Depuis plusieurs mois, la popularité de Benyamin Netanyahou repart à la hausse. « Benyamin Netanyahou s’est définitivement remis de l’effondrement de l’après-guerre », affirme auprès du Financial Times Dahlia Scheindlin, analyste politique et spécialiste des sondages en Israël. Il semble notamment tirer profit de la prise d’initiative et l’agressivité d’Israël contre ses ennemis dans la région, notamment l’Iran et le Hezbollah, malgré le risque redouté d’un embrasement du Proche-Orient. Une chose est certaine. Toujours annoncé battu, fini politiquement, Benyamin Netanyahou l’a systématiquement prouvé : il ne faut jamais l’enterrer trop vite.

EDITORIAL. Le 18 juin, les Français ont commémoré un « appel » célèbre ; pour les Israéliens, c’est une date qui marque le début d’un bouleversement politique de grande ampleur.

La classe politique israélienne a célèbré le vingt-huitième anniversaire de la prise de pouvoir par Benyamin Netanyahou et du lancement d’une nouvelle idéologie connue sous le nom de « bibisme ».

Le 18 juin 1996, le 27e gouvernement d’Israël est mis en place sous la direction de Benyamin Netanyahou qui, pour la première fois, devenait Premier ministre, poste qu’il occupera six fois en discontinue et jusqu’à ce jour.

29 450 voix d’écart

À la suite de l’assassinat du Premier ministre Itzhak Rabin en novembre 1995, Shimon Pérès décide de dissoudre la Knesset et de provoquer des élections anticipées. Le chef de la gauche pensait ainsi donner au gouvernement un mandat qui ferait avancer le processus de paix enclenché par les accords d’Oslo de 1993 : mal lui en a pris !

Aux élections directes pour le poste de Premier ministre (les premières de leur genre) qui se sont tenues le 29 mai 1996, le candidat du Likoud Netanyahou recueillera 50,5% des suffrages contre 49,5% pour Pérès, soit seulement 29.450 voix d’écart.

Le premier gouvernement dirigé par Benyamin Netanyahou se mettra en place le 18 juin 1996. À 46 ans, Netanyahou deviendra le plus jeune chef de gouvernement de l’Histoire du pays. Étoile montante de la politique israélienne, il n’avait été jusqu’alors qu’un député réservé, et un modeste vice-ministre des Affaires étrangères.

Naissance du bibisme

Benyamin Netanyahou a marqué l’évolution du pays au cours des 28 dernières années entrecoupées de brèves pauses ; il fera un retrait temporaire de la vie politique pour retourner aux affaires (1999-2002), et passera quelques années dans l’opposition (2005-2009 et 2021-2022).

Il a aussi rempli des fonctions ministérielles qui lui ont permis de laisser sa marque, notamment comme ministre des Affaires étrangères (2002-2003) et ministre des Finances (2003 à 2005).

La politique que Netanyahou a conduite en Israël durant près de trois décennies sera rapidement désignée par le nom de « bibisme », mélange de nationalisme et de libéralisme, assorti d’une dose de messianisme et de populisme.

En fait, Benyamin Netanyahou n’a pas hésité à faire preuve d’un pragmatisme politique – ses intérêts personnels l’emportant parfois sur ces convictions partisanes, avec un objectif très clair : rester au pouvoir le plus longtemps possible.

Promesses non tenues

Au fil des ans, le bibisme deviendra synonyme de promesses non tenues, stratégie assortie d’une absence d’initiative sur des questions majeures.

Quelques exemples : Netanyahou a promis la solution à deux États (discours de Bar-Ilan) mais n’a rien fait de concret pour y parvenir ; opposé aux Accords d’Oslo, il poursuivra un temps le processus de paix, serrant la main de Yasser Arafat et restituant partiellement la ville d’Hébron ; il a promis d’anéantir la menace iranienne mais il n’a fait que la renforcer ; il a promis de combattre le Hamas à Gaza mais il a préféré affaiblir le Fatah en Cisjordanie.

Sur le plan économique, Netanyahou a promis aux Israéliens d’améliorer leur bien-être quotidien mais la cherté de la vie et la pauvreté n’ont fait que s’aggraver, rejetant Israël en queue du classement des pays occidentaux.

La liste de promesses non tenues est longue ; elle se prolonge encore aujourd’hui, même durant une des périodes les plus sombres de l’histoire du pays.

Avec toujours le même credo : Netanyahou s’attribue les succès politiques, économiques, militaires et diplomatiques d’Israël pour sa gloire personnelle. En revanche, il balaye d’un revers de main les échecs, crises et catastrophes, dont il rejette la responsabilité sur d’autres.

Benyamin Netanyahou peut rêver d’entrer dans l’Histoire d’Israël pour au moins trois raisons : avoir été le Premier ministre le plus jeune, le Premier ministre à la plus forte longévité et le Premier ministre le plus âgé. Il a déjà rempli les deux premières conditions : il remplira la troisième s’il reste au pouvoir jusqu’à 77 ans, en 2026.

à propos de l’auteur
Jacques Bendelac est économiste et chercheur en sciences sociales à Jérusalem où il est installé depuis 1983. Il possède un doctorat en sciences économiques de l’Université de Paris. Il a enseigné l’économie à l’Institut supérieur de Technologie de Jérusalem de 1994 à 1998, à l’Université Hébraïque de Jérusalem de 2002 à 2005 et au Collège universitaire de Netanya de 2012 à 2020. Il est l’auteur de nombreux ouvrages et articles consacrés à Israël et aux relations israélo-palestiniennes. Il est notamment l’auteur de « Les Arabes d’Israël » (Autrement, 2008), « Israël-Palestine : demain, deux Etats partenaires ? » (Armand Colin, 2012), « Les Israéliens, hypercréatifs ! » (avec Mati Ben-Avraham, Ateliers Henry Dougier, 2015) et « Israël, mode d’emploi » (Editions Plein Jour, 2018). Dernier ouvrage paru : « Les Années Netanyahou, le grand virage d’Israël » (L’Harmattan, 2022). Régulièrement, il commente l’actualité économique au Proche-Orient dans les médias français et israéliens.
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