Elections législatives : après la dissolution, la France sous haute tension
En dissolvant l’Assemblée nationale dimanche soir en réponse à la défaite électorale de la liste présidentielle aux élections européennes, Emmanuel Macron projette la France dans une campagne législative express. Vingt jours qui posent des problèmes logistiques autant que politiques, vingt jours qui plongent le pays dans l’inconnu.
Au lendemain des élections européennes marquées par la nette victoire du Rassemblement national et la décision d’Emmanuel Macron de dissoudre l’Assemblée nationale, la France s’est réveillée hier comme groggy, sonnée par le vertige des vingt jours de campagne qui l’attendent pour des élections législatives les 30 juin et 7 juillet. Vingt jours qui la plongent dans l’inconnu.
Dès hier, la course contre la montre a commencé pour tous les partis politiques. Le Rassemblement national, lourdement courtisé par Reconquête, a activé son « plan Matignon », préparé de longue date, qui entend propulser Jordan Bardella Premier ministre. La majorité présidentielle se prépare en urgence à confier la campagne à Gabriel Attal, et si certains députés jettent l’éponge, d’autres sont déjà en piste sans même l’embryon d’un programme qu’Emmanuel Macron va définir lui-même prochainement. La gauche s’attelle à imaginer un nouveau Front populaire quand les Républicains, qui ont refusé toute alliance avec la Macronie, mesurent tout ce qu’ils ont à perdre avec le nouveau scrutin.
Un scrutin qu’il faut organiser, là aussi en urgence. Pour les candidats, il s’agit de choisir leur mandataire financier, parfois leur suppléant, préparer l’impression des affiches, des bulletins, etc. et bien sûr imaginer comment mener cette campagne éclair où le terrain comptera beaucoup avant le vote.
L’AMF alerte sur les difficultés d’organisation des scrutins
Un vote que les municipalités – déjà très sollicitées par l’organisation des élections européennes avec leurs 38 listes – abordent avec une certaine crainte. Hier, l’Association des maires de France (AMF) s’est fendue d’un communiqué pour alerter « sur les difficultés d’organisation » des législatives alors que beaucoup de communes sont concentrées sur la préparation de la saison estivale. « Sans méconnaître la légitimité des prérogatives constitutionnelles du président de la République, l’AMF regrette que ni les modalités pratiques de mise en œuvre de sa décision, ni la pression qu’elle fait peser sur les communes n’aient été prises en compte » écrit l’AMF, présidée par le maire LR de Cannes David Lisnard. L’AMF se tiendra aux côtés des communes pour les accompagner dans l’organisation des deux tours. De son côté, la maire PS de Paris, Anne Hidalgo, concentrée sur les Jeux olympiques de Paris qui commencent le 26 juillet a fait part de ses inquiétudes, estimant que décider d’une dissolution de l’Assemblée « juste avant les JO était extrêmement troublant ».
La dissolution de l’Assemblée a par ailleurs provoqué un arrêt net des travaux législatifs puisque les députés ne le sont plus. Parmi les textes qui étaient en débat figurait le projet de loi sur la fin de vie, l’un des textes les plus délicats de ces derniers mois. Le député MoDem Olivier Falorni, son rapporteur, a annoncé qu’il sera candidat sans hésiter, mais a fait part hier de sa tristesse « de voir la loi Fin de vie brutalement stoppée ».
Si certains députés actuels ont d’ores et déjà décidé de jeter l’éponge et ne se représenteront pas, comme l’ex-ministre Joël Giraud, d’autres sont déjà entrés en campagne tambours battants. À l’instar de certains ministres comme Dominique Faure, ministre de la Ruralité.
La Bourse et l’euro en chute
Avant même le résultat des élections législatives au terme desquelles le RN pourrait entrer à Matignon, celles-ci ont déjà des conséquences sur la France. La Bourse de Paris a ainsi ouvert en chute de 2,37 % hier tandis que les autres Bourses européennes reculaient aussi dans les premiers échanges mais moins fortement. Hier matin, l’euro était en chute libre face au dollar et à la livre Sterling, en réaction à la poussée de l’extrême droite en Europe.
« L’attention en Europe va maintenant se tourner vers le résultat des élections européennes et le virage politique à droite dans l’UE, ainsi que des élections anticipées surprises en France », qui est de nature à « peser sur l’euro et les marchés européens », indiquait à Capital Kathleen Brooks, de XTB, tandis que le ministre de l’Économie Bruno Le Maire dramatisait, estimant que ces législatives auront « les conséquences les plus lourdes de la Ve République. »
Stupeur à l’étranger, le Kremlin suit la situation française
Enfin, la dissolution surprise d’Emmanuel Macron – quand Olaf Scholz refuse de revenir aux urnes – interroge en Europe. « Dans un moment critique, une formation antieuropéenne qui a déjà eu par le passé des liens financiers indéniables avec le Kremlin, pourrait prendre le pouvoir dans l’une des grandes capitales. Dans la seule France, cette ascension déclenchera une crise que l’Europe ne peut absolument pas se permettre actuellement », écrivait hier le quotidien polonais Polityka, tandis que le New York Times estimait que « si le RN réitère ses performances lors des élections nationales, le pays pourrait devenir quasiment ingouvernable, M. Macron étant confronté à un Parlement hostile à tout ce en quoi il croit. »
La situation française est aussi regardée à Moscou, accusé d’opérations d’ingérences contre la France ces derniers mois. « Nous allons suivre tout cela avec attention, d’autant plus qu’on mesure l’attitude extrêmement inamicale, voire hostile, des dirigeants français à l’égard de notre pays », a dit hier le porte-parole du président russe, Dmitri Peskov, visiblement ravi de la montée des partis d’extrême droite, réputés plus favorables à la Russie.