves, le chef d’état-major de la FAP, lors de la présentation d’un nouveau plan de transformation. Puis, quelques mois plus tard, lors d’un entretien donné au quotidien Diário de Notícias, il plaida en faveur d’une « décision rapide » à ce sujet.
« Nous avions 40 F-16 et nous en avons vendu 12 à la Roumanie. Les 28 dont nous disposons sont ceux dont nous avons besoin pour remplir les engagements que nous avons pris. Et nous ne pouvons pas les abandonner tant que nous n’aurons pas effectué cette transition vers le F-35 », avait-il dit. « Il faut remplacer les F-16 car même si cette décision est prise maintenant, le premier avion [F-35] n’arrivera que dans sept ans », avait-il insisté.
Seulement, la candidature du F-35A semble désormais compromise. Du moins, pour le moment. En effet, le ministre portugais de la Défense, Nuno Melo, l’a remise en cause lors d’un entretien donné au journal Público. « Les F-16 sont en fin de cycle et il va falloir réfléchir à leur remplacement. Cependant, dans nos choix, nous ne pouvons pas rester insensibles à l’environnement géopolitique. La position récente des États-Unis, dans le contexte de l’Otan, […] doit nous faire réfléchir aux meilleures options, car la prévisibilité de nos alliés est un atout majeur à prendre en compte. Nous devons croire qu’en toutes circonstances, ces alliés seront à nos côtés », a dit M. Melo.
Et d’ajouter : « Plusieurs options doivent être envisagées, notamment européennes, tout en tenant compte également du retour que celles-ci peuvent avoir pour l’économie portugaise ».
En outre, a continué M. Melo, les États-Unis, qui « ont toujours été prévisibles au fil des décennies, pourraient restreindre tout ce qui permet de garantir que les avions seront opérationnels et utilisés dans tous les types de scénarios ».
Si le F-35A n’est, à ce stade, plus dans la course, le Portugal pourrait considérer le Rafale, l’Eurofighter EF-2000 / Typhoon ou le JAS-39 Gripen E/F. Ce dernier ne manque pas d’atouts, au regard des liens entre le Portugal et le Brésil, où Embraer construit ce type d’appareil dans le cadre d’une coopération avec le suédois Saab. D’ailleurs, l’industriel brésilien a récemment inauguré son bureau « Embraer Defense Europe » à Lisbonne.
Source : Opex360 & Israël Valley