De l’inflation à la récession, les retombées de la guerre la plus longue et la plus coûteuse de l’histoire du pays se multiplient.
La durée, l’ampleur et l’intensité du conflit entraînent des conséquences économiques significatives qui sont aggravées par l’incertitude et les risques géopolitiques. Les perturbations dues à la situation sécuritaire pénalisent l’emploi, la production, l’investissement et les exportations.
Ces dernières semaines, les Israéliens ont découvert un nouveau terme dont les médias font un large usage : la stagflation, mélange de stagnation de la croissance et d’inflation. En vérité, le terme est inapproprié car l’économie israélienne n’est pas à l’arrêt : elle est en recul.
Retombées significatives
Le prix exorbitant de cette guerre plombe les finances publiques : un an de guerre a coûté environ 220 milliards de shekels (55 milliards d’euros), soit l’équivalent de 12% du PIB annuel d’Israël. Pour y faire face, le budget de la défense a été multiplié par deux, autant d’argent qui fait cruellement défaut aux dépenses civiles courantes de l’État.
Par ailleurs, le pays souffre d’une pénurie d’offre de main d’œuvre liée à la situation sécuritaire : la diminution de la population active civile est notamment due à la mobilisation par Tsahal de nombreux réservistes, au déplacement des populations proches des frontières, au départ des travailleurs étrangers et à l’absence des ouvriers palestiniens. Au plus fort de la guerre, c’est presque 20% de la population active du pays qui ne travaillaient pas.
Si aucun secteur d’activité ne sortira indemne de ce conflit, certains sont durement touchés : le tourisme, l’agriculture et la construction sont fortement ralentis, voire à l’arrêt, et leur redémarrage après la guerre sera long et coûteux. Même la haute technologie, moteur de l’économie israélienne, tourne au ralenti, faute de main d’œuvre et de capitaux.
Selon les principaux indicateurs de conjoncture économique que publie l’Institut de la Statistique à Jérusalem, le bilan de cette année de guerre est sombre : les moteurs de la croissance se sont éteints, la production est en déclin et la chute du pouvoir d’achat rend difficile la vie quotidienne de nombreux Israéliens.
Baromètres dans le rouge
Après un quatrième trimestre 2023 désastreux (le produit intérieur avait chuté de 21% en rythme annuel), la légère reprise du PIB au premier trimestre 2024 (+17%) ne fut que temporaire. Au second trimestre 2024, l’économie israélienne s’est à nouveau enfoncée dans la récession : avec un petit 0,7% de progression du produit intérieur, c’est une baisse de 0,9% du PIB par habitant.
En comparant le premier semestre 2024 au premier semestre 2023, force est de constater que la plupart des indicateurs actuels restent très en-dessous de la situation avant-guerre : les exportations ont reculé de 7%, les importations de 6% alors que les investissements sont en chute de 17% ; quant à la consommation des ménages par tête, elle est encore inférieure de 2,2% à son niveau d’avant-guerre.
Un bilan temporaire des douze mois de guerre laisse entrevoir une chute de 3% du PIB par habitant, situation que le pays n’a pas connue depuis vingt ans. Autrement dit, l’Israélien moyen s’est appauvri de 3% puisque la richesse nationale s’est contractée d’autant.
L’appauvrissement de l’Israélien est aussi perceptible dans la vie quotidienne : l’Israélien paie le coût de la guerre par la détérioration des services publics et par la hausse des prix. En rythme annuel, l’inflation est remontée à 3,6%, ce qui renchérit le panier du consommateur et tire son niveau de vie vers le bas.
Résilience à l’épreuve
En finançant la guerre par un déficit démesuré (plus de 8% du PIB), le gouvernement israélien a pris le risque de voir l’économie perdre sa stabilité financière qui était sienne d’avant-guerre et qui se caractérisait par un endettement extérieur modéré, un budget équilibré, une monnaie solide et des débouchés extérieurs diversifiés.
Très vite, le risque de crise économique est devenu réalité : la confiance des investisseurs et des entreprises s’est érodée avec, pour résultat, un affaiblissement du shekel accompagné d’une fuite des cerveaux et des capitaux vers des horizons plus accueillants. Craignant un risque de solvabilité financière, les trois agences de notation américaines (Moody’s, Standard and Poor’s, Fitch) ont abaissé plusieurs fois la note de crédit d’Israël durant les douze derniers mois, et elles continueront de le faire tant que la guerre se prolongera.
On sait que l’économie israélienne est résiliente, sa capacité à surmonter les chocs se justifie par ses nombreux atouts : une main d’œuvre spécialisée, un savoir-faire technologique, une attractivité pour les investisseurs étrangers, une démographie dynamique, etc…
Face à une guerre longue, coûteuse et destructrice, la résilience de l’économie israélienne est fortement mise à l’épreuve ; elle ne peut pas éviter au pays de plonger dans la récession.
Au mieux, la résilience permettra un redémarrage rapide après la guerre ; à condition que l’économie ne laisse pas trop de plumes dans ce conflit sans fin.
T.O.I.