Ces jeunes qui font 38 millions d’heures de « sherut leumi » chaque année.

Avec ses 19 000 bénévoles issus de toute la société israélienne, le service national s’est mué en une source d’aide hautement qualifiée dans la santé, la technologie et l’éducation

Lors d’une récente hospitalisation, j’ai eu un problème : après plusieurs prises de sang, mes veines étaient introuvables. Médecins, infirmières, internes avaient beau faire de leur mieux, aucun ne parvenait à me faire de prise de sang.

Ils ont donc fini par utiliser l’artillerie lourde, en la personne de deux bénévoles de Sherut Leumi, le service national israélien. Dès leur arrivée, ce sont les seuls qui ont eu accès à mes bras.

Sherut Leumi existe, sous une forme ou une autre, depuis les tout premiers jours du mandat de Premier ministre de David Ben Gurion et sa forme actuelle est régie par une loi de 2018. Au début, ce service national était réservé aux jeunes hommes et femmes dispensés de l’armée pour raisons médicales, religieuses ou autres.

Reuven Pinsky, directeur général de Sherut Leumi, rappelle qu’il ne se substitue aucunement au service militaire.

Au fil du temps – particulièrement ces dernières années -, les responsabilités confiées aux bénévoles sont montées en gamme. Auparavant, on ne leur confiait que des tâches subalternes au sein des hôpitaux, comme par exemple offrir du thé aux patients et aux visiteurs.

Aujourd’hui, ils sont formés pour effectuer toutes sortes de tâches : certains deviennent par exemple des experts dans la prise de sang après une formation approfondie et beaucoup de pratique. Bien que ces aides-médecins et infirmières n’aient qu’une autorité limitée, rappelle Pinsky, ils sont d’une aide considérable pour le reste du personnel.

Ces bénévoles du service national travaillent 40 heures par semaine, pendant un maximum de deux ans et perçoivent une petite allocation mensuelle. À la fin de leur service, ils jouissent des mêmes avantages que les soldats non combattants en fin de service militaire.

Aujourd’hui, Sherut Leumi compte près de 19 000 bénévoles dont 13 500 juifs et 5 500 arabes ou druzes – un nombre qui augmente de 8 % chaque année – et 1 500 haredim (ultra-orthodoxes), deux fois plus qu’avant le pogrom du 7 octobre. Deux mille bénévoles appartiennent à des populations spécifiques, à l’instar des personnes handicapées et des personnes ayant des problèmes médicaux les privant de la possibilité d’effectuer leur service militaire.

Pinsky rappelle que les bénévoles interviennent dans tous les domaines où leur présence est susceptible de profiter au pays. Outre l’éducation, la santé et les services sociaux, on les trouve auprès des forces de l’ordre comme dans les services secrets ou les services de renseignement à divers postes technologiques.

Des volontaires du service national aident à construire des maisons temporaires dans le quartier de Shahak à Dimona, dans le sud d’Israël, le 21 décembre 2020. (Crédit : Sue Surkes/Times of Israel)

Les jeunes femmes qui s’occupent des ordinateurs ont souvent une formation technologique, et parfois même un diplôme d’études secondaires en informatique, mais nombre de volontaires haredim ne sont pas dans le même cas.

Avant de commencer une formation en assurance-qualité en tant que gestionnaires de réseau ou toute autre formation, ils commencent par un programme adapté qui leur permet d’étudier l’anglais, les mathématiques et l’informatique de base. Les avantages pour les bénévoles eux-mêmes et pour la société dans son ensemble sont vastes : les bénévoles accomplissent un service qui a du sens et acquièrent en même temps une expérience de travail précieuse qui les aidera à l’avenir.

Ces derniers mois, Sherut Leumi s’est impliquée dans la remise en état des communautés et fermes détruites pendant la guerre entre Israël et le Hamas. Pour prendre en charge la centaine de milliers de personnes évacuées, Sherut Leumi a démobilisé 600 volontaires de leur travail de guides ou autres pour les envoyer dans les centaines d’hôtels accueillant des personnes déplacées par la guerre. Les bénévoles s’y occupent des enfants et des personnes âgées (souvent très seules et traumatisées) et si d’aventure ces personnes évacuées sont relogées ailleurs, ils les accompagnent et poursuivent leur tâche. Rien que dans les hôtels de la mer Morte, une centaine de bénévoles aident les Israéliens déplacés.

Des volontaires du service national israélien aident à divertir les enfants dans un hôtel abritant des évacués après les atrocités du Hamas du 7 octobre. (Crédit : Yaara Ankry)

Les organismes gouvernementaux manquent souvent de personnel. Des établissements comme l’Institut national d’assurance ou des municipalités bénéficient désormais du renfort des bénévoles de Sherut Leumi, tout comme le zoo biblique de Jérusalem, qui emploie des bénévoles dans presque tous les services.

Le ministère israélien de l’Éducation manque lui aussi cruellement d’enseignants et d’aides-enseignants, car les écoles sont en sous-effectifs. Et de nos jours, les bénévoles sont soigneusement formés, relève Pinsky, ce qui fait d’eux d’excellents aides-enseignants.

Amira vit dans un quartier arabe des environs de Jérusalem, à un endroit où le service national a des répercussions politiques en raison du conflit israélo-palestinien.

A la fin de la Terminale, elle a entendu dire qu’il y avait du travail dans l’école de la région pour des enfants ayant des besoins spéciaux. Parce qu’elle a un bon contact avec les enfants, elle a accepté le poste : ce n’est que quelques mois plus tard qu’elle s’est rendue compte qu’elle effectuait son service national. Ce qui n’avait pas d’importance pour elle. Ce qui importait, c’était la satisfaction que lui apportait son travail et le sentiment de faire quelque chose d’important. Et à la fin de ses deux années de service, elle a reçu une somme d’argent qui lui a permis de payer une partie de ses frais universitaires.

Des volontaires haredim du service national israélien étudient de nouvelles matières. (Autorisation)

Les services sociaux de ce pays manquent peut-être encore davantage que d’autres de personnel. Là aussi, les bénévoles de Sherut Leumi ont un rôle essentiel à jouer. Là où les bénévoles de l’Institut national d’assurance rendent visite à une ou deux personnes âgées chaque semaine, ceux de Sherut Leumi, étroitement supervisés et formés en gérontologie, prennent chaque jour en charge cinq à six personnes âgées isolées, alitées ou nécessiteuses soigneusement choisies. Ils les accompagnent lors de leurs sorties, jouent à des jeux avec eux et leur tiennent compagnie.

Pinsky évoque un tout nouveau projet pilote consistant à mettre à disposition des familles ayant perdu un ou des proches à cause du conflit actuel des bénévoles soigneusement formés et constamment supervisés. Ces visites, qui requièrent une sensibilité toute particulière, ne sont organisées qu’une fois recueilli le consentement des familles.

Sherut Leumi recrute activement des jeunes hommes et jeunes femmes du secteur arabe et développe constamment des programmes susceptibles de les attirer. À l’heure actuelle, selon Pinsky, 20,5 % des jeunes femmes arabes en fin de classe Terminale se portent volontaires pour le service national.

Un volontaire israélien effectue son service national au zoo biblique de Jérusalem. (Crédit : Shmuel Bar-Am)

Un de ces programmes, relativement nouveau, est particulièrement demandé par les jeunes hommes arabes. D’ordinaire, à la fin du lycée, les garçons arabes sont impatients de gagner de l’argent pour mettre de l’argent de côté pour leur future famille, mais ils se retrouvent parfois dans un cycle de violence.

Le tout nouveau projet – Firefighters and Rescue Services – leur apprend à devenir des pompiers ou des ambulanciers.

Selon Pinsky, les volontaires du service national effectuent 38 millions d’heures par an pour un coût d’un million de shekels. Cela peut sembler une grosse somme, mais les avantages pour la société israélienne sont inestimables.

Aviva Bar-Am est l’auteur de sept guides en anglais sur Israël. Shmuel Bar-Am est un guide touristique agréé qui offre des visites privées et personnalisées en Israël pour les individus, les familles et les petits groupes.

LE PLUS. En Israël, le Sherout Leoumi, service national, remplace le service militaire dans des cas bien précis. Il est généralement accompli dans un cadre éducatif, médical ou social. D’après la loi israélienne, tout citoyen israélien ou résident permanent, âgé de 18 à 24 ans, peut se porter volontaire pour le service national.

En 2023 des milliers de jeunes, hommes et femmes, ont effectué leur service national. Pour la moitié, il s’agit de jeunes filles pratiquantes qui sont exemptées du service militaire pour des raisons religieuses. On compte également des jeunes laïques et des Arabes, chaque catégorie constituant environ un quart de ce groupe.

La gestion du Sherout Leoumi est assurée par huit associations à but non lucratif. Ces dernières sont chargées du recrutement des volontaires, de leur insertion dans le département auquel ils ont été affectés et de leur accompagnement pendant toute la période de leur service. C’est l’Etat qui s’occupe de superviser toute cette organisation par l’intermédiaire de l’Autorité du Service civil national.

Le Sherout Leoumi a vu le jour à la fin des années 1960 : c’est après la Guerre des Six Jours qu’un grand nombre de jeunes filles religieuses ont exprimé le désir de se porter volontaires pour se mettre au service de la société israélienne, comme le font les autres filles de leur âge appartenant au public laïc au sein de Tsahal. Tout a commencé par un bénévolat spontané, sans cadre, effectué juste après le baccalauréat. En 1971, une Association pour le Volontariat a été fondée, aboutissant par la suite à la création officielle d’un Service national, initiée par des représentants du sionisme religieux.

Dans les années 1990, des changements se sont opérés au sein de la société israélienne, avec entre autres une baisse du pourcentage d’enrôlement dans l’armée, et un nombre plus important de jeunes filles non religieuses et de jeunes gens qui préféraient effectuer un volontariat dans le service national.

Des pressions ont été exercées par le public pour que ce service soit ouvert à tous, et c’est dans ce contexte que l’Etat a créé des commissions pour traiter du sujet et trouver des solutions. Les conclusions de l’une d’entre elles ont été adoptées par le gouvernement en 2006, permettant l’ouverture d’un service national à toute une population dispensée du service militaire.

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