par Lily Chavance
«Pour ceux qui demandent, nous sommes ici avec le ministère des Affaires étrangères. Nous sommes quelques créateurs de contenu et parlons tous des langues étrangères», annonce Alina Rabinovich sur Instagram. Invitée par les autorités, la jeune influenceuse a été reçue dans le kibboutz de Kissoufim, où quinze personnes ont été tuées par des combattants du Hamas le 7 octobre, selon Israël. Sur les réseaux sociaux, ses comptes étaient jusque-là centrés sur la cuisine. Depuis les attaques du 7 octobre, l’influenceuse aux 270 000 abonnés sur TikTok poste sur le conflit et appelle à la solidarité avec Israël. «Le jour où tout s’est passé, j’ai tout de suite su que je ne voulais rien faire d’autre que de parler de ce qui s’était passé ici, déclare-t-elle à l’AFP et au micro de CNews. Quand le ministère israélien des Affaires étrangères m’a approché, j’ai immédiatement dit oui.»
Communication bien ficelée
A ses côtés, Maja Kravarusic, alias Maya Keyy sur les réseaux sociaux, affirme être passée «d’influenceuse mode» à «influenceuse juive». A 21 ans, elle comptabilise plus d’un demi-million d’abonnés sur Instagram. Dans sa dernière vidéo postée le jour de la visite, la jeune fille en ensemble de yoga, casque et gilet pare-balles déambule devant les murs calcinés, les traces de sang et les impacts de balles. «Mon cœur n’en revient pas des histoires qui se cachent derrière chaque maison et chaque kibboutz, dit-elle. C’est incroyable et traumatisant de voir ces derniers souvenirs de tous ces endroits où les gens vivaient heureux.»
Tout proche de la bande de Gaza, le kibboutz de Kissoufim est désormais une ville fantôme. Et les influenceuses sont en charge de le montrer. Aux commandes de cette opération de communication bien ficelée de «kibboutz tour», Israël joue la carte du discours de proximité et cible la jeunesse. Mises en scène comme de véritables reporters de guerre, ces «journalistes citoyennes» deviennent une alternative aux récits des médias traditionnels. «Regardez ces vidéos et ces photos. Parce que si vous pensez que c’est faux, vous êtes dans le déni !» écrit-elle. Puis la jeune femme certifie : «J’ai tout arrêté pour montrer la vérité au monde, parce que c’est fou que les gens nient tout. Je ne m’arrêterai pas tant que la vérité n’aura pas été révélée.»
Publicités via les jeux
Dans une de ses storys, épinglée «à la une», Alina Rabinovich filme les consignes de sécurité données «en cas d’attaque». «Si jamais des sirènes retentissent, mettez-vous au sol et éloignez-vous des fenêtres», insiste l’escorte militaire. «Je me fiche que ce soit dangereux», affirme la jeune femme, qui sursaute au bruit des tirs. Selon le gouvernement israélien, les attaques menées par le Hamas ont fait 1 400 morts le 7 octobre. Depuis, les bombardements sont incessants sur Gaza et une opération terrestre y est toujours en cours. Selon le dernier bilan du ministère de la Santé du Hamas, invérifiable, plus de 9 000 civils ont été tués dans l’enclave palestinienne.
Pour viser certains publics, le gouvernement d’Israël est allé jusqu’à insérer des publicités contre le Hamas sur YouTube ou dans des jeux vidéo comme Candy Crush et Angry Birds. Via les réseaux sociaux et, donc, les jeunes, l’Etat hébreu parvient à toucher et mobiliser des communautés habituellement éloignées des sujets géopolitiques. En témoignent les nombreux commentaires des abonnés de Alina Rabinovich et Maya Keyy, souvent favorables à leurs nouveaux contenus.
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