EDITORIAL.
Voilà plusieurs mois que les délégués de l’administration américaine parcourent le Proche-Orient en tous sens, tels des marchands de vent. Et qu’ils en reviennent bredouille. Ils ont beau promettre des lendemains qui chantent, des paradis géostratégiques comme on n’en a jamais vu, des accords, des traités, des dollars. Rien n’y fait. Mais que proposent-ils donc de si attrayant ?
En premier lieu, sur leur plateau d’argent ciselé de bonnes intentions, ils prônent une sorte de non-guerre à Gaza qui ne serait cependant pas une paix. Plutôt une longue trêve, comme il y en eut plusieurs lors de la Guerre de Cent Ans entre la France et l’Angleterre qui dura de 1337 à 1453. Celle contre le Hamas dure depuis sa création en 1987, soit il n’y a que trente-sept ans. Alors, de quoi se plaint-on ?
En second lieu, ils nous intiment de ne pas entamer de conflit d’envergure avec le Hezbollah. Afin de ne pas déstabiliser la région, nous disent-ils. C’est oublier, volontairement sans doute, qu’il y a bel et bien une guerre au nord d’Israël, avec des centaines de missiles tirés par les terroristes, des dizaines de milliers d’Israéliens, mais aussi de Libanais, évacués des zones dangereuses, des milliers d’hectares partis en fumée. Tandis que la région ne veut surtout pas s’en mêler. Pourquoi le ferait-elle ? Israël fait le sale boulot pour tout le monde.
Les Américains s’obstinent toutefois à chercher l’accord, le traité miracle. Ils envisagent une frontière agréée entre le Liban et Israël, un respect des clauses assuré par la Finul qui, depuis qu’elle existe, se montre incapable de remplir son mandat. Quels seront les signataires de ce merveilleux traité ? Le gouvernement précaire et corrompu de Beyrouth, le secrétaire général du Hezbollah ? Et pourquoi pas celui du FPLP, par la même occasion. Bref, une pelletée peu recommandable de terroristes et de politiciens véreux.
Mais ce n’est pas tout, Washington nous parle de ‘normalisation’, mot magique qui fait rêver, avec l’Arabie saoudite. Cette normalisation paraît proche et lointaine à la fois. Or ce sont avant tout les USA qui tiennent à resserrer leurs liens avec le royaume saoudien. A cause des Chinois, du pétrole, du cours du dollar. Il en va de même pour leurs relations ambiguës avec le Qatar, fief des Frères Musulmans et état terroriste à tous points de vue, tout aussi néfaste que l’Iran. Et de mèche avec lui.
La cerise sur le gâteau, c’est la prodigieuse solution du « deux peuples, deux Etats ». Encore un magistral coup de baguette magique tout droit sorti d’une production de Walt Disney. Rien ne semble décourager l’administration américaine : le terrorisme agréé et financé par Abou Mazen lui-même, la corruption endémique qui rongent l’Autorité palestinienne, la montée en popularité du Hamas et autres extrémistes.
Le mot qui vient à l’esprit lorsque l’on évoque une vue politique qui ne tient pas compte de la réalité est « utopie ». Terme tiré d’un livre paru en 1516, en Angleterre, sous la plume de Thomas More et intitulé « Utopia ». Utopia est une île fabuleuse, une cité idéale. Baignant dans la paix et la sécurité, l’égalité sociale el la justice, elle est en tous points une sorte de réalisation avant l’heure du « rêve américain », expression datant de 1931. Créée par l’historien et sociologue James Truslow Adams lors de la sortie de la grande crise de 1929.
Cet optimisme invétéré des Américains, cette confiance en l’avenir, cette aptitude à rêver, n’est peut-être pas une mauvaise chose. C’est juste qu’Israël, de son côté, ne peut se permettre un tel luxe. Il lui faut demeurer plus terre à terre. Plus sur ses gardes. Les Israéliens rêvaient d’un apaisement dû à l’assistance économique offerte à Gaza lorsque survint le 7 octobre. Leurs largesses furent perçues comme un signe de faiblesse.
Les jolis rêves de paix ne se réalisent que lorsqu’il y a un vainqueur, d’un côté, et un perdant qui, de l’autre, admet sa défaite. Le 17 juillet 1453, l’armée du roi de France, Charles VII, écrasa les forces anglo-gasconnes sur les bords de la Dordogne, près du village de Castillon. Mettant ainsi fin à la guerre de Cent Ans. Ce 17 juillet, un demi-millénaire plus tard, Tsahal devrait achever son opération à Rafah et, par-là, le démantèlement des derniers bataillons du Hamas. C’est alors, et alors seulement, que l’on pourra se permettre de considérer « des utopies ». Sans perdre de vue la réalité sur le terrain ! Pour ne pas revivre un 7 octobre. Thomas More, l’auteur d’Utopia, fut décapité le 6 juillet 1535. Il est enterré à la Tour de Londres. Mais son rêve lui survit. Se réalisera-t-il un jour ?
I24NEWS.