Face aux difficultés économiques, la Chine peaufine son plan de relance
Un plan détaillé a été mis au point pour tenter de faire face aux «nouveaux problèmes» rencontrés par Pékin. Sera-t-il suffisant?
La situation économique de leur pays n’étant pas aussi bonne qu’espérée, les dirigeants chinois ont décidé de réagir. Le 26 septembre, après une réunion du bureau politique du Parti communiste (PCC), il a été indiqué que «de nouveaux problèmes sont apparus» dans l’économie nationale. Un plan détaillé a donc été mis au point. Pendant l’été, de nombreuses réunions se sont succédé à Pékin, au cours desquelles des économistes chinois de haut niveau ont proposé à Xi Jinping et aux dignitaires du PCC des perspectives d’amélioration de la deuxième économie au monde.
Tout semble indiquer que le ralentissement actuel de la croissance a d’autant plus surpris les dirigeants chinois qu’il s’est accentué de mois en mois. À l’évidence, le fort confinement décrété en janvier 2020 en raison du Covid-19 a eu pour effet de bloquer la marche normale de l’économie chinoise. Mais, en bonne logique, la levée de toutes les restrictions décidée en novembre 2022 aurait dû provoquer une forte reprise de cette croissance.
Au contraire, l’activité économique en Chine n’a pas redémarré. La confiance des ménages et des entreprises dans l’économie est restée en berne, tout comme les achats de biens de consommation. Mais «pour les dirigeants chinois la question n’est pas d’avoir la confiance ou de ne pas l’avoir», estime Zhang Lun, professeur à l’université de Cergy-Pontoise et responsable d’un programme sur la Chine à la Maison des sciences de l’homme (Paris). Il considère que «pour les dirigeants chinois, l’important, c’est stopper la décrue de la croissance et donner de l’oxygène à l’économie. L’essentiel actuellement est de relancer l’économie et de stopper sa tendance à la dégradation qui se manifeste mois après mois.»
5% de croissance, un objectif qui s’éloigne
Actuellement, l’objectif de 5% de croissance cette année est devenu difficile à atteindre. Il est probable que la détérioration de la situation économique de la Chine s’amorçait avant l’apparition du Covid-19, mais elle s’est nettement accélérée. Des documents édités en Chine au premier semestre 2024 montrent que les bénéfices des grandes entreprises chinoises ont baissé de près de 18%. D’autre part, en août dernier, les ventes au détail ont ralenti de 2,1% par rapport à 2023 et, toujours en août, la production industrielle a progressé de 4,5% contre 5,1% en juillet.
Il ne reste qu’un trimestre pour atteindre 5% de croissance. Des mesures ponctuelles de relance ont parfois été décidées par le gouvernement chinois, mais elles n’ont guère eu d’effet. Si bien que, face à cet état de l’économie, Pékin s’est décidé à réagir. Le plan qui vient d’être déclenché vise d’abord à montrer que le gouvernement chinois entend remettre en marche la machine de production et de consommation du pays.
Il s’agit de faire en sorte que les Chinois n’en arrivent pas à douter de la compétence de leurs dirigeants. En Chine, il n’y a pas de sondages d’opinion qui puissent le confirmer mais certains sujets, comme le taux de chômage élevé qui touche les jeunes diplômés des universités, sont particulièrement sensibles dans la société. Pour autant, en juillet dernier, la traditionnelle réunion du plénum du Parti communiste n’a pas envisagé de déclencher des mesures d’urgence.
En revanche, dans les semaines qui ont suivi, tout s’est accéléré et, le 26 septembre, l’annonce d’un vaste plan de relance montrait un souci d’agir au plus vite. La présentation officielle des décisions prises était conforme au style traditionnel du gouvernement chinois: «Nous devons considérer la situation économique actuelle de manière globale, objectivement et sereinement, affronter les difficultés sans détour et renforcer la confiance.»
Un projet en plusieurs étapes
Ce plan, qui concerne de nombreux secteurs de l’économie chinoise, a été dévoilé en plusieurs phases. Dès le 24 septembre, Pan Gongsheng, le gouverneur de la Banque de Chine, donnait une conférence de presse avec à ses côtés des régulateurs de la Bourse, Li Yunze, le directeur de l’Administration centrale de régulation financière, et Wu Qing, qui dirige l’autorité de régulation des marchés. Pan Gongsheng annonçait notamment que le principal taux directeur chinois était abaissé de 1,7% à 1,5% et que le ratio de réserves imposé aux banques était réduit de 0,5. L’objectif est d’assouplir la politique monétaire et de permettre au système bancaire d’injecter 1.000 milliards de yuans (127 milliards d’euros) dans le système financier. Et, est-il précisé, la Banque de Chine va se concentrer sur la demande intérieure et la promotion d’une reprise durable.
Parallèlement, le plan de relance dévoile de nombreuses intentions du pouvoir chinois. Il est prévu «d’augmenter les revenus des groupes à faibles et moyens revenus», «de soutenir la structure de la consommation» ou encore «d’améliorer les politiques de soutien à la natalité». Une partie du plan concerne le domaine de l’immobilier, actuellement en crise. Le 26 septembre, le bureau politique du PCC indiquait les grandes directions du plan en la matière: «Des efforts seront déployés pour stabiliser le marché de l’immobilier et inverser sa tendance à la baisse, ajuster la politique restrictive d’acquisition immobilière, baisser les crédits immobiliers pour les logements existants, améliorer rapidement les politiques foncières, budgétaires, fiscales et financières, et promouvoir l’établissement d’un nouveau modèle de développement immobilier.»
Par ailleurs, alors que le stock d’appartements invendus ou de chantiers non achevés est devenu un problème visible dans de nombreux nouveaux quartiers de la Chine urbanisée, la part d’apport exigée des ménages pour l’achat d’un deuxième bien immobilier sera réduite de 25% à 15%.
L’ensemble des dispositions contenues dans ce plan de relance a été annoncé à l’approche du 1er octobre, jour de célébration de la fondation de la République populaire en 1949. Cette date est suivie par une semaine de congé. Cette année, les bourses ont approché cette fête nationale dans un climat d’euphorie. Après l’annonce du plan de relance, les places de Shanghai et de Shenzhen ont pris 25% en cinq jours. Et le 8 octobre, après les congés, les bourses chinoises ont bondi en moyenne de 10%.
Quant aux nombreuses entreprises internationales dont le chiffre d’affaires dépend en grande partie de la Chine, elles ont également vu, dans leurs pays, la cote de leurs actions remonter. Dans le domaine du luxe, LVMH a gagné 18% sur une semaine, Richemont, qui possède Cartier, 17%. En ce qui concerne les métaux, le cuivre, le plomb et le nickel sont aussi montés d’environ 6%.
Quelle efficacité?
Zhang Lun est de ceux qui apprécient l’impact positif et immédiat des mesures décidées à Pékin, mais il s’interroge sur la suite: «Je suis sûr que les mesures décidées dans ce plan vont produire des effets. Ce sera mesurable au premier semestre ou peut-être au second semestre de l’an prochain. Mais, est-ce que ces mesures auront des effets qui s’installeront dans la durée? Là aussi, de mon point de vue, on verra l’an prochain. Enfin, est-ce que ces mesures sont de taille à résoudre les nombreux problèmes structurels de l’économie chinoise? On peut avoir des doutes.»
Dès maintenant, le bruit court dans les milieux d’affaires internationaux présents à Pékin, Shanghai ou Shenzhen que le plan qui vient d’être annoncé pourrait avoir de solides prolongements. L’équivalent de 130 milliards d’euros seraient prêts à être mis à la disposition des banques d’État chinoises afin qu’elles continuent à relancer l’activité. Ces 130 milliards pourraient en partie être le fruit de la vente d’obligations émises par l’État. Autre possibilité, selon l’agence Reuters: le gouvernement chinois préparerait le lancement d’un emprunt de 2.000 milliards de yuans (256 milliards d’euros) pour distribuer de l’argent public aux ménages, refinancer les collectivités locales et donc renforcer la demande. Il y aurait aussi de nouvelles aides sociales pour les plus démunis.
De façon plus générale, les idées pour relancer l’économie chinoise ne semblent pas manquer en Chine. Quantité de revues publient des propositions d’universitaires et d’experts. Dans Le Quotidien du peuple, l’organe officiel du Parti communiste, un article a repris une idée répandue de réforme du Hukou, le permis de résidence qui maintient les inégalités entre villes et campagnes.
Il y a deux catégories de citoyens en Chine: ceux enregistrés avec une origine rurale et les urbains. L’article expliquait qu’on allait supprimer les différences entre ces deux statuts et que chacun allait pouvoir s’installer partout et, sur son lieu de travail, avoir droit au système local de protection de la santé et au régime scolaire pour ses enfants. Cela représenterait une véritable révolution sociale et permettrait d’élever le niveau de vie d’une bonne partie des quelque 800 millions de ruraux que compte la Chine. La consommation pourrait en bénéficier, en particulier celle des produits chinois. Ces projets ont été repris dans les travaux du plénum de juillet dernier, mais de façon très vague et limitée. Une pareille audace réformatrice peut être publiée en Chine, mais n’est pas encore acceptable par la direction du Parti communiste.
Pour l’instant, le plan de relance qui a été établi est destiné à parer au plus pressé. Il s’agit de contrer le ralentissement continu de l’économie chinoise. Et pour cela, l’important est de faire en sorte qu’il y ait suffisamment de liquidités en Chine pour relancer la consommation et soutenir la Bourse. Le 8 octobre, Zheng Shanjie, le président de la Commission nationale pour le développement et la réforme (NDRC), importante institution économique chinoise, déclarait: «Nous sommes pleinement confiants d’atteindre les objectifs de développement économique et sociétal cette année.» Sans être plus précis. Le souci du pouvoir chinois est sans doute d’observer ce qui vient d’être décidé avant d’aller plus loin.
Il est probable cependant que d’autres mesures soient en réserve au cas où celles qui viennent d’être lancées ne suffiraient pas. En particulier, une revalorisation des pensions de retraite et des allocations chômage pourrait être décidée. Mais il peut aussi arriver que des chocs survenant dans le monde contrarient les intérêts de la Chine et pèsent sur son économie. À ce sujet, il est probable qu’à Pékin, on observera de près le comportement à l’égard de la Chine de celui ou celle qui, en novembre, va accéder à la présidence des États-Unis. Mais, dans l’immédiat, la Chine se préoccupe avant tout de son marché intérieur. Et le reste du monde observe les difficultés qu’il rencontre.
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