La chaine israélienne N12 a publié une enquête avec de nouvelles révélations sur la négligence des services de renseignements israéliens dans la nuit du 6 au 7 octobre et dans les mois qui ont précédé l’attaque barbare du Hamas sur les localités juives de la bordure de Gaza.

A minuit, dans la nuit du 6 au 7 octobre, A. officier des renseignements du commandement sud est très inquiet. Deux heures et demi plus tôt, des centaines de cartes SIM ont été activées dans la Bande de Gaza et un autre signal encore plus grave, que la censure interdit de publier, allume toutes les lumières rouges chez cet officier.

A. fait remonter ses inquiétudes et passe un premier coup de téléphone à l’assistant du général Aaron Halioua, le chef du renseignement militaire. Mais cela ne suffit pas pour que ce dernier interrompe ses vacances à Eilat. Le second appel, A. le passe à son supérieur hiérarchique, le commandant de la région sud, le général Yaron Finkelman. Celui-ci décide de quitter son domicile dans le nord et de rejoindre le sud. Il en informe le Chef d’Etat-major, Halévy.

A 3h du matin, le chef de l’unité de renseignements 8200, Yossi Sariel, entre dans le tableau. A. lui écrit: ”Nous sommes face à un événement tout à fait exceptionnel, nous remarquons une augmentation de la préparation en face, la question est pourquoi?”. Il enjoint Sariel de s’enquérir auprès d’un système de recueil de renseignements très sophistiqué pour savoir ce qu’il se passe. Or, le commandant s’aperçoit que ce système est en panne depuis plusieurs heures.

A. s’entête et demande qu’on mobilise tous ceux qui doivent l’être, ”je dois comprendre ce qu’il se passe”, dit-il à Sariel. Ce dernier lui répond: ”Cela prendra quelques heures, mais nous finirons pas comprendre”. Et, il faudra quatre heures à l’unité 8200 pour mobiliser des soldats après que le système de recueil des renseignements a cessé de fonctionner. Lorsqu’ils arrivent, il est déjà trop tard. Le système recommence à fonctionner à 6h30 ce samedi matin.

A. n’était pas le seul à se poser des questions cette nuit-là. Des soldats de l’unité 8200 ont aussi remarqué des mouvements anormaux. Mais ils n’ont appelé personne et se sont contentés d’envoyer 6 mails à un interlocuteur qui n’était pas pertinent.

Pendant toute la nuit, aucune réunion d’évaluation de la situation n’a été organisée, ni au sein de 8200 ni au sein des renseignements militaires.

A 5h du matin, soit une heure et demi avant le déclenchement de l’attaque, A. alerte encore, cette fois le directeur du département de recherche des renseignements militaires, Amit Saar. Il l’infome des signaux qui témoignent de mouvements suspects à Gaza et lui fait part de sa grande inquiétude sur ce qui pourrait se produire. Saar ne s’émeut pas et lui répond: ”Cela n’indique pas une alerte”.

 

Cette négligence s’ajoute au peu d’importance accordée à un document que les renseignements israéliens ont réussi à se procurer quelques années plus tôt sur la planification de l’opération ”Murailles de Jéricho” par le Hamas. Ce document décrit exactement l’attaque qui s’est produite le 7 octobre et a été écrit en octobre 2021. Six mois plus tard, il était dans les mains de l’unité 8200 qui n’en a rien fait.

L’enquête de N12 révèle qui avait connaissance de ce document: le directeur des renseignements militaires, le général Aaron Halioua, le commandant de la région sud le général Eliezer Toledano, le commandant du bataillon de Gaza, le général Avi Rosenfeld et le commandant de l’unité 8200 le général Yossi Sariel.

En revanche, plusieurs personnages clés de l’Etat et de l’armée n’en ont pris connaissance qu’au lendemain du 7 octobre. Il s’agit du Chef d’Etat-major, Herzi Halévy, du chef du département opérationnel Shlomi Binder mais aussi du Premier ministre Binyamin Netanyahou, du ministre de la Défense, Yoav Gallant et du président de la commission Affaires étrangères et Sécurité de la Knesset, Yuli Edelstein.

En outre, Amit Saar, directeur du département des recherches des renseignements militaires, qui est censé préparer les plans en cas de risque de guerre, n’a pas non plus été informé par son supérieur, Aaron Halioua, de l’existence de ce document.

L’autre personnage central qui n’a jamais été informé du programme ”Murailles de Jéricho” est le général Tomer Bar, commandant de l’armée de l’air. Cela pourrait expliquer l’absence de l’aviation pendant les premières heures critiques de l’attaque du Hamas le 7 octobre. L’armée de l’air a été totalement surprise, n’était pas préparée à un tel scénario et n’avait pas les instructions nécessaires pour savoir où et comment attaquer.

 

L’enquête de la chaine N12 souligne un dernier point qui vient renforcer la thèse d’une ”conception” au sein des services de renseignements de l’armée qui a conduit à l’échec du 7 octobre. Lorsque Yossi Sariel prend la tête de l’unité 8200 en février 2021, il décide de reformuler la ”vision” de l’unité prestigieuse de Tsahal et retire de ce document les mots ”dissuasion” et ”renseignements”. L’unité 8200 passe de ”centre pour la dissuasion et les renseignements” à ”centre de l’art des informations”. Par ailleurs, le nouveau chef veut mettre en avant la dimension cybernétique et le ”renforcement de la résilience de la société israélienne” ainsi que ”l’éthique militaire à l’ère du digital” et ”la foi dans l’homme et son droit à la différence”.

LPH. COPYRIGHTS.

 

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