Daphna Poznanski-Benhamou est présidente du conseil consulaire pour les Françaises et les Français de Tel-Aviv et de sa région. Elle est également élue à l’Assemblée des Français de l’étranger (AFE). Le 7 octobre 2023 est « un jour du présent « que nous partage notre invitée. Dans cette interview réalisée dans le cadre de notre série sur les Témoignages des Français d’Israël, c’est aussi un témoignage plus large de ce que vivent et ressentent nos ressortissants français sur place. Un an après, quelle est la situation des Français dans cette partie d’Israël ? Un entretien Lesfrancais.press
Lesfrancais.press : « Un an après le 7 octobre, quel message souhaiteriez-vous partager en ce jour de souvenir ? »
Daphna Poznanski-Benhamou : « Jour du souvenir, non, jour du présent. Pour nous tous ici, nous vivons depuis le 7 octobre dernier avec un grand vide en nous, comme si toutes les personnes massacrées nous manquaient intimement. Nous vivons encore sous le choc initial du plus grand pogrom commis depuis la Seconde Guerre mondiale. Près de 1200 civils, dont 48 Français, ont été massacrés. Sur les 101 otages encore aux mains du Hamas, on compte deux Français, Ofer Calderon et Ohad Yahalomi. Le 7 octobre 2023, c’était un jour de fête juive. Et là, nous atteignons un point fondamental. Pour le Hamas, choisir cette date, c’était frapper des croyants dans un moment de célébration.
« Pour nous tous ici, nous vivons depuis le 7 octobre dernier avec un grand vide en nous ».
Daphna Poznanski-Benhamou, élue à l’AFE, Présidente du conseil consulaire – Français de Tel-Aviv
Cette attaque si symbolique nous entraîne loin du conflit israélo-palestinien. Elle nous fait entrer de plain-pied dans une guerre de religion, ce que tous ceux qui, comme moi, ont combattu pour la paix, ont toujours réfuté. Ne nous sommes-nous pas trompés ? Les pacifistes des kibboutz qui s’occupaient de faire soigner les enfants gazaouis dans les hôpitaux israéliens ont été les premiers à tomber sous les coups des terroristes du Hamas. Les voix des suppliciés nous interpellent encore.
Un message après le 7 octobre 2023 ? Il sera double : empêcher par tous les moyens un 7 octobre bis, comme celui que le Hezbollah avait préparé dans ses tunnels le long de la frontière israélo-libanaise sous le nez de la FINUL (La Force intérimaire des Nations unies au Liban), un plan intitulé » Conquête de la Galilée « , et continuer de refuser tous les extrémismes. »
Lesfrancais.press : « Vous êtes élue dans la circonscription de Tel Aviv, depuis les attaques du Hamas, et avec cette escalade des missiles tirés depuis l’Iran de la semaine dernière, quel est le ressenti de nos compatriotes sur place ? »
Daphna Poznanski-Benhamou : « Pour les 180 000 Français d’Israël, la première communauté française au Proche-Orient, le traumatisme du 7 octobre ne passe pas ni la colère contre tous ceux qui dénient à Israël le droit d’exister ni la détermination à ce qu’Israël existe ni l’absolue nécessité du » Plus jamais ça « . Ils sont écœurés devant la désinformation mise en œuvre par le Hamas et ses séides en Europe et dans le monde et indignés face à l’utilisation électoraliste du conflit par l’extrême gauche française, notamment par LFI (La France Insoumise).
« Je tiens à rendre un très chaleureux hommage aux Français d’Israël pour leur courage (…) et leur Fraternité ».
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Ils ont fait montre d’une extraordinaire solidarité pour venir en aide aux plus impactés par la guerre. Je tiens ici à rendre un très chaleureux hommage aux Français d’Israël pour leur courage et la façon dont ils illustrent au quotidien le mot si français de » Fraternité « . »
Lesfrancais.press : « Avec la guerre qui semble durer et s’intensifier, faut-il s’attendre à un retour en masse de nos expatriés en France ? »
Daphna Poznanski-Benhamou : « Nous n’avons jamais constaté de retours en masse des Français d’Israël lors des autres guerres. Après le 7 octobre, le Quai d’Orsay a évacué environ 3800 Français, mais nombre d’entre eux étaient des touristes abandonnés par Air France et Transavia. Un retour en France ? Je n’ai eu aucune information en ce sens. Il faudrait poser la question autrement. Pourquoi les Français d’Israël ont-ils quitté la France ?
« Depuis octobre 2023, près de 2000 Français juifs se sont installés en Israël ».
Daphna Poznanski-Benhamou, élue à l’AFE, Présidente du conseil consulaire – Français de Tel-Aviv
Par idéalisme ou bien à cause de l’antisémitisme qui frappe en France depuis des années à tous les niveaux de la société. La guerre ne modifie pas ces motifs. Au contraire, combien de Français d’Israël souhaitent-ils se voir contraints à devenir en France des Français juifs » transparents » pour éviter l’antisémitisme d’atmosphère ? Depuis octobre 2023, près de 2000 Français juifs se sont installés en Israël. »
Lesfrancais.press : « Et qu’attendez-vous des autorités françaises pour accompagner nos ressortissants qui restent vivre en Israël ? »
Daphna Poznanski-Benhamou : « Quelques heures avant l’attaque iranienne, l’Ambassade de France et nos Consulats avaient réuni par zoom le Comité de Sécurité avec tous les chefs d’îlots. Ce genre de réunion étant confidentiel, vous comprendrez que je n’en dirai rien. Je ne peux rien demander de plus à nos équipes consulaires qu’elles ne fassent déjà. Lors de cette réunion, j’ai tenu à saluer leur dévouement exemplaire auprès des familles d’otages et d’ex-otages, auprès des familles françaises touchées par la guerre, en particulier, des familles évacuées du Nord et du Sud d’Israël. »
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Reçue dans le cadre de notre série de témoignages des Français d’Israël, Daphna Poznanski-Benhamou a aussi publié un livre intitulé « Les Enfants de la Guerre d’Algérie », paru aux éditions Ramsay. Cet ouvrage vient d’ailleurs de remporter le prix littéraire « Histoire-Mémoire 2024 » de la Fondation pour la mémoire de la Guerre d’Algérie et des combats au Maroc et en Tunisie. La cérémonie aura lieu le 7 novembre prochain à Paris. L’auteure dédie ses pages « à tous les enfants de toutes les guerres ».
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