Politique israélienne : prévisions pour 2025.
Alors que le gouvernement vient de passer la barre symbolique des deux ans, soit une moitié de mandat, 2025 sera très probablement la dernière année complète de la coalition Netanyahou. Voici la liste des sujets qui devraient préoccuper la Knesset.
Les opportunités géopolitiques
Après des relations parfois très tendues avec l’administration Biden, un second mandat du président Donald Trump est un cadeau que Jérusalem n’a longtemps pas osé espérer. Avec la nomination qui plus est d’une administration largement pro-israélienne et anti-iranienne, il ne serait pas exagéré de dire que le gouvernement compte les jours jusqu’au 20 janvier. Une fois l’investiture passée, il s’agira à la fois de tamiser le régime des mollahs à Téhéran et de saisir les opportunités saoudiennes.
Les réticences du prince Mohammed Ben Salman auront calmé les ardeurs de ceux imaginaient un accord bi-latéral imminent avec Riyad, mais Trump aura certainement à cœur de renforcer les accords d’Abraham et les régimes pragmatiques et relativement tolérants de la région, aussi peu nombreux soient-ils.
Pour Netanyahou, il s’agit surtout d’amorcer le tournant post-militaire et de proposer une nouvelle vision sur le dossier palestinien, après l’effondrement brutal de sa stratégie face au Hamas. L’approche entrepreneuriale et non-conventionnelle de Trump et de son entourage est un atout qu’il sera indispensable d’exploiter.
Une nouvelle vision pour l’opposition.
Dans ce contexte international, pour pouvoir exister, l’opposition va indubitablement devoir se renouveler. Morcelée en termes de leadership, l’opposition peine surtout à se faire entendre sur un message audible et crédible, alors qu’une large majorité d’Israéliens sont d’accord sur la nécessité de mener la guerre à bien.
Qu’aurait fait différemment un gouvernement mené par Benny Gantz, Yair Lapid ou Gadi Eizenkot ? Mystère. D’autant plus que, en dépit de la rhétorique souvent flamboyante de Yair Lapid sur un accord de libération des otages, l’irrédentisme du Hamas dans les négociations a été reconnu jusque les plus hautes instances de la Maison-Blanche, et ce à plusieurs reprises.
La personnalité de Netanyahou continue de cliver, et le prix de la guerre est lourd à porter, mais largement accepté comme une fatalité par les Israéliens. Quel nouveau projet alors pour fédérer ? C’est là que les éléments les plus droitiers de l’opposition, Avigdor Lieberman pour l’aile laïcarde et Naftali Bennett pour l’aile traditionaliste et religieuse, vont devoir se distinguer et proposer un programme concret. Il y aurait de nombreuses propositions à faire en termes de réhabilitation économique, collective et scolaire notamment, et sur le diplomatique bien entendu. Favori des sondages, Bennett se garde bien pour l’instant de formuler des intentions précises et travaille son électorat à grands coups d’embrassades et de tapes dans le dos. 2025 devrait néanmoins marquer la fin du flou artistique.
L’enrôlement des haredims
Et ce, alors que le dossier de la conscription pour tous sera au cœur des débats parlementaires des mois à venir, comme le montre encore la démission fracassante de l’ancien ministre de la Défense Yoav Gallant qui a choisi le premier jour de l’année civile pour démissionner également de la Knesset. Un sujet particulièrement chargé émotionnellement alors que l’armée et ses réservistes ploient sous le coût mental et opérationnel de 18 mois de guerre. Reste néanmoins à déterminer s’il est capable de faire fondamentalement bouger les lignes de la politique israélienne, autrement dit de défaire l’alliance historique entre le Likoud et les partis ultra-orthodoxes, qui refusent tout changement réel du statu quo. Un point de révolte pour de nombreux électeurs de droite que Netanyahou devra donc traiter avec précaution. Mais les haredims savent bien que le seul scénario qui serait capable de leur dicter un nouveau contrat avec l’Etat est une réconciliation, pour l’instant hautement improbable, entre le Likoud de Netanyahou et le centre ; situation dans laquelle ils perdraient leurs statuts de faiseurs de coalition et se verraient imposer de nouvelles conditions. Une impasse d’autant plus dommageable qu’on l’a dit plus haut, les écarts idéologiques entre la droite traditionaliste et le centre droit sont presque inexistants. Mais dans la topographie identitaire de la société israélienne, il s’agit d’un fossé que même le 7 octobre n’a pas encore réussi à refermer. Pour y parvenir, les prétendants à la relève, que ce soit au sein du Likoud ou sur les bancs de l’opposition, devront déployer des ressources d’ingénierie politique dont ils n’ont jusqu’à présent pas encore fait preuve.
Le procès Netanyahou
Tout cela alors que le Premier ministre a une marge de manœuvre politique assez faible, occupé qu’il continuera d’être par son témoignage à son procès pour corruption, fraude et abus de confiance. Menée à un rythme de deux ou trois séances par semaine, ces audiences à la barre devraient se prolonger au moins jusqu’à la fin du printemps, si ce n’est le milieu de l’été. Interrogé jusqu’à présent par son équipe de défense, Bibi a su user de ses talents oratoires pour proposer une version cohérente de son innocence. Une image qui devrait néanmoins se dégrader lorsque viendra le tour du parquet. Entre ce mauvais moment à passer et l’attention qu’il ne manquera pas de focaliser sur Washington, le Premier ministre aura besoin d’une coalition stable et capable d’absorber les turbulences. Alors que c’était le cas très étrangement depuis le 7 octobre, ces dernières semaines révèlent néanmoins des premiers signes d’essoufflement. La débâcle de ce 31 décembre où Netanyahou a dû quitter son lit d’hôpital du haut de ses 75 ans et alors que la majorité faisait également venir un Boaz Bismuth hagard en pleine shiva de sa mère pour voter une simple loi fiscale – en est un signe évident. Politicien chevronné, et face à une opposition décidément impotente, Netanyahou devrait néanmoins pouvoir reprendre rapidement la main.