Proche-Orient : la riposte contre le Hamas coûtera au moins 6,4 milliards d’euros à Israël.

Cette première projection de la Bank Hapolaim prend en compte le rappel massif des soldats de réserve. Fer de lance de l’économie du pays, le secteur high tech qui représente 14 % des emplois et 1/5ème du PIB, n’est pas épargné. Explications.

Comment l’économie israélienne sera-t-elle affectée par l’onde choc de l’opération militaire déclenchée à Gaza, au lendemain de l’attaque terroriste du Hamas du 7 octobre qui a provoqué dans l’Etat hébreu, la mort de plus de 1.400 personnes (civils pour l’essentiel) et l’enlèvement de 220 autres. Selon les premières projections de la banque Hapoalim, cette contre-offensive – baptisée « Glaives de fer » coûtera à Israël au bas mot 6,4 milliards d’euros (27 milliards de shekels). Cette estimation prend en compte le rappel massif de 300.000 soldats de réserve qui doivent quitter leur emploi. Soit la plus grande mobilisation depuis la guerre de Kippour en 1973.

« À l’heure actuelle, il est très difficile de savoir comment la guerre évoluera – si elle déclenchera une campagne terrestre pour conquérir certaines parties de Gaza qui prendra plusieurs semaines, ou si une campagne sera également lancée dans le Nord et combien de temps les réservistes seront appelés au service », a déclaré Modi Shafrir, stratège en chef de la Bank Hapoalim.

Depuis l’attaque du Hamas, Israël a riposté en pilonnant sans relâche Gaza et a déployé des dizaines de milliers de soldats autour de l’enclave et à sa frontière nord avec le Liban pour éviter un deuxième front. (voir encadré ci-dessous).

« À l’heure actuelle, on peut supposer que les coûts de la guerre actuelle s’élèveront à au moins 1,5 % du PIB, ce qui signifie une augmentation du déficit budgétaire d’au moins 1,5 % du PIB dans l’année », explique la banque

Expérience des guerres précédentes

La projection de la Banque Hapoalim est en partie basée sur les coûts des guerres précédentes qu’Israël a menées. Les dépenses de la Seconde Guerre du Liban en 2006, qui a duré 34 jours, ont été estimées à 2,1 milliards d’euros, soit 1,3 % du PIB, selon l’Institut d’études sur la sécurité nationale (INSS). Le coût de l’Opération Plomb Durci de décembre 2008 à janvier 2009 a été estimé à 838 millions d’euros. Ces deux conflits avaient pénalisé une partie du pays, mais ils n’avaient pas duré suffisamment longtemps pour paralyser complètement l’ensemble de l’économie, qui a vite rebondi.

« L’expérience passée montre que l’impact de la guerre sur le PIB devrait se faire sentir principalement sur la consommation privée et le tourisme. Mais la très forte mobilisation des réservistes et l’estimation selon laquelle la guerre actuelle durera de nombreuses semaines devraient infliger davantage de dommages directs à l’économie israélienne par rapport aux cycles d’opérations de combat précédents ».

Près du quart de l’activité industrielle du pays se situe dans le périmètre des villes d’Ashkelon et de Beer Sheva, dans le Sud, l’une des régions les plus exposées aux tirs de roquettes qui continuaient encore ce mercredi 11 octobre de s’abattre sur tout le territoire. Exploitée par le groupe américain Chevron, la production du champ de gaz naturel israélien, Tamar à 25 km au large d’Ashdod a été interrompue. Et dans la zone frontalière de la Bande de Gaza, la plus meurtrie, « une vingtaine de communautés ont été détruites, et pour la plupart incendiées ».

« Des maisons, des infrastructures, des routes, des granges et des champs agricoles : aucune guerre n’a jamais causé ne serait-ce qu’un cinquième des dégâts. Ni lors de la guerre du Golfe, ni des guerres du Liban, ni des cycles de combats à Gaza. », a déclaré ce mercredi un haut responsable du ministère des Finances, estimant à moins 718 millions d’euros, le coût estimé des dégâts causés au cours du premier jour de la guerre.

 « La Start-Up Nation est en guerre »

Fer de lance de l’économie du pays, le secteur high tech qui représente 14 % des emplois et 1/5ème du PIB, n’est pas épargné. « La Start-Up Nation est en guerre », écrivait mardi le consultant Amir Mizroch sur le réseau LinkedIn. De fait, alors que les forces vives des hautes technologiques étaient particulièrement mobilisées, au cours de ces dix derniers mois, dans les rues du pays, pour prendre part aux manifestations « pro démocratie » et contre la réforme judiciaire prônée par le gouvernement israélien, elles se retrouvent en première ligne pour faire bloc et soutenir l’effort de guerre.

« Dans leur vie civile, ces hommes et ces femmes sont fondateurs, chefs de produit, directeurs d’exploitation, ingénieurs logiciels, au sein de startups ou de multinationales de la tech. Ils ont tous répondus présents à l’appel à grande échelle des réservistes (…) Les véritables horreurs sont encore devant nous. Mais il y a une mobilisation et une détermination indéniables dans la tech israélienne pour soutenir la défense nationale tant au niveau militaire que civil ».

 

Pour l’heure, quatre jours après l’attaque surprise du Hamas du week-end dernier, l’atmosphère restait sensiblement différente de celle ressentie lors des précédents épisodes de conflit militaire avec le Hamas. A titre d’exemple, les rues et les marchés de Tel-Aviv ou Jérusalem demeuraient en grande partie vides avec de nombreux commerces fermés.

Jusqu’ici, Israël pouvait compter sur des indicateurs solides : une croissance du PIB de l’ordre de 3% (après +6,1% en 2022), un faible taux de chômage autour de 3,3%, ainsi que sur un secteur high tech performant, malgré une chute de 63% des investissements dans ce secteur constaté sur les neuf premiers mois de l’année, en raison de la crise mondiale dans la haute technologie et de l’instabilité politique suscitée en Israël par le projet de réforme judiciaire.

« Mais Israël ne compte pas moins de 98 licornes contre 1 seule en 2013 (Waze, rachetée par Google), 100 sociétés cotées au Nasdaq et un niveau d’investissement du capital risque six fois plus élevé que celui de l’Italie. Et nous pouvons compter sur la culture de résilience du pays », affirme Edouard Cuckierman, PDG du fonds Catalyst Investments à Tel-Aviv.

Estimant que l’opération militaire devrait pouvoir s’étaler sur quelques semaines « pour aller jusqu’au bout », cet ancien officier de réserve de l’armée israélienne en situations de crise et de prise d’otages, juge que l’économie saura rebondir comme à l’issue des précédents conflits.

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