Hier soir, le conseil d’administration pour la reprise d’Atos, en consortium avec Walter Butler et le groupe Econocom a accepté l’offre de reprise du groupe de David Layani avec le commentaire suivant : «L’offre est la mieux orientée en matière d’intérêt social de la Société (…), est globalement conforme aux principaux paramètres financiers présentés en avril par la Société (…) et bénéficie du soutien d’un grand nombre de créanciers financiers d’Atos et assure ainsi avec plus de certitude la conclusion d’un accord définitif de restructuration financière».
À 45 ans, le patron de OnePoint va devenir actionnaire de référence d’Atos, avec 20% du capital et sera bientôt propulsé probable directeur général d’une entreprise phare du pays, qu’il convoite depuis plusieurs années.
David Layani suscitait encore des réserves ces dernières semaines dans le petit monde parisien des affaires. Avec ses 800 millions d’euros de fortune personnelle selon Challenges, d’aucuns ne donnaient pas cher de sa peau face au mastodonte Daniel Kretinsky, avec ses 9 milliards d’euros au compteur. Patron d’une belle entreprise de services numérique (ESN), avec 500 millions d’euros de revenus, David Layani visait un groupe dix fois plus gros que le sien, avec ses 10 milliards d’euros de chiffre d’affaires, et ses 100.000 salariés.
Mais le patron de OnePoint est un opiniâtre et il avait déjà exprimé son intérêt pour Atos en 2022, mais son offre avait été rejetée par Bertrand Meunier, alors président du conseil d’administration d’Atos qui voyait en lui un «petit Poucet», pas un candidat sérieux.
Dans sa quête aujourd’hui récompensée, il s’est entouré des banquiers d’affaires François Guichot Perere et François Kayat (Lazard), ou encore David Haccoun (Osborne Clarke); les avocats Antoine Gosset-Grainville (BDGS), spécialiste des sujets de gouvernance et de concurrence, et Saam Golshani (White&Case), un expert des restructurations financières qui a conseillé Daniel Kretinsky dans sa prise de contrôle de Casino l’an passé; les professionnels de la communication d’influence Stéphane Fouks et Michel Bettan (Havas) ou encore Julien Vaulpré (Taddeo). « Il a recruté tout ce que compte Paris d’avocats et d’agences d’influence » , indique un banquier que Layani a essayé de démarcher. L’homme d’affaires est allé jusqu’à s’offrir les services de l’avocat et académicien François Sureau. Pour sa connaissance du droit public mais surtout son lobbying auprès du pouvoir.
Né à Belleville d’un père musicien et d’une mère travaillant dans l’événementiel, autodidacte sorti du système scolaire sans diplôme, c’est selon ses propres mots «sans réseau», « sans argent», « avec l’amour de ses parents» et «la foi du néophyte» qu’il s’est lancé en 2002.
En l’espace de vingt ans, David Layani a imposé OnePoint comme l’un des cabinets de conseil en transformation numérique en vogue de la place. Banque, finance, assurance, énergie, industrie, médias, télécoms, secteur public…le groupe revendique plusieurs centaines de clients. Ses effectifs sont passés à 3500 salariés, ouvrant des bureaux dans 18 pays et cinq continents. Il multiplie pour cela acquisitions, une douzaine environ.
Parti de zéro, OnePoint, dont Layani détient 80% du capital, revendiquait un chiffre d’affaires de 500 millions d’euros l’an passé.
David Layani, lui, va devenir directeur général du groupe. Un rôle d’opérationnel, crucial pour Atos, qui a connu cinq DG durant les quatre dernières années. « Passer de 3 500 à 100.000 salariés, cela va être un énorme défi pour lui. A-t-il les épaules ? », s’interroge un concurrent. Paradoxalement, c’est au moment où l‘homme d‘affaires est en pleine lumière qu’il va devoir s’attaquer à un colossal travail de l‘ombre. Il ne faudra pas être pris de vertige. Après deux ans de tergiversations, d‘errances managériales, de projets de scission avortés, le groupe de Bezons a plus que jamais besoin de rassurer ses clients. « Dans nos industries du conseil et de l‘informatique, il n’y a pas de patrons stars. Ce sont les clients qui brillent. Et ils aiment par-dessus tout la discrétion» , indique le patron d’une ESN rivale.
David Layani le sait. La partie pour le sauvetage d’Atos est encore longue. S’il a remporté cette manche, elle ne lui permettra pas de flamber.
Source : Le Figaro & Israël Valley (résumé)