Le « vieux Menhir », Jean-Marie Le Pen, restera une figure emblématique de l’antisémitisme en France : provocateur, révisionniste, manipulateur. Une de ses déclarations qualifiant les chambres à gaz de « détail de l’histoire » a cristallisé son mépris pour la Shoah et les Juifs. Sous sa direction, le Front National a ouvertement accueilli des négationnistes, renforçant son image d’adversaire déclaré d’Israël et de ses défenseurs. Obsédé par l’idée d’un « lobby juif », il a nourri une rhétorique haineuse sous le prétexte d’un patriotisme frelaté.

Le judaïsme, fondement spirituel et éthique pour des millions de personnes, rappelle avec force que chaque être humain, même le pire d’entre eux, est créé à l’image de D-ieu (“Tselem Elohim”). En Genèse 1:27, il est écrit que toute vie humaine porte une étincelle divine. Se moquer d’un mort, quel qu’il soit, revient à bafouer cette étincelle et à mépriser l’œuvre du Créateur.

Le concept de “Chesed shel Emet” (“la bonté véritable”), essentiel dans le judaïsme, illustre cette vision. Cette bonté, exprimée dans les rites funéraires, est qualifiée de “véritable” car elle n’attend rien en retour du défunt. Le respect des morts est une affirmation de notre humanité et un rappel que la dignité ne dépend pas du mérite.

Le Talmud (Sanhedrin 46b) va plus loin en affirmant que manquer de respect à un corps humain est une atteinte à l’humanité tout entière. Même un ennemi, par sa simple humanité, a droit à la dignité. L’histoire biblique offre des modèles éthiques clairs : lorsque les Égyptiens, oppresseurs furent engloutis par la mer Rouge, les anges voulurent chanter. Mais Dieu les arrêta : « Mes créatures se noient dans la mer, et vous voulez chanter ? ». Des collectifs et Partis antisémites comme le NPA ont célébré la mort de Jean-Marie Le Pen. Certes Poutou n’a rien d’un ange mais ceux qui ont suivi ses initiatives le 7 janvier n’ont pas eu plus de sagesse.

Le parcours de Jean Marie Lepen est ce qu’il est. Une anecdote poignante de Simone Veil, survivante de la Shoah, illustre ce point avec force. En 1979,face à une attaque de Jean-Marie Le Pen, elle lui avait répondu : « Vous ne me faites pas peur. J’ai survécu à pire que vous. Vous n’êtes que des SS aux petits pieds. » Cette phrase résume l’abîme moral qui séparait Simone Veil de l’homme qu’était Le Pen. Une rectitude morale absolue, une survivante des camps face à un homme dont les propos et actions ne méritent que les poubelles de l’Histoire.

Le récit de Saül, premier roi d’Israël, tué par les Philistins, est également instructif. Malgré les conflits, des hommes courageux ont récupéré son corps pour lui offrir une sépulture digne. Ce geste symbolise que le respect des morts transcende les différends, même dans les moments les plus tendus.

Si les survivants de la Shoah, victimes de la pire barbarie, ont su honorer les morts, y compris dans des circonstances atroces, cela invite à une réflexion sur ceux qui, aujourd’hui, choisissent la moquerie. Cette attitude, éloignée des valeurs universelles de respect et de dignité, réduit ceux qui s’y adonnent à une forme de barbarie intellectuelle et morale.

La disparition de Jean-Marie Le Pen ne change rien à son héritage, mais elle met en lumière des dilemmes éthiques et politiques profonds. C’est un choix de dignité qui affirme notre humanité face aux tentations destructrices de la vengeance symbolique. Oui, les poubelles de l’Histoire regorgent des excès de Jean-Marie Le Pen, mais si nous fermons les yeux sur nos propres dérives, ce sont les déchets de notre humanité qu’elles retiendront demain.

EXTRAITES D’UN ARTICLE PARU DANS LPH.

 

Eden Levi-Campana

Eden Levi-Campana est un cinéaste et journaliste corso-israélien. Il est actuellement reporter et correspondant pour divers médias internationaux. Membre de « l’Union des Déportés d’Auschwitz », il est particulièrement sensible aux questions de l’antisémitisme et de la Shoah. En qualité d’auteur, de script-doctor et de biographe, Eden travaille depuis trente ans pour des sociétés de productions de films et des maisons d’éditions françaises, anglaises, américaines et israéliennes.

 

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