IsraelValley, étant le site officiel de la Chambre de Commerce ne pourra pas commenter un fait choquant : la France écarte Israël ce 9 Novembre d’une conférence humanitaire.

SELON FRANCE 24. La France organise à l’Élysée, jeudi 9 novembre, une conférence humanitaire pour la population civile de Gaza. Y seront présents plusieurs chefs d’État et de gouvernement, le président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas, mais aucun représentant israélien. À défaut d’appeler à un cessez-le-feu, Emmanuel Macron entend agir sur l’aide humanitaire.

Depuis le début de la guerre entre Israël et le Hamas, le 7 octobre, la France a livré 17 tonnes de fret humanitaire à destination de Gaza au moyen d’un vol militaire via l’Égypte. Deux autres vols militaires, prévus dans les prochains jours, achemineront 37 tonnes supplémentaires d’aide qui seront remises au Croissant-Rouge égyptien.

Ce dispositif est complété par un déploiement militaire positionné en Méditerranée orientale, et articulé autour du porte-hélicoptère amphibie (PHA) Tonnerre – un navire médicalisé –, de la frégate légère furtive (FLF) Surcouf et de la frégate multi-missions-défense aérienne (FREMM-DA) Alsace. Le PHA Dixmude, qui va être renforcé en capacités médicales, sera envoyé prochainement sur zone pour relever le Tonnerre et ainsi consolider le dispositif français.

L’objectif de la conférence qui va s’ouvrir à Paris est d’aboutir à une évaluation partagée de la situation et, selon l’Élysée, de « mobiliser tous les partenaires et les bailleurs pour répondre aux besoins », que l’ONU estime à 1,2 milliard de dollars jusqu’à fin 2023 pour la population de Gaza et la Cisjordanie.

La France promet « une augmentation très sensible de ses contributions, à la fois financière et en nature », qui sera dévoilée jeudi, indique la même source. Elle travaille aussi, aux niveaux national et européen, à l’accueil de « malades » et de « blessés » palestiniens, et évoquera lors de la conférence « comment rendre cela opérationnel ».

Mais en matière de diplomatie, rien ne se fait jamais sans arrière-pensée. Au-delà des avancées qu’Emmanuel Macron espère obtenir sur l’aide humanitaire pour Gaza, le président français entend envoyer un signal à destination des critiques jugeant la position française trop conciliante avec Israël, qui mène depuis un mois des frappes incessantes de même que des opérations militaires terrestres sur le petit territoire palestinien. Le dernier bilan côté palestinien fait état de plus de 10 000 morts dans la bande de Gaza, selon le ministère de la Santé du Hamas.

« Montrer que la France prend en compte les souffrances des Palestiniens ».

« Bien évidemment, l’organisation de cette conférence correspond à un besoin : la situation humanitaire est dramatique. Mais Emmanuel Macron sait aussi qu’il peut en tirer un bénéfice diplomatique. Son but est de montrer que la France prend en compte les souffrances des Palestiniens et que sa position dans cette guerre est équilibrée », analyse Jean de Gliniasty, ancien consul général de la France à Jérusalem (1991-1995) et aujourd’hui directeur de recherche à l’Iris, contacté par France 24.

Un coup stratégique qui permet à la France de rééquilibrer quelque peu sa position, alors que les signaux envoyés depuis l’attaque du Hamas qui a fait 1 400 victimes côté israélien ont été plus nombreux à destination d’Israël. Ainsi, le premier communiqué, envoyé conjointement le 9 octobre par la France, les États-Unis, le Royaume-Uni, l’Allemagne et l’Italie, était « une réaction purement émotionnelle et ne mentionnait pas le processus de paix », souligne Jean de Gliniasty.

Dans la foulée, la présidente de l’Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet a exprimé le 10 octobre un « soutien inconditionnel » de la France à Israël, avant de se rendre en personne dans l’État hébreu, les 21 et 22 octobre – un voyage controversé en raison notamment de la présence à ses côtés de deux députés ouvertement pro-israéliens, Éric Ciotti (Les Républicains) et Meyer Habib (apparenté LR).

Enfin, le voyage d’Emmanuel Macron à Tel Aviv le 24 octobre a été marqué par la proposition du président français de « bâtir une coalition régionale ou internationale » pour « lutter » contre le Hamas. « La France est prête à ce que la coalition internationale contre Daech (…) puisse lutter aussi contre le Hamas », a-t-il affirmé devant Benjamin Netanyahu, reprenant à son compte la rhétorique du Premier ministre israélien visant à mettre un signe égal entre l’État islamique et le Hamas. Par ailleurs, si Emmanuel Macron a réaffirmé la nécessité d’une solution à deux États pour régler le conflit israélo-palestinien, il n’a en revanche pas mentionné lors de cette rencontre la colonisation qui se poursuit en Cisjordanie.

Face à ces démonstrations de solidarité vis-à-vis d’Israël, tandis que le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin souhaitait interdire toute manifestation propalestinienne en France, le sentiment d’un parti pris français s’est généralisé chez les Palestiniens et la rue arabe en général.

« La France est considérée, avec le bloc occidental, comme étant solidaire d’Israël par l’opinion arabe, qui nous reproche de n’avoir rien fait pendant des années au sujet de la colonisation et du blocage du processus de paix par Benjamin Netanyahu, juge l’ancien diplomate. Cette amertume explose aujourd’hui avec des manifestations. C’est une critique qui va même au-delà du monde arabe, qui est largement exprimée par ce qu’on appelle le ‘Sud global’ et qu’il faut traiter diplomatiquement. »

Un « deux poids, deux mesures » dénoncé par la rue arabe.

Plusieurs manifestations antifrançaises ont en effet eu lieu au Liban et en Tunisie. À Tunis, le slogan « La France, pays des droits de certains hommes » a été tagué sur l’Institut français. Les populations reprochent en particulier à la France et au reste de l’Occident un « deux poids, deux mesures » en comparant la situation au Proche-Orient et celle en Ukraine. Alors que de nombreuses sanctions ont frappé la Russie, coupable de ne pas respecter le droit international, les Occidentaux ferment les yeux sur les violations israéliennes, qu’il s’agisse de sa riposte à Gaza ou de sa colonisation de la Cisjordanie, pointent les critiques.

Emmanuel Macron a eu beau vouloir contrebalancer sa visite en Israël en rencontrant également, lors de ce même voyage, le président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas à Ramallah – il y a affirmé qu' »une vie palestinienne vaut une vie française qui vaut une vie israélienne » –, sa démarche n’a pas suffi à dissiper la colère.

« Le problème, c’est que la France, qui a toujours eu une position particulière vis-à-vis des Palestiniens, est petit à petit rentrée dans le consensus mou, regrette Jean de Gliniasty. Il y a eu une espèce d’acclimatation progressive à la politique israélienne. Une sorte de virage silencieux de notre diplomatie qui a commencé avec Nicolas Sarkozy, avant de se poursuivre sous François Hollande et Emmanuel Macron. Mais il n’y a pas que la France : tout le monde était content. On a fermé les yeux sur la colonisation et on s’est félicité des accords d’Abraham en se disant qu’on pouvait faire l’économie du règlement du conflit israélo-palestinien. »

Depuis le virage opéré par Charles de Gaulle en 1967 après la guerre des Six Jours, la France a en effet longtemps mené une politique perçue comme favorable aux Palestiniens. Un événement symbolise parfaitement cette ligne du juste milieu : la visite mouvementée de Jacques Chirac dans les rues de la vieille ville de Jérusalem, en octobre 1996, et son fameux « Ce n’est pas une méthode, c’est de la provocation ! » lancé à un agent de sécurité israélien qui repoussait des Palestiniens. Encore dans les mémoires, cette séquence a fait le tour du monde, contribuant à construire le mythe d’un président Chirac ami du peuple arabe.

Près de 30 ans plus tard, certaines voix, comme celle de l’ancien Premier ministre et ministre des Affaires étrangères de Jacques Chirac, Dominique de Villepin, tentent de tenir ce discours. « Le droit à la légitime défense n’est pas un droit à une vengeance indiscriminée, a-t-il affirmé le 12 octobre sur France Inter. Il n’y a pas de responsabilité collective pour un peuple pour les crimes commis par quelques-uns. »

La conférence humanitaire organisée par Emmanuel Macron permettra-t-elle de renouer avec le fil perdu de la position française sur le conflit israélo-palestinien ? L’Élysée reste en tout cas pour le moins timide et n’ose toujours pas parler de cessez-le-feu, se contentant de souligner que tout le monde a « intérêt à ce que la situation humanitaire s’améliore à Gaza, y compris Israël ».

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