LES ECHOS. « Israël sous la menace croissante de boycotts et de désinvestissements ».

Le fonds souverain norvégien envisage de céder ses participations dans le capital de certaines sociétés israéliennes impliquées dans la guerre à Gaza, alors que les appels au boycott et aux désinvestissements se multiplient.

Des tanks de l'armée israélienne sur la frontière sud de Gaza le 9 juillet 2024.
Des tanks de l’armée israélienne sur la frontière sud de Gaza le 9 juillet 2024. (JACK GUEZ/AFP)

Par Pascal Brunel

L’étau économique international se resserre autour d’Israël. Le dernier signal d’alarme en date est le fait du fonds souverain norvégien, le plus doté au monde avec un capital de 1.530 milliards de dollars. Le conseil éthique de cette institution a demandé jeudi à la Banque centrale norvégienne d’examiner les investissements effectués dans les entreprises israéliennes impliquées dans la guerre à Gaza depuis les massacres du 7 octobre commis par le Hamas dans le sud d’Israël.

Pour le moment, aucune décision sur une éventuelle cession d’un portefeuille de participations dans 77 entreprises israéliennes, dans lesquelles le fonds souverain a misé, n’a été prise. Mais les pressions d’ONG pro palestiniennes se font de plus en plus sentir. De plus, l’avis donné en juillet par la Cour Internationale de justice pourrait encourager le mouvement. La plus haute instance judiciaire de l’ONU a, en effet, estimé que l’occupation israélienne de la Cisjordanie et de la partie arabe de Jérusalem conquises en 1967 était illégale et que l’Etat hébreu devait y mettre fin le « plus vite possible ».

Frapper l’économie israélienne.

Cet avis, quoique non contraignant, concerne non seulement les Etats, mais aussi les entreprises. Depuis des années le mouvement pro palestinien (BDS, pour boycott, désinvestissement et sanctions) mène campagne pour frapper l’économie israélienne. Jusqu’à la guerre à Gaza, ces appels n’ont eu qu’un effet mineur. Depuis quelques mois toutefois, les pressions exercées sur les sociétés étrangères actives en Israël n’ont cessé de monter en intensité. Parmi les entreprises les plus connues visées par ces critiques figurent McDonald’s, Taco Bell, Burger King, Coca-Cola, Starbucks, Estée Lauder…

Des responsables de certains de ces groupes ont admis que la campagne menée contre leur présence en Israël avait eu un impact négatif sur leurs résultats.

Du côté français, Carrefour, qui a conclu en 2022 un partenariat de franchises avec le groupe israélien Electra Consommers Products et sa filiale Yenot Bitan, dispose d’un réseau de plus d’une centaine de supermarchés en Israël. Cette présence est dénoncée par plusieurs ONG, la CGT, la Ligue des Droits de l’homme notamment qui affirment que des supermarchés Carrefour ont ouvert leurs portes dans des colonies de Cisjordanie, ce qu’Alexandre Bompard, le PDG, a démenti en assurant que « nous ne sommes pas présents dans les territoires occupés sous la marque Carrefour ».

Dans le collimateur d’organisations pro palestiniennes.

Pour le moment ces pressions n’ont pas eu d’effet, l’ouverture de nouveaux supermarchés estampillés Carrefour se poursuit tandis qu’après un départ difficile, les profits ont augmenté de 38 % au premier semestre par rapport à la même période de l’an dernier. BNP Paribas, qui a participé à un consortium pour un prêt de 500 millions de dollars à Elbit, un groupe d’armement israélien, est également dans le collimateur d’organisations pro palestiniennes. Celles-ci s’en sont également prises à AXA, mais le groupe d’assurance a démenti avoir des parts dans le capital dans trois banques israéliennes.

« Il faut bien reconnaître que les attaques de toute cette constellation d’organisations liées au mouvement BDS commencent à nous inquiéter, alors que nous avions tendance à la sous-estimer jusqu’à présent », reconnaît un responsable du ministère israélien des Finances.

La note de la dette israélienne dégradée.

Les avertissements sur l’impact de la prolongation de la guerre dans la bande de Gaza et les affrontements quotidiens avec le Hezbollah, allié de l’Iran, à la frontière libanaise se multiplient également sur le front financier ce qui pourrait décourager des investisseurs étrangers. Parmi ceux qui ont tiré le signal d’alarme, figurent les trois principales agences de notation, Fitch Ratings, Moody’s et Standard & Poor’s, qui ont abaissé leurs notes sur la dette israélienne. Des institutions financières aussi influentes que JP Morgan, Citibank, Goldman Sachs ou Morgan Stanley ont aussi lancé des mises en garde sur les perspectives négatives de l’économie israélienne en cas de poursuite de la guerre.

Seule et rare consolation, la high-tech israélienne, qui assure la moitié des exportations du pays, quoiqu’en perte de vitesse ces derniers mois, parvient parfois à sauver les meubles. Johnson & Johnson, le groupe américain, vient ainsi d’acquérir pour 1,7 milliard de dollars V.Wave un fabricant israélien de dispositifs médicaux.

Pascal Brunel (Correspondant à Tel Aviv)

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