L’Ecole Biblique et Archéologique Française a été fondée en 1890 par des membres de l’ordre des dominicains et elle se trouve à deux pas de la vieille ville, secteur Est (arabe) de Jérusalem.

Reconnue par l’Académie des inscriptions et belles-lettres, l’École est une institution unique dans une ville qui l’est aussi. Son credo : « Confronter le texte au contexte », martèle son directeur, frère Olivier Poquillon. En clair : mettre les écrits bibliques face aux connaissances scientifiques, notamment archéologiques.

Un précédent directeur, le père Roland de Vaux, avait découvert les inestimables manuscrits de la mer Morte en fouillant le site de Qumrân, en Cisjordanie, dans les années 1950. Aujourd’hui, l’École reste une référence, et accueille des étudiants et des chercheurs du monde entier, croyants ou pas et une vingtaine y sont même résidents, pour quelques semaines ou quelques mois.

Il s’y trouve une extraordinaire bibliothèque de recherche, spécialisée dans les études bibliques, les langues anciennes, l’histoire du Proche-Orient, qui est accessible aux résidents vingt-quatre heures sur vingt-quatre, et compte quatre cent soixante mille  références.

« En mètres linéaires, cela représente 11,5 kilomètres, soit la distance qui nous sépare de la basilique de la Nativité, à Bethléem », sourit son responsable, frère Bernard, tout en enfilant des gants blancs pour manipuler un manuscrit datant de 1158, quatre Évangiles commentés en syriaque. « Un modèle unique au monde », glisse-t-il, visiblement ému… et guère perturbé dans sa mission par le conflit tout proche. « Quand il y a une alerte, on se retrouve dans un coin du bâtiment qui a de bons murs, et on attend que ça passe. L’essentiel pour moi, c’est de continuer de faire fonctionner cette bibliothèque. » En temps normal, il y fait entrer cinq mille nouveaux volumes par an.

Sauf que, bien sûr, les temps ne sont pas normaux. « Je me suis étonné de voir que les commandes n’arrivaient pas… Et j’ai appris que la plupart, même celles d’Europe, passaient par la mer Rouge en bateau ! Comme les Houthis du Yémen, alliés au Hamas, lancent des attaques sur les navires, une bonne partie du trafic a été suspendue. »

À vrai dire, il n’y a pas que les livres qui font défaut. Le dominicain, dont l’équipe compte des Palestiniens et des Juifs, a vu partir trois de ses « catalogueurs » (qui indexent les livres, chapitre par chapitre), des volontaires venus en coopération. « Ils ont dû rentrer, car le ministère des Affaires étrangères jugeait la zone trop risquée. J’en ai vu pleurer de déception. » Quid des chercheurs ? « Comme ils peuvent moins se rendre sur le terrain, ils passent plus de temps à la bibliothèque. Mais certains évitent carrément la région. »

De quoi désoler le frère Olivier Poquillon. « Une bonne quinzaine de personnes ont annulé ou reporté leur venue, notamment pour des problèmes d’assurance. C’est dommageable à la transmission des savoirs, et cela impacte les finances de l’École. » Budget de fonctionnement : 1,5 million d’euros par an. Le Quai d’Orsay y contribue pour 75 000 euros.

Si le reste est assuré par des dons d’organisations, comme L’Œuvre d’Orient, ou des partenaires sur des projets précis (l’Agence Française de Développement pour la restauration d’une mosaïque, par exemple), l’essentiel vient des pensions des résidents, dont les bourses de recherche financent les séjours à l’EBAF. Moins de résidents, c’est donc moins de rentrées d’argent, pour des frais fixes à peu près constants, voire en augmentation, comme l’ensemble du coût de la vie ces derniers mois.

Source :  Telerama & Israël Valley

 

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