Sabine Syfuss-Arnaud.

INTERVIEW – Andy David, directeur de l’innovation au ministère israélien des Affaires étrangères revient auprès de Challenges sur la façon dont la société et l’économie israélienne s’adapte à la guerre avec le Hamas.

Challenges – Comment l’économie israélienne réagit-elle face à la guerre ?

Andy David – Le succès de l’écosystème en Israël s’explique par plusieurs facteurs bien connus, comme l’excellence de l’éducation, de la recherche et du développement. Mais il s’explique aussi par un facteur qui en fait sa réelle spécificité et qui aujourd’hui joue un rôle majeur: le sens du partage, l’art de collaborer et de se rendre service.

Un jeune entrepreneur trouvera toujours un grand patron ou un investisseur pour le prendre sous son aile, le guider. Toute cette énergie est mobilisée depuis le 7 octobre.

Aujourd’hui la solidarité joue à plein, chacun donne sans compter, à hauteur de ses moyens. Des milliers de groupes WhatsApp se sont constitués. Toute l’énergie créative est mobilisée.

Le fonds de capital risques J Ventures a versé des dizaines de millions de dollars. Et a mobilisé ses membres, qui ont multiplié les envois pour équiper les soldats de l’armée, les rapatrier de l’étranger, aider les familles évacuées, leur racheter des équipements électroniques, téléphones, iPad, perdus pendant les attaques, pour que tous puissent rester connectés, y compris les enfants pour qui ce lien adoucit le traumatisme.

Une start-up spécialiste de l’analyse de vidéos et de la reconnaissance faciale, s’est mise au service des familles qui ont subi des attaques, pour identifier les visages des victimes et otages sur les centaines de milliers de films et de photos qui ont été diffusés sur les réseaux sociaux.

L’entreprise de jeux vidéo Playtika, elle, a acheté des tonnes d’équipements pour l’armée, des couvertures et des vêtements chauds pour les soldats, des friandises et des équipements électroniques pour les enfants.

Reuven Elkes, le patron fondateur de la chaîne Canada Hotel, propose logis et couvert à 2.500 personnes déplacées.

On trouve des bénévoles partout. Partout dans le pays des psychologues, des comédiens, des clowns proposent aussi d’intervenir gratuitement pour aider les enfants choqués.

Comment ont réagi les businessmen de la diaspora ?

Plusieurs entreprises israélo-américaines de la tech ont envoyé des dons. De Las Vegas à Los Angeles, en passant par le Colorado, des équipements de protection pour l’armée sont arrivés, mais aussi des vestes pare-balles doublées en céramique, des jumelles.

Des dizaines de millions de dollars sont arrivés pour aider les hôpitaux, les familles dans le besoin. Un de mes amis de San Francisco et sa femme ont aussi immédiatement envoyé des millions de dollars pour les services d’urgence MADA.

Comment l’économie israélienne va-t-elle sortir du conflit?L’économie israélienne est agile, elle rebondira, comme elle l’a fait après chaque guerre, après chaque crise, dont le Covid est l’un des derniers exemples.

Depuis les attaques du 7 octobre, cette énergie créative qui nous caractérise est sortie comme un génie de sa bouteille. Les entreprises adaptent leur offre à la demande en cours, en l’occurrence l’aide aux victimes. Ces adaptations seront le ferment du prochain rebond de la tech israélienne.

Nous Israéliens ne sommes pas forcément performants dans le management de haut vol et une direction des affaires sophistiquée, à l’américaine. En revanche, en cas de crise nous sommes les meilleurs pour réagir, improviser, nous adapter.

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