Un drôle de trio de favoris… L’agence onusienne pour les réfugiés palestiniens (Unrwa), la Cour internationale de justice (CIJ) et le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, font partie des favoris pour remporter, le 11 octobre prochain, le prix Nobel de la paix 2024.
Un an après les massacres terroristes du Hamas en Israël, l’hypothèse que l’un de ces trois noms l’emporte suscite des interrogations… Le Point a contacté Noëlle Lenoir, avocate, ancienne ministre des Affaires européennes, qui livre ses impressions.
Le Point : Que vous inspire cette liste de favoris ?
Noëlle Lenoir : J’hésite entre deux qualificatifs : provocation ou plaisanterie. Et s’il s’agit d’une plaisanterie, je la trouve lugubre compte tenu du contexte international dramatique dans lequel nous vivons, et il me semble que les Nations unies y contribuent plutôt négativement.
Commençons par Antonio Guterres. Ses positions sont pour le moins contestées…
La légitimité du secrétaire général des Nations unies, ainsi que celle de l’Organisation elle-même, est remise en question de manière tout à fait inhabituelle depuis la création de l’ONU. Pourquoi ? Parce qu’Antonio Guterres est un antisioniste assumé, qui a pris parti pour la cause palestinienne et qui n’hésite pas dans la situation présente à s’afficher avec des régimes parmi les plus attentatoires aux droits de l’homme, que doit justement défendre l’ONU.
Rappelons qu’il a reçu en grande pompe le ministre des Affaires étrangères de la République islamique d’Iran. Il a aussi fait mettre en berne en mai 2024 le drapeau de l’ONU après le crash d’un hélicoptère emportant notamment ce ministre des Affaires étrangères. A-t-il dit un mot pour condamner publiquement la condition des femmes dans ce pays, où elles sont réprimées, voire exécutées, si elles n’observent pas certaines règles religieuses ?
C’est lui qui, personnellement, a accepté que les talibans reviennent à la table des États membres de l’Organisation, et sans femmes, à leur demande, alors que les femmes sont privées en Afghanistan des droits les plus élémentaires, comme le droit à l’éducation et à la santé. Antonio Guterres mérite davantage d’être inscrit sur un tableau noir que favori à un éventuel prix Nobel !
L’Unrwa apparaît aussi parmi les favoris, alors que plusieurs de ses anciens employés sont soupçonnés d’être impliqués dans l’attaque perpétrée le 7 octobre 2023 en Israël. Surprenant…
Je travaille sur des recours contre l’Unrwa en France, devant le parquet antiterroriste. Il est maintenant avéré que des agents de l’Unrwa ont été complices, sinon auteurs, d’actes de terrorisme du Hamas. L’Office de l’ONU pour les réfugiés palestiniens, dont la création remonte à 1949, n’a pas démontré, loin de là, qu’il accomplissait convenablement sa mission d’éducation et de pacification. L’Unrwa prétend que les agents en question sont des brebis galeuses.
Au vu des informations non contestées dont nous disposons, notamment après la mort lors d’une frappe aérienne du chef du Hamas à Beyrouth, Fateh Sherif Abu el-Amin, qui était également enseignant à l’Unrwa, la responsabilité de l’Office se révèle immense. J’ajoute que M. Guterres insiste aujourd’hui sur l’immunité dont le personnel de l’Unrwa jouirait empêchant, selon lui, toute poursuite pénale contre les agents de l’Office.
Pour moi, loin de mériter un prix Nobel de la paix, il est clair que l’Unrwa pourrait être considérée comme complice, ou du moins partie prenante, dans des activités terroristes à Gaza, comme nous le soutenons en France et comme le soutiennent des avocats, notamment aux États-Unis où un recours a été déposé au Delaware.
Et la Cour internationale de justice ?
Les juges font leur travail. Je ne vois pas pourquoi on leur attribuerait des médailles simplement parce qu’ils remplissent leur mission juridictionnelle ! Cela est d’autant moins mérité s’agissant de la Cour internationale de justice. L’avis consultatif de la CIJ du 19 juillet 2024 est incroyable. Elle déclare « illicite » la présence d’Israël en Cisjordanie, Jérusalem-Est et Gaza. Elle a demandé à Israël de mettre fin à son « occupation », tout en soulignant l’obligation d’indemniser les Palestiniens.
Trois juges, dont le juge français, ont émis une opinion dissidente, critiquant cet avis dont ils soulignent la fragilité des bases juridiques. Le fait que cette instance soit présidée par un Libanais, Nawaf Salam, ancien ambassadeur du Liban à l’ONU, qui a voté plus de 200 fois en faveur de résolutions contre Israël, pose un problème majeur de conflit d’intérêts.
Je pense que l’ONU est malade, parce que les pays occidentaux sont faibles.
Nous avons donc une CIJ qui s’est montrée partisane, un Office qui a manifestement contribué à endoctriner la jeunesse de Gaza, voire, pour certains agents, a été complice d’actes de terrorisme, et un secrétaire général des Nations unies qui se compromet en acceptant d’exclure les femmes d’Afghanistan, en violation de toutes les conventions internationales sur les droits humains ; et ce sont ces mêmes personnes qui seraient favorites pour un prix Nobel de la paix ? Pourquoi pas le guide suprême iranien Khamenei !
Qu’est-ce que ça dit de l’état de notre monde ?
Je pense que l’ONU est malade, parce que les pays occidentaux sont faibles et ne parviennent plus à affirmer leur attachement aux valeurs essentielles. Le Conseil de sécurité est paralysé et l’Assemblée générale composée d’une majorité de régimes autoritaires a pris la main. Aussi, l’ONU semble devenir l’espace privilégié de remise en cause des valeurs universelles au fondement de sa création en 1945.
Est-elle réformable ?
Cela dépend des Américains essentiellement, mais aussi de l’Europe. Malheureusement, l’Europe est affaiblie. Elle est incapable de voter solidairement, comme on l’a vu avec de récentes propositions de résolution sur le conflit israélo-arabe. Je le regrette, car il n’existe aucune alternative à l’Europe et c’est un miracle qu’elle existe encore, et il faut tout faire pour que ce miracle se pérennise.
Qui aimeriez-vous voir récompenser du Nobel de la paix ?
Sans hésiter, je récompenserais Hillel Neuer, le directeur général d’UN Watch, une ONG qui se bat depuis des décennies, avec peu de moyens, pour dénoncer les errements de l’ONU, en particulier à travers l’Unrwa et certains de ses rapporteurs spéciaux cooptés par le Conseil des droits de l’homme, comme Mme Francesca Albanese que la France et l’Allemagne ont condamnée pour ses propos antisémites.