ISRAEVALLEY SPECIAL. Notre journal en ligne est très souvent consulté par des médias qui souhaitent en savoir plus sur la situation d’Israël en temps de guerre. Nous avons été souvent interrogé sur le coût de la guerre. Une question qui revient souvent : le hightech israélien va t-il s’effondrer? Un point à noter : nous transmettons aux médias français les noms des experts économiques, financiers… les plus réputés.
Daniel Rouach a été longuement interviewé pour la réalisation de cet article publié par La Croix (nous ne pouvons pas le diffuser dans sa totalité pour des raisons de Copyrights).
LA CROIX. Résilience. Le mot est souvent revenu ces dernières semaines dans la bouche des observateurs qui surveillent l’état de santé de l’économie israélienne, depuis l’attaque perpétrée par le Hamas le 7 octobre. Rapidement, les gestes de solidarité se sont multipliés dans une société sous le choc. « Des lycéens ou des personnes qui n’ont pas l’âge de servir dans l’armée sont par exemple partis dans les champs pour faire les récoltes », illustre Daniel Rouach, président de la chambre de commerce Israël-France.
Résilience, donc. Si l’économie la plus développée du Proche-Orient a ralenti, l’activité pour l’instant résiste. Voilà pour le tableau général. Mais lorsqu’on regarde secteur par secteur, la réalité apparaît plus contrastée. Le tourisme est à l’arrêt. Et le manque de main-d’oeuvre, véritable talon d’Achille, se ressent aujourd’hui particulièrement dans l’agriculture et le secteur du bâtiment travaux publics (BTP). Avant la guerre, 140 000 Palestiniens venus de Cisjordanie et 20 000 vivant dans la bande de Gaza travaillaient en Israël, en majorité sur les chantiers.
Coup dur pour le secteur agricole
Le pays faisait aussi appel à des ouvriers agricoles en provenance d’Asie du Sud-Est. 30 000 Thaïlandais étaient ainsi employés dans des fermes et des kibboutz. Depuis les attaques du Hamas, dans lesquelles 32 Thaïlandais ont péri, Bangkok rapatrie une patrie de ses travailleurs.
Par ailleurs, 120 000 habitants qui vivaient dans le sud du pays ont été évacués. « 75 % des légumes, 25 % des fruits et 10 % du lait étaient produits dans cette région où se sont concentrées les attaques du Hamas. Le secteur agricole aura du mal à s’en remettre », ajoute l’économiste Jacques Bendelac.
Le reste de l’économie doit également composer avec des effectifs réduits : 360 000 réservistes ont été appelés, soit 10 % de la population active. « Tous ne sont pas au front, tempère Daniel Haber, professeur d’économie internationale au sein de plusieurs universités israéliennes. Les réservistes qui sont en attente peuvent continuer à travailler, à faire des réunions en visioconférence durant les pauses ou le soir par exemple. »
La tech tire profit de son ouverture à l’international
Il n’empêche, les entreprises ont dû s’adapter. Le secteur des technologies et ses start-up, qui pesait en 2022 18 % du PIB, s’est réorganisé face à la mobilisation de 10 à 15 % de ses effectifs selon l’estimation de Start-Up Nation Central, une organisation qui met en relation des acteurs économiques internationaux avec l’écosystème de la tech israélienne.
Certains groupes se sont ainsi appuyés sur leurs équipes basées à New York ou ailleurs. Et les habitudes de télétravail acquises durant la pandémie ont permis aux salariés en Israël de réagir rapidement. Une souplesse indispensable alors que les enfants sont restés à la maison faute d’école pendant trois semaines.
Ces derniers mois, la tech israélienne avait déjà subi le ralentissement mondial du secteur avec une chute des investissements. Elle avait également été fragilisée par le mouvement de protestation contre la réforme judiciaire du gouvernement de Benyamin Netanyahou. La guerre ne vient cependant pas, pour l’instant, bouleverser l’activité de cette Silicon Valley du Proche-Orient qui tire profit de son ouverture à l’international : la tech représente plus de 50 % des exportations du pays. « Ce sont surtout les jeunes entreprises qui devaient faire des levées de fonds importantes qui font face aujourd’hui à un gel des investissements », précise Jeremie Kletzkine, vice-président de Start-Up Nation Central.
Croissance revue à la baisse
De son côté, l’État a mis 1 milliard d’euros sur la table pour soutenir l’économie. « Le gouvernement a tardé à mettre en oeuvre ce plan, juge Jacques Bendelac. Et le montant annoncé n’est pas à la hauteur des enjeux : aider les entreprises à verser le salaire des salariés au chômage technique, reconstruire les infrastructures détruites… 20 milliards seraient nécessaires. Le rebond de l’économie à la fin du conflit dépendra de la réactivité et de l’ampleur du plan de soutien. L’État en a les moyens. »
Israël bénéficie en effet de réserves de change importantes, et sa dette publique demeure relativement faible (61 % du PIB en 2022). La banque centrale d’Israël a certes revu à la baisse ses prévisions de croissance depuis le déclenchement du conflit, mais celle-ci devrait tout de même atteindre 2,3 % en 2023 et 2,8 % en 2024. À condition que la guerre reste circonscrite au front sud au cours du quatrième trimestre. L’extension du conflit dans l’espace et dans le temps viendrait changer la donne.
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