Le biomimétisme, qui associe les mots « bio », vivant, et « mimétisme », imiter, est un processus qui s’inspire de la nature pour l’imiter. Pour les chercheurs, il s’agit d’observer les systèmes biologiques et d’analyser leurs points forts afin des les transposer dans le domaine des innovations technologiques. Au Canada, dans le secteur de la défense, le biomimétisme est une source inépuisable d’opportunités.
Comment les systèmes biologiques optimisent-ils leur forme, leur usage de l’énergie, de la matière pour se protéger et pour transmettre des informations ? Ces questions forment la base de travail des chercheurs d’un grand nombre de sociétés spécialisées, de centres de recherches et d’industries.
« Le biomimétisme touche tous les secteurs d’activité, comme l’industrie chimique, l’architecture, le bâtiment, les cosmétiques. Le biomimétisme est un outil qui permet de trouver des solutions. Ingénieurs et designers s’en inspirent » – Moana Lebel, fondatrice et directrice de l’Institut de biomimétisme de Montréal
Les nouvelles technologies, l’intelligence artificielle en tête, n’échappent pas à cette règle ; le secteur de la Défense non plus.
BIOMIMÉTISME, INTELLIGENCE ARTIFICIELLE ET DEEP LEARNING
Le « super soldat » a bien quitté le domaine de la science-fiction pour s’inscrire définitivement dans la réalité de la guerre. Soldat augmenté, plus fort, plus rapide, résistant aux chocs, invisible, disposant de capacités physiques et cognitives accrues, les armées des grandes puissances cherchent depuis longtemps à perfectionner leurs combattants. Dans ce contexte, les nouvelles technologies ouvrent en grand le champ des possibles.
C’est notamment le cas de l’intelligence artificielle. Les chercheurs s’y intéressent de très près, à la fois comme outil favorisant le biomimétisme, mais aussi comme « sujet » d’application de ce processus d’innovation.
En reproduisant des systèmes biologiques complexes que l’on peut trouver dans la nature, l’IA, le big data et le machine learning permettront une meilleure compréhension des modèles cycliques dans la faune et dans la flore, ainsi que les fonctionnalités organiques de l’intelligence elle-même.
Déjà, à l’instar du grand groupe américain spécialisé dans l’aéronautique et la défense, Northrop Grumman, certains industriels utilisent l’IA et les données de masse pour analyser le vol des grands rapaces et comparer leurs caractéristiques à celles des planeurs industriels.
Mais les chercheurs tentent de franchir une étape supplémentaire en imitant les insectes pour concevoir la structure même de l’IA. La fameuse DARPA américaine, Defense Advanced Research Project Agency, a lancé le projet Microscale Biomimetic Robust Artificial Intelligence Network (μBRAIN). L’objectif : s’inspirer des insectes pour optimiser les performances de l’IA tout en réduisant sa consommation d’énergie.
ENCAISSER LES CHOCS ET SE FONDRE DANS LA NATURE
La nature, dans son infinie richesse, offre également de multiples possibilités pour la conception de matériaux très résistants, capables de faire face aux chocs violents ou aux agressions extérieures. C’est notamment le cas des revêtements spéciaux des coques de navires qui empêchent la colonisation d’espèces marines. La marine américaine utilise déjà ces matériaux qui permettent aux bâtiments d’être plus résistants et qui limitent l’effet d’écrasement de l’eau sur le navire.
Au Québec, la société Mawashi utilise les sciences modernes comme l’ergonomie et le biomimétisme pour innover dans les technologies d’exosquelettes révolutionnaires et plus largement dans les systèmes d’augmentation de l’humain, notamment pour les armées.
« Dans le domaine militaire, nous avons développé un exosquelette qui s’inscrit à 100% dans le biomimétisme. Il faut savoir que le problème de surpoids sur le dos des soldats est la deuxième priorité de l’armée américaine. Cela entraîne en effet des problèmes de mobilité, d’efficacité et de santé (blessures musculosquelettiques, fatigue, etc.) » -Alain Bujold, P-dg et directeur technique au sein de Mawashi
« Nous avons observé la nature qui répartit les charges toujours à la bonne place, Alan Bujold, P-dg et directeur technique de Mawashi. Le soldat porte son arme devant et son équipement sur le dos. Le poids est inégalement réparti ; il y a déséquilibre. Notre solution repose sur une bonne répartition de la charge grâce à des leviers mécaniques qui transfèrent le poids des épaules du combattant vers le sol. »
Toujours au Québec, l’Université de Sherbrooke a été mandatée par le ministère de la Défense canadien pour travailler sur le projet de nouvel uniforme capable, comme la peau du caméléon, de réagir aux conditions extérieures et aux éléments du champ de bataille pour évoluer et devenir plus furtif, voire de se réparer automatiquement.
L’Université de Sherbrooke a également mené un projet de drone dont la conception s’inspire directement des écureuils volants et des oiseaux. Le S-MAD utilise une manœuvre de cabrage pour se redresser et ralentir avant de s’accrocher sur une paroi verticale. Ce drone doit mener des missions de surveillance, sur des sites de catastrophe, par exemple, ou servir de relais de communication temporaire.
Les cas évoqués ici ne sont quelques exemples d’applications concrètes du vivant dans l’ingénierie et les nouvelles technologies. La Défense est particulièrement attentive aux possibilités offertes par la nature notamment pour l’amélioration du soldat mais aussi sa sécurité et sa santé. Les recherches dans ces domaines sont prometteuses et devraient déborder du cadre militaire pour toucher l’ensemble de la société civile.
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