L’économie iranienne semble prise au piège : fuite des capitaux, exil des cerveaux, monnaie dépréciée. Le taux de change est tombé de 1 dollar pour 10 000 rials à 40 000 entre le début des sanctions et aujourd’hui, soit une division par 4. Il s’agit du taux officiel. Il en existe un autre, le taux libre, 15 fois inférieur environ. Corolaire de cette dégringolade, le pays est en hyper-inflation depuis fin 2018. Autre tâche dans ce tableau conjoncturel, un taux de chômage des jeunes au-dessus de 20%, et un commerce extérieur devenu déficitaire avec la chute des exportations.


Démographie et éducation


Mais établir un état des lieux d’un État qui s’est construit dans les sanctions occidentales depuis près de 15 ans, hormis la parenthèse de 2016-2018, ne peut se réduire à l’alignement d’indicateurs conjoncturels. Il demande de s’immerger dans les fondamentaux du pays. En premier lieu, sa démographie. Quatre points sont à retenir. Avec plus de 85 millions d’habitants, l’Iran fait partie du top 20 des pays les plus peuplés au monde et se situe à la deuxième place régionale entre l’Égypte et la Turquie. Sa population est jeune, près d’un Iranien sur deux a moins de 30 ans, mais vieillit comme le révèle l’augmentation de l’âge médian de la population. En cause, la chute du taux de fécondité. Tombé à 1,7 enfant en moyenne par femme, il est inférieur au seuil de renouvellement des générations. Le niveau d’éducation de la jeunesse est un autre aspect méconnu. Le taux d’alphabétisation des 15-24 ans est proche de 99% chez les hommes comme chez les femmes. Le système éducatif iranien a développé des points forts dans les domaines des mathématiques, de l’informatique, de la médecine.


Potentiel de croissance et défis futurs.


La traduction économique de ces différents éléments peut se formuler ainsi : l’Iran dispose d’un grand marché domestique, d’une population en âge de travailler importante et formée, donc d’un potentiel de croissance élevé et devra à terme gérer les problèmes inhérents liés au vieillissement de ses habitants. L’exploitation de ce dividende démographique a longtemps été une réussite. Un succès facilité par le gonflement des revenus pétroliers mais aussi par les retombées économiques sur la croissance d’une rente pétrolière réinvestie dans le développement des infrastructures et dans celui d’une industrie manufacturière performante concernant aussi bien les secteurs traditionnels (textile, pétrochimie) que les IAA, l’automobile, l’électronique grand public et l’armement. C’est le sens à donner à la progression rapide du PIB par habitant jusqu’en 2011.


Impact des sanctions et réalignements internationaux.

Le choc est alors brutal. Les sanctions occidentales font plonger la croissance, révélant l’extrême dépendance du pays aux marchés occidentaux : en tant que débouché pour son pétrole ; en tant qu’investisseurs ; en tant que fournisseurs d’équipements essentiels à son industrie. La détente partielle avec les États-Unis et l’UE pendant trois ans permet de stopper l’hémorragie mais, contre toute attente, malgré le retour à une situation conflictuelle sous la présidence Trump puis Biden, la situation du pays s’améliore à nouveau. Une solidarité de circonstance s’est en fait développée entre pays sanctionnés et plus leur nombre augmente, moins les sanctions sont efficaces et participent à la mise en place d’une économie alternative. Il y a embargo sur le pétrole iranien, qu’à cela ne tienne, le brut trouve preneurs en Chine ou en Inde. Certes, les exportations se situent loin de leurs derniers pics, mais elles augmentent à nouveau depuis 2020. Les Occidentaux n’investissent plus en Iran ? Qu’à cela ne tienne, les Russes les ont remplacés et sont devenus le premier investisseur du pays. Les sources occidentales d’approvisionnement se sont taries, qu’à cela ne tienne, la Chine, la Russie, l’Inde et la Turquie se sont substituées et sont devenues les premiers fournisseurs du pays. Les entreprises ont été contraintes de réorganiser leur chaîne d’approvisionnement mais les cadences de production sont remontées, soutenant la croissance d’ensemble prévue en hausse de 3,3% cette année selon le FMI.


L’économie iranienne a trouvé des parades pour éviter de sombrer, mais l’horizon pourrait à nouveau s’assombrir avec l’affaiblissement de ces nouveaux partenaires : la Russie s’enlise dans son conflit avec l’Ukraine ; la Chine vacille ; la Turquie ralentit et l’Inde n’est pas un moteur assez puissant pour l’entraîner seule. L’économie iranienne pourrait se trouver assez vite dans une nouvelle impasse sans issue de secours cette fois-ci.

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ALEXANDRE MIRLICOURTOIS.

Publié le jeudi 3 octobre 2024 .

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