EDITORIAL. SABINE ROITMAN. Lorsque les armes se tairont, la situation en Israël et dans le reste du monde sera très différente de celle que nous avons connue jusqu’ici. Gagner la guerre et éliminer de Gaza le Hamas, son chef militaire Yahya Sinwar et peut-être son chef politique Ismaël Haniyeh, ne veut pas dire gagner la paix.
Une fois Gaza nettoyée des terroristes, qu’en faire ? Les Occidentaux reparlent d’un “État palestinien” confié à l’AP. Ce serait revenir à la situation qui a justement poussé Israël à séparer Judée-Samarie de Gaza : Yitzhak Rabin déjà réalisait que le “passage sûr” entre Gaza et la Judée-Samarie décrit dans les accords d’Oslo se traduirait par une liaison terrestre coupant dangereusement Israël en deux.
À sa suite les hauts responsables politiques et militaires d’Israël de droite comme de gauche ainsi que la plupart des médias, se sont alignés sur une stratégie de séparation des deux entités. Presque tous ont soutenu Netanyahou lorsqu’il s’est abstenu d’écraser le Hamas, ont minimisé la menace que pouvait constituer celui-ci et ont souscrit à l’idée fausse d’une coexistence possible. Ehud Barak lui-même n’a pas hésité à renforcer le Hamas face au Fatah.
Alors que faire de Gaza ? Comment s’en protéger ? L’idéal serait de le rendre à l’Egypte et de céder une partie de la Cisjordanie à la Jordanie dont la population est déjà en majorité palestinienne. Mais aucun de ces pays n’en veut, mesurant tout le danger que représente le golem qu’ils ont créé.
Les musulmans n’ont heureusement pas tous le même rapport aux textes fondateurs de l’islam. Et la rivalité entre chiites et sunnites peut aussi amener un peu de répit : la raison majeure qui a poussé l’Iran à déclencher une guerre entre le Hamas et Israël était de torpiller son accord possible avec l’Arabie Saoudite. Rien n’exclut d’ailleurs qu’après la victoire d’Israël l’Arabie Saoudite revienne à une normalisation de leurs relations. Aucun des États signataires des Accords d’Abraham n’y a renoncé à ce jour, se contentant d’un rappel d’ambassadeur ou de condamnations verbales, les Émirats ayant même blâmé le Hamas.
L’autre grave problème à régler après la guerre sera la faillite politique et militaire révélée par le pogrom du 7 octobre. L’onde de choc du “Chabbat noir” n’a pas fini de secouer la société israélienne, déjà ébranlée par les manifestations sans fin des mois précédents. Obnubilés par les appels à en finir avec Bibi, les patrons du renseignement et de la sécurité n’ont pas vu que d’autres se préparaient à en finir avec Israël. Il va falloir opérer des changements majeurs dans la direction du pays.
On risque dans un proche avenir des règlements de compte violents et de nouvelles élections, malgré l’unité magnifique dont fait montre actuellement Israël, avec une solidarité exceptionnelle de tous envers les soldats, les otages et les familles déplacées du Sud et du Nord.
Et comment se comportera dorénavant la gauche israélienne ? Réveil brutal pour ces hommes d’affaires, journalistes ou intellectuels comme David Grossman et Youval Harari, en colère devant le manque d’empathie et l’absence de solidarité de leurs amis de l’extérieur qui soutiennent le Hamas et rejettent toute la responsabilité sur Israël: “Nous n’aurions jamais imaginé que des gens de gauche, défenseurs de l’égalité, de la liberté, de la justice, feraient preuve d’une telle insensibilité morale et d’une telle insouciance politique quand il s’agit d’Israël et de juifs”
Le temps des illusions est donc révolu. Le monde occidental se rend enfin compte que sa propre sécurité dépend de l’issue de cette guerre face à l’axe des dictatures : Russie, Turquie (pourtant dans l’OTAN) et bien sûr Iran qui garde intacte sa volonté d’acquérir l’arme nucléaire et sa capacité à nuire.
Reconnaîtra-t-on enfin que l’ONU, l’UNRWA, La Croix Rouge, Amnesty International et autres ONG sont anti-israéliens pour ne pas dire antisémites ? Y aura-t-il une prise de conscience salutaire qui aide notre civilisation à échapper à un islam conquérant ? Le peuple juif comprendra-t-il enfin qu’il ne peut survivre que dans l’unité ?
Sabine Roitman