L’augmentation de la consommation de produits addictifs toucherait un Israélien sur quatre
Drogues, médicaments, jeux d’argent : la consommation de produits stupéfiants et les comportements addictifs ont bondi en Israël après l’attaque sans précédent du Hamas le 7 octobre, qui a provoqué la sidération dans le pays, selon des professionnels de santé.
« En réaction naturelle au stress émotionnel et dans la recherche de soulagement, on a assisté à une augmentation spectaculaire de la consommation de diverses substances sédatives addictives, qu’il s’agisse de médicaments sur ordonnance, de drogues illégales, d’alcool ou parfois de comportements addictifs comme les jeux d’argent », explique à l’AFP le psychiatre Shaul Lev-Ran, fondateur du Centre israélien sur la toxicomanie et la santé mentale à Netanya.
Pour appuyer ce constat, ses équipes ont mené une étude sur un millier de personnes représentatives de la population israélienne qui a révélé « un lien entre l’exposition indirecte aux événements du 7 octobre et l’augmentation de la consommation de substances addictives », de près de 25 %.
Un Israélien sur quatre a accru sa consommation de produits addictifs alors qu’en 2022, avant l’attaque, un Israélien sur sept était aux prises avec des troubles liées à la toxicomanie.
Le 7 octobre, une horde de terroristes du mouvement islamiste palestinien Hamas infiltrés depuis Gaza dans le sud d’Israël, aidée par des civils palestiniens, ont mené une attaque sans précédent qui a entraîné la mort de 1 198 personnes, en majorité des civils, selon un décompte de l’AFP établi à partir de données officielles israéliennes. Sur 251 personnes alors enlevées, 111 sont toujours retenues à Gaza, dont 39 sont mortes, selon l’armée.
« Échapper à la réalité »
Après ces événements et la guerre qui a suivi, 50% des survivants de l’attaque ont augmenté leur consommation de substances addictives, et 33% pour les personnes déplacées, selon l’étude menée en novembre et décembre.
En Israël, l’utilisation de somnifères et d’analgésiques a explosé respectivement de 180% et 70%.
Certains patients du Dr. Shaul Lev-Ran lui réclament « quelque chose » en disant : « Mon fils se bat à Gaza, je dois dormir, sinon je ne pourrais pas aller travailler », dit-il.
Convoqué par l’armée, Yoni (prénom d’emprunt), a retardé son service militaire car il était sur le point de faire une cure dans le centre d’Israël pour soigner sa dépendance à la drogue qui s’est accrue depuis quelques mois.
« J’ai commencé à me droguer pendant la pandémie de Covid-19, et avec la guerre cela a vraiment empiré (…). C’est une façon d’échapper à la réalité », confie le jeune homme âgé de 19 ans.
Lors de l’attaque du 7 octobre, il a perdu son ami Nick Beizer, 19 ans, enterré au cimetière militaire de Beer Sheva, dans le sud d’Israël, à une centaine de mètres du parc où l’équipe de l’AFP a rencontré Yoni, en perte de sens.
Pour tromper « l’ennui » et vaincre « la peur », il fréquente avec ses amis des fêtes technos « comme celle de Nova », festival de musique où s’étaient donné rendez-vous des milliers de jeunes pour danser et où 364 personnes ont été tuées par les terroristes palestiniens le 7 octobre.
« À la veille d’une épidémie »
Dans les premiers mois, Yoni a consommé « des drogues récréatives comme l’ecstasy, la MDMA (drogue de synthèse), le LSD », « facile » à se procurer, en groupe, puis « seul à la maison ».
« Je sais que je suis toxicomane, et maintenant je sais que je dois aller en cure de désintoxication pour prendre soin de moi », explique sans détour Yoni.
Après sa cure, il veut effectuer son service militaire, pour « me prouver, prouver à la famille, que je suis capable de contribuer à la communauté ».
« La drogue me permet d’oublier », explique Matan, soldat déployé à Gaza, rencontré dans un bar à Jérusalem. « Je sais que ça ne sert à rien (la guerre) mais il faut y aller », lâche-t-il.
En se basant sur l’étude, « il est déjà évident que nous sommes à la veille d’une épidémie dans laquelle de larges pans de la population développeront une dépendance à l’égard de substances » addictives, observe le professeur Shaul Lev-Ran.
Parmi la population palestinienne, il n’existe aucune donnée sur la santé mentale et la toxicomanie, a indiqué l’Autorité palestinienne à l’AFP.
Times of Israël
COPYRIGHTS.