Le problème des migrations d’oiseaux en temps de guerre, par un spécialiste mondial de l’Université de Tel-Aviv.

Israël accueille deux fois par an plus de 500 millions d’oiseaux migrateurs en route vers les terres chaudes. Le Prof. Yossi Leshem, de l’École de zoologie de l’Université de Tel-Aviv, explique comment les combats affectent leur comportement, pourquoi ils constituent un défi supplémentaire pour les systèmes d’interception de l’armée de l’air, et s’il existe des solutions pour faire face à ce problème.

Le Prof. Yossi Leshem étudie les oiseaux depuis cinq décennies, principalement les oiseaux migrateurs, afin de tout apprendre et tout comprendre sur leurs trajectoires de vol.

Il y a déjà 40 ans, il avait réalisé un suivi des oiseaux qui traversent Israël et s’arrêtent dans la Vallée du Houla, de l’Egypte vers le Liban au printemps, et du Liban vers l’Egypte à l’automne à l’aide d’un planeur non motorisé. C’est ainsi qu’il a pu cartographier leurs heures d’arrivée, leur hauteur de vol et comment la météo affecte leur comportement.
Dans les années 80, il a utilisé pour la première fois en Israël un radar dans ce but, en coopération avec l’armée de l’air, qui se poursuit encore aujourd’hui, et a conduit à une réduction significative des accidents aériens causés par des collisions entre les avions de combat et les oiseaux dans le ciel d’Israël.

Un radar peut-il distinguer un oiseau d’un aéronef ?

« Le radar (acronyme issu de l’anglais radio detection and ranging – detection et mesure de distance par les ondes radio) est un outil électronique qui détecte la présence et détermine la position et la vitesse d’objets au moyen d’ondes électromagnétique », explique-t-il. « Il émet une onde électromagnétique, et si celle-ci se heurte à un objet, elle est réfléchie par lui, et selon la fréquence du signal retour, on peut savoir à quelle distance et à quel angle se trouve cet objet par rapport au radar. Plus l’objet est gros, plus l’écho qu’il renvoie est fort. Par conséquent, les grands oiseaux tels que les oiseaux de proie, les pélicans, les cigognes ou les grues constituent des cibles pour le radar davantage que les petits oiseaux et présentent le plus grand danger pour les avions de l’armée de l’air ».

« On sait aussi aujourd’hui que les grands oiseaux volent principalement au-dessus des terres, pour profiter de l’ascendance thermique, l’air chaud qui monte du continent, et donc selon leur vitesse on peut comprendre qu’il s’agit de volées d’oiseaux. En fait, avec l’aide des radars, on peut identifier les migrations d’oiseaux à des distances de 80 à 90 km ».

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Cependant, ajoute-t-il, depuis que la guerre a éclaté et que les drones en provenance du Liban ont commencé à arriver, la confusion grandit en raison de la difficulté de distinguer entre les oiseaux les aéronefs hostiles : « À l’automne, les oiseaux migrateurs viennent d’Europe en passant par la Turquie et le Liban et volent tout le long d’Israël, ce qui est exactement la route des missiles et des drones en provenance de ces pays. Ils viennent de la même direction, et se déplacent à la même hauteur et selon le même angle ».

Comment la guerre affecte-t-elle les oiseaux locaux ?

Cette situation nouvellement créée produit quatre problèmes principaux : un défi supplémentaire pour les systèmes d’interception de l’armée de l’air, qui doivent déterminer s’il s’agit bien d’une attaque de missiles et non de grues en vol vers le Lac du Houla; un problème pour les citoyens qui sont parfois envoyés par les systèmes d’alerte vers les abris lorsqu’une innocente volée de cigognes passe au-dessus de leur tête; un danger pour les oiseaux qui entrent sur le territoire israélien et bien sûr le coût financier élevé des missiles d’interception et des heures de vol des avions de combat.

Cependant, le Prof. Leshem précise, sans révéler de détails, qu’un système qui saura faire la distinction entre les deux, sauvant ainsi de nombreux oiseaux, est déjà en développement.

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Mais les oiseaux migrateurs ne sont pas les seuls à payer le prix de la guerre. Le Prof. Leshem, en coopération avec le ministère de l’Agriculture et la Société pour la protection de la nature, dirige également le projet national des chouettes-effraies, qui vise à réduire l’utilisation des pesticides destinés à éloigner les campagnols et autres rongeurs des terres agricoles, en les remplaçant par des prédateurs naturels, chouettes-effraies et faucons. À l’heure actuelle, environ 5 000 nichoirs sont répartis dans tout le pays en coopération avec des centaines d’agriculteurs qui bénéficient de conseils et d’un soutien professionnels. Le projet a depuis longtemps franchi les frontières d’Israël, et à ce jour, 10 pays du Moyen-Orient y participent, dont la Jordanie, Chypre, la Grèce et le Maroc, et récemment rejoint également la Géorgie, l’Ukraine et l’Allemagne.

L’ensemble de l’équilibre écologique environnemental affecté

Chaque année, en fonction de la présence de rongeurs dans les champs, les chouettes pondent une certaine quantité d’œufs qu’elles peuvent conserver et nourrir. « Habituellement, il s’agit de 5 et 12 œufs par an », explique le Prof. Leshem. « Mais cette année, il n’y a presque pas eu de nidification ni de ponte dans les zones de combat, tant au nord qu’au sud du pays. Les champs ont été incendiés avec les rongeurs qui y vivent, ce qui diminue la nourriture des chouettes. Si elles ne pondent pas cette année, il n’y aura pas assez de poussins l’an prochain, ce qui aura un effet négatif pour la taille de cette population animale dans les années à venir.

Les dommages causés aux oiseaux affectent donc l’ensemble de l’équilibre écologique de l’environnement, des cigognes aux petits oiseaux chanteurs. « Prenons par exemple le passereau à tête noire, qui traverse le désert du Sahara pour se rendre vers l’Afrique en automne en s’arrêtant chez nous. Il se nourrit d’insectes qu’il trouve dans nos champs et autour de nos maisons. S’il ne parvient pas à stocker suffisamment de graisse pour le voyage, il sera en difficulté. Cela signifie que s’ils ne trouvent pas de nourriture ici, les oiseaux iront chercher d’autres endroits qui pourront leur fournir ce dont ils ont besoin, et donc dans les années à venir, nous constaterons une augmentation de la quantité d’insectes nuisibles pour l’agriculture ».

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« Par ailleurs, 600 000 cigognes arrivent chaque année en Israël. Les agriculteurs ont appris comment inonder leurs champs en prévision de leur arrivée ; les campagnols qui endommagent leurs récoltes sortent alors de leurs trous et les cigognes éliminent pour eux des milliers de de rongeurs en quelques jours. Si celles-ci ne viennent plus, les agriculteurs auront un problème. Cette guerre dure depuis un an et malheureusement nous n’en voyons pas la fin, il y aura donc des conséquences environnementales ».

Des voies de migration millénaires

Le Prof. Leshem ne pense cependant pas que la situation affectera les routes de migration des oiseaux qui passent par Israël dans les années à venir : « A mon avis, ces migrations qui durent depuis des centaines de milliers d’années ne se modifieront pas si vite. Mais cela pourrait certainement affecter les chances de survie des oiseaux. Alors qu’au cours d’une année normale, environ 50 000 grues passent par le Lac du Hula pendant l’hiver, au cours de l’année qui vient de s’écouler on en a vu seulement 15 000. Certains oiseaux, comme les cigognes, les oiseaux de proie et les pélicans, par exemple, s’arrêtent ici pour une nuit ou deux seulement pour « faire le plein », reprendre des forces et continuer leur voyage. S’ils ne peuvent pas atterrir dans endroits auxquels ils sont habitués parce que les champs sont incendiés, ou que les bruits de tirs les effraient et qu’ils doivent commencer à chercher d’autres endroits, cela aura certainement des conséquences négatives sur leurs chances d’atteindre leur destination ».

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Photos:

1. Un vol d’oiseaux migrateurs dans le ciel de Tel-Aviv

2. Un planneur avec des cigognes (Crédit: Eyal Bartov)

3. Pélicans en « formation de vol » pendant les migrations d’automne (Crédit: Aharon Shimshon)

4. Champs incendiés dans les villages à la frontière de la Bande de Gaza

5. Milliers de grues stationnées dans la Vallée du Hula (Crédit: Shiraz Pashinski)

https://www.ami-universite-telaviv.com/
Sivan Cohen-Wiesenfeld, PhD
Rédactrice en chef 
du site de l’Association française 
de l’Université de Tel-Aviv
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