Malgré de très nombreuses sanctions occidentales destinées à blesser Moscou au portefeuille, l’économie russe se porte plutôt bien, entretenue par une consommation frénétique. Comment est-ce possible ? Les israéliens ne se posent pas trop la question mais observent avec interête leur ex pays qui ne sombre pas dans une crise économique dramatique.
« Un sentiment d’impuissance gagne les alliés de Kiev à la lecture de prévisions – très optimistes – du Fonds monétaire international sur l’économie russe. Envers et contre tout, il semble que les finances du pays résistent à la pluie de sanctions décrétées pas l’Occident.
La santé de fer et la croissance robuste de l’économie russe
D’autant que les grandes puissances s’inquiètent pour leurs finances respectives : croissance très moyenne en Chine, peur d’une récession aux États-Unis, taux de chômage qui explosent et moral des consommateurs en berne… La période n’a rien de riant.
Le système russe, lui, affiche une santé de fer dans l’adversité. Le chômage est proche de son plus bas niveau historique et le rouble se porte bien, détaille The Economist. L’inflation actuelle équivaut à près du double de l’objectif fixé par la banque centrale, à 4%, mais les revenus Russes suivent la cadence, à un rythme frénétique : ils ont augmenté de 14 % en glissement annuel, et le pouvoir d’achat grimpe.
Selon des données officielles, la confiance des Russes dans leurs propres finances a récemment atteint un niveau record. Ils sont plus enclins à faire des achats importants, depuis le dîner au restaurant, jusqu’à la nouvelle maison.
L’an dernier, les Russes ont importé 18 % de cognac en plus qu’en 2019, selon les estimations de The Economist, tout en dépensant 80 % de plus en importations de vins mousseux. Comment expliquer, en pleine guerre, et avec l’Occident sur le dos, que Moscou soit « une fête » ?
Le secret n’est pas dans le pétrole.
La réponse ne semble pas pouvoir se trouver dans les hydrocarbures, notions-nous récemment. Certes, l’activité commerciale de la Russie avec Pékin a atteint l’an passé le chiffre record de 240 milliards de dollars, et Moscou était devenu en 2023 le premier fournisseur de pétrole de l’Empire du Milieu, avec 107,2 millions de tonnes vendues sur l’année, rapportait alors Bloomberg.
Mais l’équation n’est pas bonne, et la manne asiatique ne suffit pas à égaler les anciens chiffres d’affaires liés aux ventes de gaz naturel et de pétrole en Europe (pour rappel, la part de gaz russe sur le Vieux continent est passée de 40% en 2021 à 15 % environ en 2024).
Les « nouveaux » partenaires de Moscou ont finalement pris peur des sanctions occidentales. Ainsi, rapportions-nous en mai, à la suite de Business Insider et Bloomberg, trois grandes raffineries majeures indiennes, Indian Oil, Bharat Petroleum et Hindustan Petroleum, ont rompu des accords ou négociations avec Rosneft pour la fourniture à long terme de brut russe, par peur des sanctions occidentales. De 40 % des importations totales indiennes en 2023, le pétrole russe est tombé à 28 % en mars 2024, synthétise Voratex.
Côté chinois, ce sont les banques qui coincent, expliquions-nous début août. En juillet, plusieurs grands exportateurs russes de matières premières ont déclaré à Bloomberg que le commerce avec la Chine était devenu de plus en plus difficile, car les paiements effectués en yuans chinois étaient gelés ou retardés face aux sanctions occidentales.
Soutenir la consommation, atténuer l’inflation.
En fait, analyse The Economist, l’un des secrets de Moscou pour entretenir la consommation et sa croissance, serait à chercher dans la politique financière et monétaire, qui s’est éloignée de l’austérité, de mise dans les années 2010 et qui avait permis d’amasser un trésor conséquent.
Cette année, la Russie devrait enregistrer un déficit budgétaire de 2 % du PIB, conséquent pour le pays, mais qu’elle pourra financer en grande partie en puisant dans ces stocks. En bonne fourmi, Moscou a économisé hier pour dépenser aujourd’hui – les dépenses totales de l’État ont augmenté en moyenne de 15 % en 2022 et 2023.
L’argent sert à soutenir la consommation face à l’inflation, et l’effort de guerre : la prime fédérale a doublé en juillet pour ceux qui s’engagent à combattre en Ukraine, et le gouvernement engage des sommes considérables pour indemniser les familles des soldats tués au combat. Les banques ont offert des suspensions de prêt aux soldats ukrainiens.
Côté immobilier, un programme de subventions permet aux emprunteurs un taux d’intérêt avantageux, l’État remboursant la différence avec le taux préférentiel. Ce système, qui coûte à la Russie des sommes substantielles chaque année, a poussé de nombreux Russes à souscrire à ces emprunts et à acheter leur logement ou un nouveau, aidant par la même occasion le secteur bancaire ainsi que celui de la construction.
Mais la crise, et de très lourdes dettes, lorgne le faste russe. Selon Meduza, les Russes devaient 374 milliards d’euros aux banques en mai 2024, soit 22 % de plus d’argent qu’en mai 2023. 50 millions de Russes, ou 40 % des adultes du pays, sont désormais endettés, et 8,6 % des Russes possèdent 5 prêts ou plus.
L’État, qui consacre donc une large partie de son Trésor aux subventions, revient peu à peu sur ces politiques au vu de leur poids dans le budget et des risques d’une bulle immobilière. Au rythme actuel, les réserves financières de la Russie seront épuisées dans cinq ans environ, estime The Economist ».