« Arrêter les ventes d’armes reviendrait à renforcer le Hamas et rendrait probablement moins probable un accord sur les otages », a estimé le chef de la diplomatie britannique. Une décision politique dans ce sens, aussi populaire soit-elle, serait contre-productive selon Cameron.
Il a rappelé avoir été tenté de faire une déclaration en ce sens il y a quelques mois, avant de reculer après la violente attaque de drones et missiles iraniens contre Israël. « Cela n’aurait pas été judicieux », a jugé le ministre, soulignant la nécessité pour Israël de pouvoir assurer sa défense.
Ces déclarations interviennent après les vives critiques essuyées par Joe Biden pour avoir menacé d’un arrêt des ventes d’armes américaines à Israël en cas d’offensive terrestre d’envergure à Rafah, dans la bande de Gaza. Le président américain avait été vertement pris à partie par une partie de la classe politique israélienne et les républicains.
David Cameron a toutefois nuancé la portée des livraisons d’armement britanniques, bien inférieures à celles des États-Unis qui demeurent « un fournisseur massif » pour Israël, avec notamment des bombes de grosse capacité. « Le Royaume-Uni ne fournit que moins de 1% des armes israéliennes et n’est pas un fournisseur d’État », a-t-il précisé.
Le chef de la diplomatie a assuré que les exportations existantes faisaient l’objet d’un examen rigoureux et respectaient le cadre légal en vigueur. « Nous devrions nous en tenir à ce processus encadré », a-t-il insisté.
Cela étant, le ministre britannique a réaffirmé l’opposition de son pays comme des États-Unis à toute opération terrestre majeure à Rafah pour l’instant, par crainte d’une crise humanitaire chez les 1,3 million de Palestiniens qui y vivent.
« Nous n’avons vu aucun plan clair pour sauver des vies et acheminer l’aide, donc nous ne soutenons pas pour le moment une offensive d’envergure », a prévenu Cameron, tout en appelant à la conclusion rapide d’un accord incluant la libération d’otages pour permettre l’acheminement de l’assistance à Gaza.
Selon le ministre, un tel accord avait été proposé au Hamas, qui l’a rejeté jusqu’ici, perpétuant ainsi les souffrances des populations. « La question est de savoir pourquoi le Hamas laisse cela continuer alors qu’il pourrait y mettre un terme maintenant », a déploré le ministre britannique.
En attendant une détente, David Cameron a exhorté Israël à faciliter davantage l’acheminement de l’aide humanitaire vers l’enclave palestinienne, tout en réaffirmant la complexité de la situation sur le terrain.
Si l’on considère que la politique étrangère du Royaume-Uni est généralement alignée sur celle des États-Unis, on peut s’étonner des propos plutôt pro-israéliens tenus par le ministre David Cameron, qui semblent contredire la position du président américain Joe Biden.
En effet, malgré leur alliance historique, la diplomatie britannique et américaine peuvent parfois diverger sur certains dossiers sensibles. Dans le cas présent, les propos de M. Cameron défendant le maintien des ventes d’armes à Israël et critiquant implicitement les menaces de M. Biden d’y mettre fin, apparaissent en porte-à-faux avec la ligne officielle de Washington.
On peut dès lors émettre l’hypothèse que les déclarations du ministre britannique correspondent en réalité à la position réelle de la Maison Blanche, que M. Biden ne peut assumer publiquement pour des raisons politiques ou diplomatiques. M. Cameron jouerait ainsi un rôle de porte-voix, exprimant à demi-mot le soutien effectif de l’administration américaine à Israël.
Cette pratique du « double discours » n’est pas nouvelle en politique étrangère. Elle permet parfois aux grands alliés de ménager certaines sensibilités intérieures tout en faisant passer leurs véritables intentions par des canaux détournés. Les propos de M. Cameron pourraient donc refléter les mots que le président Biden aimerait pouvoir prononcer lui-même, sans les contraintes de la scène politique américaine.
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