Coloniser le sud du Liban, le plan d’un groupe nationaliste israélien

Fondé au printemps 2024, le mouvement d’extrême droite Uri Tzafon entend «récupérer» la zone méridionale du pays du Cèdre, qui ferait selon lui «partie de la terre d’Israël», d’après des critères bibliques.

«L’accord entre Israël et le Hezbollah ne changera rien. […] La seule solution qui puisse empêcher le retour de l’ennemi chiite, c’est la colonisation juive.» Au début du mois de décembre, alors que l’armée israélienne était accusée par la France d’avoir enfreint à une cinquantaine de reprises le cessez-le-feu au Liban, conclu le 27 novembre entre l’État hébreu et l’organisation islamiste chiite, le mouvement messianiste juif nommé «Uri Tzafon»1 («Lève-toi, ô Nord» en français) affirmait encore sur son groupe WhatsApp la nécessité pour Israël de coloniser la région.

Depuis la création d’Israël en 1948, plusieurs mouvements messianiques ont appelé à la colonisation du Liban au sud du fleuve Litani, une région qu’ils revendiquent comme partie de la «Terre promise». Avec pour emblème un cèdre entouré de l’étoile de David, Uri Tzafon a rassemblé plusieurs milliers d’adeptes depuis le printemps 2024 et soutient que la colonisation du Liban serait à la fois une nécessité sécuritaire –un moyen d’«accorder une sécurité véritable et stable au nord de l’Israël», selon les communiqués publiés sur son groupe WhatsApp– et une quête messianiste pour «récupérer» le territoire.

Uri Tzafon est un mouvement nationaliste «aux origines du sionisme» et qui «considère la Bible comme un cadastre», indique Karim Émile Bitar, professeur de relations internationales à l’Université Saint-Joseph de Beyrouth et chercheur à l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS). «Avec l’arrivée d’ultranationalistes au sein du gouvernement israélien, ouvertement en faveur d’une colonisation, ces courants messianistes se font de plus en plus entendre, notamment sur la colonisation de la bande de Gaza et pour certains [comme Uri Tzafon, ndlr] sur la colonisation du Sud-Liban», observe ce spécialiste du Proche-Orient.

«Cette terre appartient à Israël et aux juifs»

«Attention! Cette terre est celle d’Israël, elle appartient aux juifs. Il vous est demandé de l’évacuer immédiatement.» Au cours du mois de juin, c’est par des drones et des ballons dans le ciel du sud du Liban que ces messages, écrits en arabe, sont parvenus aux habitants de la zone, ainsi menacés d’expulsion.

 

Depuis quelques semaines, un nouveau groupuscule de colons israéliens est apparu dans la mouvance messianique juive d’extrême droite. Sur le site internet d’Uri Tzafon, ses membres diffusent par exemple des offres publicitaires proposant une maison moderne à des officiers israéliens de réserve dans le sud du Liban, des projections immobilières qui provoquent une levée de boucliers sur les réseaux sociaux.

 

Fondé en avril 2024, le mouvement Uri Tzafon se donne pour mission d’impulser la colonisation de la région en pleine guerre entre Israël et le Hezbollah. Lors de la conférence d’inauguration du groupe, Yoel Elitzur, linguiste et professeur de théologie biblique à l’Université hébraïque de Jérusalem, qualifie l’attaque du Hamas du 7-Octobre de «miracle évident» et de «message divin». Autrement dit, selon lui, c’est une occasion inespérée pour coloniser la bande de Gaza et le sud du Liban.

Mi-novembre, le Jerusalem Post, le quotidien anglophone le plus lu en Israël, allait jusqu’à relayer un appel à la colonisation du Liban par la plume de Michael Freund, ancien directeur adjoint de la communication et de la planification politique sous le premier mandat du Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou (1996-1999). «Historiquement parlant, le sud du Liban est en fait le nord d’Israël et les racines du peuple juif dans la région sont profondément ancrées, peut-on lire dans cette tribune. […] En effet, à l’époque biblique, le sud du Liban faisait clairement partie de la terre d’Israël. Dans le livre de la Genèse (10:19), il est écrit: “Le territoire des Cananéens s’étendait de Sidon vers Guérar jusqu’à Gaza, puis vers Sodome et Gomorrhe, Adma et Seboïm jusqu’à Lésha.” Sidon, une ville du Sud-Liban, se trouve à mi-chemin entre la frontière israélienne actuelle et Beyrouth

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