De l' »antisémitisme électoral » pour la Licra, qui y a vu une « filiation directe » avec « Édouard Drumont, qui se fit élire député à Alger, en 1898, en cultivant la haine des juifs ». « Il ne faut pas exagérer », tempère le sociologue Michel Wieviorka, chercheur à l’Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS).
« Les propos de Jean-Luc Mélenchon se situent sur un axe qui pourrait conduire vers l’antisémitisme, mais ne sont pas en eux-mêmes antisémites. C’est pour ça qu’il est perçu comme ambigu ou ambivalent », estime-t-il. « Il faut garder la tête froide », abonde le politologue Jean-Yves Camus, spécialiste de l’extrême droite.
« Jean-Luc Mélenchon n’a pas dit que les chambres à gaz étaient un point de détail de l’histoire de la Seconde Guerre mondiale », comme le fit Jean-Marie Le Pen, rappelle-t-il. « Le verbe « camper » est un terme qui a été utilisé classiquement, y compris dans les années 1930, par toute une littérature antijuive qui accusait les juifs de « camper » dans les pays où ils s’installaient sans trop d’égard pour le pays en question », précise Jean-Yves Camus, en parlant de « termes inappropriés qui laissent la place à des accusations ».
Le triple candidat à la présidentielle a pour sa part dénoncé une « absurde police des mots ».
« Absence de sensibilité ».
Dans la famille élargie de la gauche, même si les critiques pleuvent contre l’attitude de Jean-Luc Mélenchon, personne ne lui reproche d’être animé par un quelconque sentiment antijuif. « J’ai toujours dit que Jean-Luc Mélenchon n’était pas antisémite », affirmait la semaine dernière à des journalistes le député socialiste Jérôme Guedj, qui a longtemps été un compagnon de route du leader insoumis. M. Guedj pointe plutôt une « absence de sensibilité » sur cette question.
Diagnostic similaire pour la députée écologiste Sandrine Rousseau: « Il ne faut pas entretenir la confusion, LFI n’est pas antisémite », a-t-elle plaidé la semaine dernière sur Radio J en estimant que, de manière générale, la gauche devait mieux travailler sur la question de la lutte contre la haine antisémite.
L’accusation portée contre Jean-Luc Mélenchon, grave, rappelle celle portée par des élus de la majorité quand Mathilde Panot avait qualifié l’année dernière Elisabeth Borne, fille d’ancien résistant juif déporté, de « rescapée ». « Aucune référence à sa terrible histoire familiale », avait assuré la cheffe des députés LFI.
« Ambiguïtés »
Le coordinateur de LFI Manuel Bompard rappelle régulièrement que personne dans son mouvement n’a été condamné pour des propos antisémites.
Mais Jean-Luc Mélenchon a plusieurs fois fait l’objet de telles accusations, qu’il réfute fermement, de la part de ses adversaires politiques.
En 2019, il avait ainsi dénoncé les « oukases arrogants des communautaristes du Crif », principale organisation juive de France, avec qui il multiplie les passes d’armes verbales.
« Dois-je raconter ma vie pour expliquer que l’antisémitisme n’est pas dans mes moyens ? Il y en a ras-le-bol d’utiliser cet argument pour disqualifier », s’était-il expliqué.
« Inventer des antisémites, c’est grave et le Crif passe son temps à ça, à sortir son rayon laser et quand quelqu’un dit quelque chose qui ne lui plaît pas, il vous insulte en vous qualifiant d’antisémite », avait-il ajouté.
Surtout, l’ombre embarrassante de Jeremy Corbyn plane au-dessus du mouvement. LFI en est proche et Jean-Luc Mélenchon l’a défendu même s’il avait été accusé de minimiser l’antisémitisme au sein du Labour, quand il dirigeait le parti. Ce qui lui avait coûté son poste.UN ARTICLE LE POINT (COPYRIGHTS):