« Enfants d’Israël, je vous aime et vous admire », par Raphaël Jerusalmy

C’est parce que le calvaire des enfants israéliens est sciemment occulté que je tiens à en parler. Non pas pour vous apitoyer

Raphaël Jerusalmy
Raphaël JerusalmyAncien officier du renseignement militaire israélien, Auteur d' »Evacuation » chez Acte Sud.

Voulant me documenter pour écrire cet article, j’ai tapé ‘enfants israéliens’ sur le moteur de recherche de Google. Je vous suggère d’en faire autant. La page qui apparaît en premier lieu contient une douzaine d’articles sur la souffrance des enfants palestiniens. C’est parce que le calvaire des enfants israéliens est sciemment occulté que je tiens à en parler. Non pas pour vous apitoyer. Mais parce que le comportement de l’enfant israélien est exemplaire à plus d’un titre et une source d’inspiration pour nous tous, les adultes.

Enfants et jeunes ados de moins de quinze ans constituent plus d’un tiers de la population israélienne. Sur trois millions deux cent mille enfants environ, un quart sont musulmans, chrétiens ou autre.

Mais tous partagent un même destin et éprouvent un même sentiment d’insécurité depuis leur plus jeune âge et donc bien avant les massacres du 7 octobre 2023. Élevés à l’ombre des alertes aux missiles et des attentats terroristes au cœur de leurs villes et villages, ils n’ont jamais connu la paix. Ils ont appris à courir aux abris ou se coucher à terre, à prêter attention à quoi que ce soit qui paraisse suspect, à ne pas toucher à un sac ou jouet abandonné. Ils ont appris à vivre avec la peur. Et malgré la peur.

Leur discipline et leur courage lors des attaques à la roquette sont remarquables, évitant ainsi un nombre effrayant de victimes potentielles. Des exercices d’alerte ont régulièrement lieu dans les écoles et les jardins d’enfants. Pour se sécuriser, les plus petits prennent leur doudou de guerre avec eux lorsqu’ils courent aux abris. Des dessins animés leur expliquent les gestes qui sauvent la vie.

Les plus grands suivent les frappes sur leurs téléphones portables et échangent des paroles d’encouragement sur WhatsApp avec leurs copains. L’accalmie venue, les professeurs, les parents leur parlent et des équipes de psychologues les entourent. Surtout pour ceux d’entre eux dont le père ou le grand frère a été appelé à la réserve pour aller combattre, ceux qui sont frappés de deuil au sein de leur famille des suites de la guerre, ceux qui connaissent ou ont rencontré d’autres enfants de leur âge dont les proches ont été tués, torturés, kidnappés, ceux dont les maisons ont été détruites ou qui ont dû les évacuer du jour au lendemain. Ils se comptent par dizaines de milliers.

Et ce n’est pas tout. L’enfant israélien d’aujourd’hui a été exposé à une multitude d’autres événements traumatisants et qu’il les cumule ces dernières années : les confinements du Covid interrompant sa scolarité, suivis de la pénible crise que traverse la société israélienne actuelle, scindée par un schisme qui la divise de part en part et se manifeste de manière souvent agressive, parfois haineuse plutôt que de donner l’exemple de l’union, de la solidarité ou même de la bienséance. Évidemment, le 7 octobre a infligé le coup le plus dur. D’autant plus que de nombreux enfants en ont été les victimes, faisant ainsi tomber tout espoir d’être épargné par la violence des grands du fait que l’on soit juste un gosse. Pire, l’enfant, même âgé d’un an, est devenu la cible de prédilection du terroriste. Parce que ça fait mal.

Impossible de cacher cette terrible réalité, à l’ère des téléphones portables. Il faut considérer qu’un enfant israélien de six ans a vu certaines images. Ou du moins été exposé à certaines informations. Les termes de ‘viol’ ou ‘démembrement’ ne lui sont pas inconnus. Quant aux plus petits, il suffit qu’ils se promènent dans la rue pour y voir les photos des otages. Dont certains ont leur âge.

Malgré tout cela, les rues d’Israël sont pleines d’enfants qui jouent, se chamaillent, rient et chantent au soleil. Conscients de la précarité de leur destin, sachant qu’un moment de jeu, un anniversaire, une journée à la mer, peuvent soudainement prendre fin au son des sirènes d’alerte et des explosions, ils embrassent la vie à bras ouverts. Ils profitent à fond de l’instant présent. N’oublions pas que bientôt, très bientôt, juste après leur scolarité, ce sera leur tour de prendre la défense du pays. Et risquer leur peau au combat.

Oui Google, les enfants palestiniens souffrent aussi. Comme ceux du Soudan, du Congo et de bien trop d’endroits à travers le monde dont nul ne parle. Mais il y a une différence. L’enfant israélien apprend l’arabe à l’école, quand il ne le parle pas déjà à la maison. L’enfant israélien dessine des colombes et des rameaux d’olivier. L’enfant israélien n’est animé d’aucun sentiment de haine à l’égard de l’enfant palestinien. L’enfant israélien donne un exemple de conduite dont les adultes feraient bien de s’inspirer. Son amour de la vie est la plus grande victoire qui puisse être remportée.

Je suis la manière dont mes deux petits-fils, Itay et Alon, gèrent la situation et bâtissent des mécanismes de défense. Ils ne parlent presque jamais de la guerre. Et je respecte leur silence. Je prends garde aux réponses que je donne à certaines de leurs questions. Je regarde avec plus d’attention les gosses que je croise dans la rue ou au supermarché, à Tel-Aviv ou Sakhnin. Ils sont la génération qui en a soupé de la violence, de la bêtise des adultes. Ils sont un modèle de résilience et de bravoure. Ils sont l’avenir.

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