La dissolution de l’Assemblée a provoqué un chamboule-tout dans l’échiquier de la politique française et on a pu assister à des retournements de veste surprenants de certaines personnalités qui ont quitté leurs formations d’origine pour en rejoindre d’autres, plus aptes à assurer leur élection ou leur ré-élection.
A ces occasions, leurs anciens alliés n’ont pas manqué d’utiliser l’expression « se vendre pour un plat de lentilles » qui est un grand classique de la rhétorique politique française, même si l’hexagone n’a pas le monopole de ce type de comportement
Ainsi, le 18 juin, Maurice Lévy, dans une tribune publiée dans Le Monde, reprend cette formule. « Comment des démocrates, des hommes et des femmes épris de la France de Jaurès et de Blum peuvent-ils s’asseoir à la table de LFI pour un plat de lentilles, surtout après la magnifique campagne de Raphaël Glucksmann ? », s’est indigné le président d’honneur de Publicis.
Mais peu de français savent que cette expression vient de la Bible et plus particulièrement de la Genèse (25, 29-34). Esaü, le plus âgé d’Isaac et de Rébecca, détenait le droit d’aînesse, c’est-à-dire l’héritage de la majorité des biens de son père.Mais si Jacob se consacrait à l’élevage, Esaü, lui, préférait la chasse, activité exigeant de déployer, des journées entières, un effort physique important. Un jour, il rentra particulièrement fatigué, affamé et assoiffé. En passant devant la tente de Jacob, il y vit que celui-ci mangeait un plat de lentilles. Lui demandant d’y goûter, son frère lui réclama en échange son droit d’aînesse.
Sans doute plus en état de réfléchir, Esaü consentit à ce troc très désavantageux et engloutit le pain et les lentilles. L’expression est donc restée pour désigner la vente pour une somme dérisoire – ou l’échange contre une compensation des plus minimes – d’un bien qui, lui, a de la valeur…
Mais la Bible a laissé bien d’autres expressions utilisées encore quotidiennement : « être en tenue d’Ève ou d’Adam » (pour respectivement une femme ou un homme dévêtus), « le fruit défendu » (pour tout ce qui attire du fait d’être interdit), « la pomme d’Adam » (pour désigner familièrement la saillie dans la face antérieure du cou chez l’homme), le « jardin d’Éden » (un lieu paradisiaque », « une période de vaches maigres » qui vient du texte de Joseph et qui constitue pour les économistes la première illustration des cycles conjoncturels, « un colosse aux pieds d’argile » dans le livre de Daniel qui désigne toute structure dont l’apparence puissante cache une fragilité.
« Baisser les bras » vient de l’effort de Moïse et de son bâton. « Lorsque Moïse tenait ses mains levées, Israël l’emportait, et quand il les laissait retomber, Amaleq l’emportait. » Les mains de Moïse s’alourdissent au point qu’il faut les lui soutenir pour ne pas qu’il les baisse. Et ainsi « jusqu’au coucher du soleil ».
D’autres dictons bien connus sont extraits directement d’épisodes de l’Ancien Testament : « œil pour œil, dent pour dent« , selon la fameuse loi du talion ; « un jugement de Salomon« , en rappel de la dispute entre deux femmes pour un enfant que règle le roi Salomon, à qui Dieu vient de donner en soi l’intelligence du cœur (1 Rois 3), mais on pourrait aussi citer « « Pauvre comme Job », en souvenir de cet homme que Dieu prive en un jour de sa famille et ses biens avant de le faire souffrir.
Enfin, des épisodes comme la tour de Babel dans la Genèse, celui des dix plaies d’Égypte dans l’Exode, suivi de la traversée du désert pour la terre promise sont devenus, eux aussi, autant d’images employées couramment.