Le conflit entre Israël et le Hezbollah est entré dans une nouvelle phase dramatique, la guerre économique prenant le devant de la scène aux côtés des confrontations militaires traditionnelles. Le lundi 21 octobre, les Forces de défense israéliennes (FDI) ont lancé des frappes aériennes sans précédent contre l’infrastructure financière du Hezbollah au Liban, marquant une escalade significative dans la stratégie israélienne visant à paralyser les capacités économiques de l’organisation terroriste.
Le porte-parole des FDI, le général de brigade Daniel Hagari a annoncé qu’Israël commencerait à cibler physiquement les actifs financiers du Hezbollah en attaquant directement des bâtiments financiers au Liban. Cette initiative audacieuse met en lumière un aspect crucial des efforts modernes de lutte contre le terrorisme : il est tout aussi important de perturber les réseaux financiers qui soutiennent les activités terroristes que de cibler leurs capacités militaires.
Cibler le cœur financier : Le réseau complexe des finances du Hezbollah
La cible principale de ces frappes était l’association Al-Qard Al-Hassan (AQAH), largement reconnue comme la principale institution financière du Hezbollah. L’AQAH opère sous le couvert d’une organisation bancaire islamique caritative, accordant des prêts aux citoyens libanais à des fins diverses, des produits de première nécessité au logement. Toutefois, les experts du renseignement estiment qu’elle constitue l’épine dorsale des opérations financières du Hezbollah.
Si les frappes contre l’AQAH sont importantes, elles ne représentent qu’un élément de l’écosystème financier complexe du Hezbollah. L’organisation a diversifié ses sources de financement au fil des ans, fonctionnant davantage comme un syndicat du crime mondial que comme une organisation terroriste traditionnelle.
Les opérations financières du Hezbollah s’étendent bien au-delà des frontières du Liban. L’organisation a mis en place un vaste réseau d’entreprises apparemment légitimes, notamment des entreprises de construction, des sociétés d’ingénierie et des entreprises du secteur de l’énergie. Nombre de ces entreprises opèrent sous l’égide de Jihad al-Binaa, l’institution socio-économique du Hezbollah, brouillant ainsi les frontières entre le commerce légitime et le financement du terrorisme.
Bayt al-Mal (« Maison de l’argent »), qui fonctionne comme une entité bancaire supplémentaire avec des succursales dans tout le Liban, est un autre bras financier important. L’« Autorité de soutien à la résistance islamique » joue également un rôle crucial, collectant ouvertement des fonds pour les activités militaires du Hezbollah, même au cours des derniers mois de conflit.
Exploiter la crise économique du Liban
La stratégie financière du Hezbollah s’étend au-delà des opérations internationales pour exploiter la grave crise économique du Liban. L’organisation a créé un système économique parallèle qui lui permet de contrôler les services de santé, les établissements d’enseignement et les services sociaux afin d’extraire des profits des citoyens libanais. Par l’intermédiaire d’Al-Qard Al-Hassan et d’autres institutions financières, le Hezbollah a mis en place un écosystème économique distinct qui profite des citoyens désespérés qui ont besoin d’un soutien financier pour survivre.
Les fonds accumulés par ces différents canaux sont stockés non seulement dans les succursales d’Al-Qard Al-Hassan, mais aussi dans des entrepôts stratégiquement placés dans les zones civiles du Liban. Cet argent, qu’il soit volé aux citoyens libanais ou introduit en contrebande depuis l’Iran, finance en fin de compte les activités terroristes du Hezbollah, y compris la production et le lancement de missiles contre les civils israéliens. Au lieu de contribuer au redressement économique du Liban, ces vastes ressources financières sont détournées pour soutenir les opérations militaires et l’infrastructure terroriste du Hezbollah.
Combattre le feu par des pare-feu : Le régime de lutte contre le financement du terrorisme
La communauté internationale a mis en place un régime de plus en plus sophistiqué de lutte contre le financement du terrorisme, notamment par l’intermédiaire du Groupe d’action financière sur le blanchiment de capitaux (GAFI), du USA PATRIOT Act et de la résolution 1373 du Conseil de sécurité des Nations unies. Cependant, comme certaines voies ont été fermées, les organisations terroristes se sont adaptées et ont trouvé de nouveaux moyens de financer leurs opérations.
L’efficacité de ces mesures reste discutable. Les tentatives précédentes visant à réduire les opérations d’AQAH, telles que les sanctions imposées par le département du Trésor américain en 2016, se sont révélées largement inefficaces. En fait, le volume des prêts d’AQAH aurait augmenté à la suite de ces sanctions.
L’avenir de la guerre économique : Des sanctions aux cyber-attaques
Les récentes actions d’Israël montrent que la lutte contre le financement du terrorisme entre dans une nouvelle phase. Les évolutions futures pourraient inclure un recours accru aux opérations cinétiques ciblant les infrastructures financières, l’analyse avancée des données, l’analyse de la blockchain, le renforcement des partenariats public-privé et l’accent mis sur la lutte contre le blanchiment d’argent basé sur le commerce.
Malgré les sanctions internationales et les efforts visant à freiner les activités financières du Hezbollah, l’organisation a fait preuve d’une résilience et d’une capacité d’adaptation remarquables. Lorsqu’une source de financement est restreinte, le Hezbollah trouve souvent d’autres voies ou méthodes pour maintenir ses liquidités.
Les récentes frappes aériennes israéliennes sur les installations d’Al-Qard Al-Hassan, bien qu’importantes, pourraient ne pas suffire à couper complètement les lignes de vie financières du Hezbollah. Le portefeuille diversifié d’activités illicites de l’organisation, combiné au soutien de l’Iran et aux dons de communautés sympathisantes dans le monde entier, lui assure un flux constant de ressources.
Dommages collatéraux : Les risques de la guerre financière
Les critiques font valoir que les frappes sur les institutions financières peuvent avoir des conséquences inattendues, en portant atteinte aux civils qui dépendent de ces services à des fins légitimes. Le risque d’escalade dans la région est également important, car le Hezbollah pourrait se sentir obligé de répondre à cette nouvelle forme d’attaque.
Les récentes frappes israéliennes sur l’infrastructure financière du Hezbollah marquent une évolution significative dans la guerre contre le terrorisme. À mesure que cette guerre économique s’intensifie, il est probable qu’elle remodèlera non seulement la manière dont nous combattons le terrorisme, mais aussi la manière dont nous comprenons la nature même du conflit au XXIe siècle.
Ces dernières années, le terrorisme est devenu une machine sophistiquée et bien huilée. Pour le combattre véritablement, nous devons cibler l’huile qui permet à cette machine de fonctionner sans heurts : son infrastructure financière.
Il est temps pour l’Occident de ne plus se contenter d’affronter les fantassins de la terreur, mais de démanteler les moteurs économiques qui alimentent ces organisations.
Tout comme une voiture sans carburant ne devient rien de plus qu’un morceau de métal immobile, une organisation terroriste privée de ses ressources financières perd sa capacité à opérer efficacement. En drainant les ressources économiques de ces groupes, nous pouvons les rendre impuissants et transformer leurs grandes ambitions en menaces vaines.
Le message est clair : pour vaincre le terrorisme, nous devons suivre la piste de l’argent et le couper à la source. Il ne suffit pas de cibler les manifestations visibles de la terreur, il faut aussi s’attaquer à ses commanditaires et à ses complices cachés. Dans cette nouvelle ère de guerre financière, comprendre et perturber l’économie de la terreur pourrait bien être la clé d’un monde plus sûr.
Alors qu’Israël et la communauté internationale poursuivent leurs efforts pour démanteler l’infrastructure financière du Hezbollah, il est clair qu’une approche à multiples facettes sera nécessaire. Le ciblage des opérations bancaires n’est qu’un aspect du défi beaucoup plus vaste que représente la lutte contre les fondements économiques de cette organisation terroriste sophistiquée.
La phrase « It’s the economy, stupid » (« C’est l’économie, stupide ») a été inventée pendant la campagne présidentielle américaine de 1992 et est souvent répétée dans la culture politique américaine.
Mais ici, au Moyen-Orient: C’est l’économie de la terreur, stupide – et il est grand temps de la mettre en faillite !
Tolik Piflaks
Tolik est un producteur et scénariste israélien dont la carrière dans les médias israéliens est très variée. Il a écrit pour de nombreuses émissions télévisées israéliennes populaires et a contribué à divers réseaux de télévision et journaux. Il possède une expérience en matière d’écriture de scénarios, de rédaction et de publicité.