Face à la flambée des prix, Israël entame 2025 avec des réformes économiques, mais seront-elles efficaces ?

Alors que quelques géants dominent les importations de denrées alimentaires, entre autres produits, les changements sont censés abaisser les coûts ; les experts ont des doutes.

Le 1er janvier 2025, les Israéliens se sont réveillés avec une hausse considérable des taxes, des prix et des coûts des services publics.

Mais la nouvelle année a également été marquée par une série de réformes visant à faire baisser les prix à court, moyen et à long-terme.

Ces réformes, menées par le ministère de l’Économie en coopération avec les ministères de la Santé et de l’Énergie, se sont basées sur une décision prise par la commission ministérielle de lutte contre le coût de la vie, en septembre 2023.

Le gouvernement estime que ces changements permettront de réduire la bureaucratie, les coûts et les délais, d’élargir la variété des produits, d’accroître la concurrence et, en fin de compte, de faire baisser le coût de la vie.

Cependant, comme les marchés de l’alimentation, des cosmétiques et certains autres marchés sont dominés par une poignée de conglomérats et d’entreprises, les experts se demandent si ces réformes porteront leurs fruits.

Dans la droite ligne de l’Europe.

L’un des éléments clés des réformes est l’alignement des normes israéliennes et européennes. Les premières ont été introduites il y a plusieurs décennies pour protéger les produits israéliens et, comme prévu, elles ont posé de nombreux obstacles aux importateurs. Par exemple, ceux-ci doivent faire tester leurs produits en Israël pour s’assurer qu’ils respectent les règles locales, ce qui augmente les coûts.

Désormais, les importateurs (et certains fabricants nationaux) de milliers de produits devront conserver une déclaration stipulant que ces produits sont conformes à la réglementation européenne. Lorsque les importations arriveront en Israël, les articles seront dédouanés sans délai bureaucratique ni nécessité d’approbation réglementaire.

Le ministère de l’Économie estime que cette réforme permettra aux importateurs d’économiser entre 8 et 16 % de la valeur des importations – et il espère que les consommateurs bénéficieront d’un pourcentage d’économies encore plus élevé avec l’intensification croissante de la concurrence.

La réforme couvre les produits ménagers, de cuisine, de loisirs et de sport, ainsi que les produits destinés aux bébés et aux enfants, tels que les jouets, les berceaux, les poussettes et les chaises de cuisine. Les couches et les produits hygiéniques sont également inclus.

Dans le cadre d’une réforme du ministère de l’Énergie, les importateurs pourront, à partir du 1ᵉʳ novembre, importer tout produit électrique commercialisé en Europe qui est enregistré dans le registre européen des étiquettes énergétiques pour les appareils à faible consommation d’énergie (EPREL), un registre accessible au public.

Selon le ministère de l’Économie, 60 % des normes officielles ont été alignées ; les 40 % restants devront entrer en vigueur d’ici la fin de l’année 2027.

Un important travail reste à accomplir.

Rachel Gur, ancienne vice-présidente de l’organisation de lobbying citoyen Lobby99, explique qu’il existe 530 normes officielles pour les produits non alimentaires et 130 pour les produits alimentaires.

Cependant, il existe des milliers d’autres normes qui ne relevaient pas de la réglementation sur les normes – mais qui ont été enfouies dans d’autres lois au cours des 75 dernières années.

« Ces normes peuvent être dispersées un peu partout», explique Gur, qui enseigne aujourd’hui à l’Université Reichman, dans le centre d’Israël.

« Certaines ne figurent pas dans la loi, mais dans des ordonnances, des règles internes ou des instructions émises par des ministères, comme celui de la Santé. Il est nécessaire de les rassembler dans un document global, en collaboration avec l’Institut israélien de normalisation, afin de pouvoir travailler à leur adaptation ou à leur abrogation. »

Le secteur de l’alimentation

La réforme du secteur des denrées alimentaires prévoit d’étendre l’adoption de la réglementation européenne dans des domaines tels que la sécurité alimentaire et l’étiquetage.

Une entreprise qui remplit diverses conditions, avec notamment un plan de contrôle de la qualité et de la sécurité fondé sur la gestion des risques, sera définie comme un « importateur approprié ». L’entreprise pourra importer toute denrée alimentaire fabriquée ou commercialisée dans l’UE, à l’exception de certains produits tels que les compléments alimentaires, les aliments pour bébés et jeunes enfants, la viande, le poisson, les œufs et leurs produits, les produits laitiers à base de lait non pasteurisé, ainsi que les fruits et légumes frais.

Selon le ministère de l’Économie, la réduction de la procédure bureaucratique permettra à l’importateur de réaliser des économies de 7 à 11 %.

Les produits cosmétiques

Les importateurs en règle seront autorisés à importer des produits cosmétiques légalement commercialisés dans l’UE, en Suisse ou au Royaume-Uni, à l’exception des écrans solaires, des lisseurs de cheveux et des articles destinés aux bébés ou aux enfants de moins de 12 ans.

Assumant l’entière responsabilité de la sécurité et de l’efficacité des produits cosmétiques qu’ils importent, les importateurs auront besoin de documents émanant des fabricants ou des fournisseurs, confirmant que le produit est légalement commercialisé dans les pays autorisés et détaillant des aspects tels que la sécurité et les conditions de stockage.

Jusqu’à présent, les importateurs devaient soumettre de gros dossiers de documents aux fonctionnaires du ministère de la Santé pour obtenir une approbation préalable. Les économies réalisées sont estimées entre 7 % et 9 %.

La réforme de la normalisation fera-t-elle baisser les prix ? « Personne ne le sait », répond Gur.

Elle ajoute : « Pour certains articles, tels que les produits électroniques, les climatiseurs, certains articles ménagers comme les sacs à dos, l’adoption des normes [européennes] [dans une première vague d’articles approuvés pour l’alignement sur l’UE] a déjà créé une vague d’importations et une baisse des prix. »

Importations parallèles

Une autre réforme connexe, entrée en vigueur le 1ᵉʳ janvier, vise à encourager la concurrence en supprimant les obstacles aux importations parallèles et aux petites et moyennes entreprises d’importation.

Les grandes entreprises, telles que Colgate-Palmolive, préfèrent passer des contrats avec un importateur et un distributeur uniques dans chaque pays. Jusqu’à présent, l’importateur/distributeur franchisé a pu pratiquer des prix élevés en raison de l’absence de concurrence.

Des articles de Colgate en vente à Jérusalem, le 5 février 2020. (Sue Surkes/Times of Israel)

Les importateurs parallèles, qui achètent des stocks à bas prix à l’étranger et proposent de les vendre en Israël à un prix inférieur à celui des importateurs exclusifs, ont été fortement limités.

« Selon le ministère de l’Économie, seuls 2,5 % des produits de toilette sont entrés par le biais de l’importation parallèle jusqu’à présent », rapporte Gur.

« Le potentiel est énorme. »

Désormais, les vannes des importations parallèles seront ouvertes, de sorte qu’un importateur qui achète du dentifrice Colgate en Roumanie, où le prix est plus bas, par exemple, pourra le vendre en Israël à un prix inférieur à celui du franchisé israélien, et ce dernier n’aura pas le droit de faire quoi que ce soit pour l’en empêcher.

Réglementation de la concurrence

Il reste à voir si les économies réalisées grâce à la réforme des importations seront répercutées sur les consommateurs et si les changements apporteront plus de concurrence tant que les produits essentiels de la vie quotidienne, tels que les aliments et les boissons, les articles d’hygiène, les produits d’entretien et d’autres articles ménagers bon marché, seront contrôlés par un petit nombre d’entreprises.

Comme le rapportait le Times of Israel il y a près de deux ans – et peu de choses ont changé à ce sujet, selon Gur – une poignée d’entreprises contrôlent un vaste éventail de marques dans les magasins, ce qui leur confère un grand pouvoir. Parmi les entreprises de produits alimentaires et de boissons bien connues, citons Tnuva, Osem, Strauss (qui fabriquent principalement des produits alimentaires mais en importent également), Unilever Israël (qui importe principalement) et la Central Bottling Company/Coca Cola Israël, qui produit des boissons et importe des marques internationales de premier plan.

Parmi les moins connues, on trouve Schestowitz et Diplomat. Schestowitz détient la franchise (exclusive) de plus de 110 marques, telles que Colgate, Johnson’s, Revlon, Oatley et Barilla, mais aussi Issey Miyake, Gucci, Burberry et Mercedes Benz. Diplomat détient les droits de 135 marques dans les domaines de l’alimentation, de l’hygiène personnelle et des produits de nettoyage.

Les nouveaux importateurs seront-ils en mesure de concurrencer ceux qui détiennent des franchises sur des dizaines de marques internationales et pourront-ils offrir un guichet unique aux supermarchés et autres chaînes de vente au détail ?

Une contribution israélienne à un forum de l’OCDE sur la concurrence, une contribution qui a été présentée au début de ce mois, a déclaré, avec euphémisme, que les grands conglomérats qui dominent le marché alimentaire israélien « pourraient accroître le pouvoir de négociation des fournisseurs vis-à-vis des détaillants et nuire à la capacité des petits fournisseurs de pénétrer de nouveaux marchés ou d’accroître leurs ventes ».

« Personne ne participera à un jeu de cartes s’il a l’impression que les jeux sont déjà faits », souligne Gur.

« Dans tous les domaines, du café au dentifrice en passant par les tampons et les couches, vous verrez deux, voire trois entreprises contrôler 80 à 90 % de la part de marché [chacune détenant une franchise pour une marque différente dans la même catégorie de produits]. »

Qui est responsable ?

L’Autorité israélienne de la concurrence est l’organisme public chargé de promouvoir la concurrence et de donner son feu vert aux fusions.

Selon son rapport annuel pour 2023, l’organisme public a continué à « sanctionner chaque violation de la loi sur la concurrence que nous avons pu détecter et à stopper à l’avance les fusions susceptibles de contribuer à l’augmentation du coût de la vie ».

L’Autorité a examiné et pris des décisions concernant 139 fusions et elle a poursuivi des enquêtes dans l’industrie alimentaire. Le département juridique a examiné les documents écrits dans le cadre des enquêtes, il a rédigé des actes d’accusation dans certains cas et convoqué les suspects à des audiences. L’Autorité a imposé ce qu’elle a appelé des amendes « convenues », totalisant des dizaines de millions de shekels, avec notamment une amende record de 111 millions de shekels qui a été infligée au conglomérat alimentaire Strauss – en rapport avec une tentative présumée de fusion avec le producteur de tofu Weiler Farm avant que la fusion n’ait été approuvée (Strauss va faire appel). En juin, l’autorité a déclaré que Wissotzky Tea détenait un monopole sur les ventes de thé vert et de tisanes, dominant 70 % du marché.

Dans un rapport publié en novembre sur la concentration des marchés de l’alimentation et des produits de base, le contrôleur de l’État Matanyahu Englman a déclaré que la part de marché des cinq plus grands fournisseurs sur le marché de l’alimentation et de la consommation avait légèrement diminué pour atteindre 37,5 % de la part du marché de l’alimentation en 2022, contre 42,7 % en 2017.

Néanmoins, il a constaté qu’au cours de l’année 2023, l’autorité avait systématiquement omis d’examiner, outre Wissotsky, d’autres catégories du secteur des produits alimentaires et de consommation qui étaient très concentrées, notamment des catégories dominées par des importateurs directs, tels que Diplomat et Schestowitz.

L’Autorité de la concurrence estime qu’il existe de nombreux autres outils juridiques pour contrôler ces mastodontes du marché sans se précipiter pour les démanteler et qu’il existe d’autres causes à l’augmentation des prix, notamment les demandes sans cesse croissantes du rabbinat pour renforcer les directives relatives à la casheroute.

L’Autorité met en œuvre un projet de recherche de grande envergure pour tenter de déterminer à quel niveau de la chaîne se situent les problèmes liés à la hausse des prix. Une partie de la recherche consistera à examiner les avantages et les inconvénients du démantèlement des monopoles et des grands fournisseurs, mais il faudra des années avant d’arriver à une conclusion.

« En Israël, c’est magique : les prix ne font qu’augmenter »

Face à l’augmentation des prix dans les magasins, les détaillants citent volontiers les problèmes de la chaîne d’approvisionnement et la hausse des prix des matières premières comme facteurs – des explications que Gur rejette.

« Il est vrai que les prix internationaux des denrées alimentaires et les frais d’expédition augmentent, mais ils baissent également », note-t-elle.

« En Israël, nous avons une sorte de magie unique qui fait que les prix ne font qu’augmenter. »

« Les coûts de transport sont revenus aux niveaux antérieurs à la pandémie jusqu’à ce que les Houthis au Yémen commencent à attaquer les navires [en mer Rouge], mais les prix des denrées alimentaires ont-ils baissé ? Non », affirme Gur.

Selon elle, Lobby99 a examiné les coûts supplémentaires engendrés par le passage des navires dans la Corne de l’Afrique, afin d’éviter les attaques du groupe terroriste des Houthis.

« Nous avons constaté des différences de coût significatives pour les biens de grande valeur, comme les voitures, ou pour ceux de faible coût, comme les articles de papeterie, pour lesquels les marges ne sont pas très importantes », dit-elle.

« Mais pour des articles tels que les produits de toilette ou le thon en conserve, dont la valeur est élevée et dont le contenant contient beaucoup d’éléments, l’augmentation du prix global peut être de 1 % à 3 %. Nous avons constaté des hausses de prix de 15 à 20 % pour ce type de produits, apparemment en raison de la modification de l’itinéraire de transport. »

« Cela n’a pas de sens. »

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