Le lancement d’une nouvelle ligne aérienne alors que la guerre fait rage, que des centaines de roquettes se sont abattues sur Israël et que les transporteurs aériens et les touristes boudent le pays, était un pari qui n’avait que peu de chances d’être remporté.

Mais ça n’a pas été le cas pour Air Haïfa, la toute première ligne aérienne à voir le jour en Israël depuis les années 1990. Et contre toute attente, cette nouvelle compagnie a débuté ses opérations en date du 14 octobre, avec des vols vers Larnaca, à Chypre. Malgré son nom, Air Haifa a décollé depuis l’aéroport Ben Gurion, aux abords de Tel Aviv, alors que les affrontements intenses et que les tirs de missile du Hezbollah, le groupe terroriste soutenu par l’Iran, obligeaient les aéroport du nord d’Israël à fermer leurs portes.

Le cofondateur et directeur commercial d’Air Haifa qui est aussi son vice-président, Michael Strassburger, déclare que l’idée initiale était d’entrer sur le marché en tant que premier transporteur aérien low-cost dans le nord, répondant à une nécessité urgente – et de longue date – pour les locaux.

« Qui s’aventure à faire quelque chose de pareil, lancer une nouvelle compagnie aérienne pendant une guerre ? Quelle est la logique à l’origine d’une telle initiative ? A l’évidence, chacun d’entre nous choisirions plutôt de lancer un tel projet à un moment où il y a une sorte de normalité dans le pays », confie Strassburger au Times of Israel. « Mais d’un autre côté, la situation actuelle, sur le marché israélien, en ce qui concerne les transporteurs locaux, la demande est bien plus élevée que l’offre ».

« C’est pour cela que les années 2023 et 2024 sont probablement les meilleures années pour l’industrie de l’aviation – je pense donc que cela nous apporte une réponse », ajoute-t-il.

La compagnie à bas prix n’a pas seulement fait les gros titres en lançant ses opérations pendant une guerre – mais parce qu’elle a permis de combler un vide pour les voyageurs cherchant à se rendre en Israël et à quitter le pays, la majorité des transporteurs étrangers ayant temporairement interrompu leurs vols vers le pays suite au pogrom commis dans le sud d’Israël par le Hamas, le 7 octobre 2023.

Les fondateurs de la compagnie aérienne israélienne à bas prix Air Haifa (de gauche à droite) : Lior Yavor, Gonen Usishkin et Michael Strassburger. (Crédit : Autorisation)

N’ayant que très peu de choix pour partir à l’étranger, avec des prix considérablement élevés, les passagers souhaitant se rendre aux États-Unis et vers d’autres destinations européennes ont trouvé de nouvelles plates-formes à Larnaca et Athènes – d’où ils pouvaient trouver des vols de correspondance. Air Haïfa assure quatre vols quotidiens entre Larnaca et l’aéroport Ben Gurion, aux côtés d’autres transporteurs locaux comme El Al, Arkia et Israir.

« Les Israéliens utilisent les itinéraires disponibles depuis l’Europe jusqu’à Athènes ou Larnaca et de là, ils achètent un autre billet pour rentrer en Israël, ce qui augmente la demande, et ce dont nous profitons », s’exclame Strassburger. « Nous voyons beaucoup de trafic de la part d’ingénieurs et d’hommes d’affaires voyageant vers les États-Unis ou l’Europe avec une escale à Larnaca », ajoute-t-il.

Les transporteurs étrangers ayant tardé à reprendre leurs liaisons avec Israël et les transporteurs américains ayant complètement interrompu leurs services, les voyageurs sont devenus presque entièrement tributaires des compagnies aériennes israéliennes. La forte demande et la faible disponibilité des places ont entraîné une très forte augmentation du prix des billets – ce qui suscite la colère dans le pays.

« Le problème le plus gênant, ce n’est pas seulement le prix mais aussi la disponibilité des sièges, en particulier pour les vols à destination des États-Unis car il n’y a pas d’autre choix qu’El Al. Ainsi, si vous devez aller à New York – ou que vous voulez le faire – et qu’il n’y a pas de siège, vous devez prendre un vol avec escale à Larnaca, Athènes ou Londres, et acheter deux billets distincts », explique Tali Noy, vice-présidente du marketing et des ventes de l’agence de voyage ISSTA. « Ce qui ne rend pas le voyage moins cher et ce qui finit souvent par coûter le même prix que les vols El Al ».

Noy fait remarquer que la durée des voyages à l’étranger s’est considérablement allongée, en particulier pour les hommes d’affaires.

« Dans de nombreux cas, les voyageurs doivent passer la nuit à l’hôtel entre les vols de correspondance parce qu’ils ne peuvent pas compter sur les horaires des vols charters », indique Noy. « Si un vol direct pour New York depuis Tel Aviv prend environ 11 heures, atteindre la même destination avec un vol de correspondance prendra au moins 20 heures ».

Air Haïfa est une entreprise qui a été cofondée en 2023 par un groupe d’entrepreneurs israéliens qui est dirigé par Nir Zuk, le fondateur américano-israélien du géant de la cybersécurité Palo Alto Networks, et par Lior Yavor, ainsi que par d’anciens cadres supérieurs du transporteur phare d’Israël, El Al Israel Airlines, Gonen Usishkin et Strassburger.

Avant la fermeture de l’aéroport, l’espoir était que le lancement d’un service aérien commercial au départ de Haïfa permettrait de désengorger l’aéroport Ben Gurion. Pour les nombreux Israéliens qui vivent dans le nord du pays, une telle perspective peut constituer une alternative plus proche que l’aéroport très fréquenté et contribuer à faire baisser le prix des vols court-courriers. Pour maintenir les coûts à un niveau bas, Air Haifa vend les billets uniquement sur son site internet, dit Strassburger.

Tali Noy, vice-présidente des ventes et du marketing chez Issta Israël, fournisseur de voyages et de tourisme. (Crédit : Autorisation)

« Nous n’avons pas à payer d’intermédiaire comme les moteurs de recherche, nous n’avons pas de commission, et nous ne vendons pas d’offres groupées ou de forfaits, déclare Strassburger. « Notre offre est simple et transparente puisque les billets peuvent être réservés, modifiés ou même annulés en libre-service sur notre site internet ».

Situé à l’Est de la ville, l’aéroport de Haïfa est géré par l’Autorité israélienne des aéroports et il peut desservir des vols nationaux et internationaux – notamment l’aéroport Ramon d’Eilat, ainsi que vers des destinations internationales relativement proches comme Larnaca, Paphos, Rhodes, la Crète et Karpathos. Il a été créé par les Britanniques en 1934 et il a été le premier aéroport international d’Israël. À l’époque, il desservait la Royal Air Force britannique et la compagnie pétrolière irako-britannique.

Suite à l’accord de cessez-le-feu conclu la semaine dernière avec le Hezbollah sous l’égide des États-Unis et suite à la récente réouverture de l’espace aérien dans le nord, Air Haïfa prévoit de lancer ses services depuis l’aéroport de Haïfa à partir du 22 décembre.

« Nous visons initialement deux vols par jour vers Eilat et trois ou quatre vols vers Chypre, tout en prévoyant de lancer des vols vers Athènes », raconte Strassburger. « Pour 2025, nous envisageons de desservir Paphos à Chypre et les îles grecques ».

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