EDITORIAL. I24NEWS. DANIEL HAIK. Pendant de longs jours, je suis resté muet face à cet écran, paralysé face à ce clavier. Vidé de mots face à l’ampleur de la catastrophe qui a frappé Israël ce samedi 7 octobre. Devant ce bilan inimaginable de 1300 morts, de plus de 3500 blessés et de 199 otages détenus par le Hamas. Comment en effet trouver les mots justes pour décrire l’indescriptible ? Comment prétendre expliquer l’inexplicable? Quel poids les mots peuvent avoir face aux images atroces des massacres et pogroms réalisées par les monstres du Hamas ?

Souvent, le silence a été la réponse instinctive du peuple juif face à l’horreur absolue. Un silence d’humilité face à un évènement dont nous percevons qu’il est historique, hors normes, mais dont nous comprenons que la portée réelle nous dépasse. Et puis, sans disparaître, ce silence, s’est mu en admiration :

– Admiration sans bornes pour ces courageux et héroïques Israéliens, civils et militaires, qui ont combattu, parfois à mains nues, les fauves du Hamas avant de succomber sous leurs assauts répétés ;

-Admiration pour les habitants des kibboutz et mochavs du « pourtour » de la bande de Gaza qui, du plus profond de leur peine et après avoir vécu l’horreur à l’état pur, ont promis de revenir, de reconstruire, de refaire verdir les sentiers ensanglantés de leurs localités-martyrs. Et de reconquérir un coin de paradis, là où l’enfer s’était installé ;

-Admiration pour ces 350 000 réservistes qui ont senti que l’existence de leur pays était menacé par ces barbares, et qui tous se sont mobilisés en 36 heures, comme un seul homme, pour le protéger ;

-Admiration sans bornes pour ces soldats des unités combattantes de Tsahal qui s’apprêtent à battre le fer et le feu avec les massacreurs d’enfants du Hamas. Des jeunes gonflés à bloc, qui savent que c’est à eux que revient le « privilège » de venger la nation, et qui vont au combat fièrement, en remontant le moral affecté de la Nation. Ce sont aussi les véritables héros du drame. Ils n’ont pas peur parce qu’ils savent que le Droit et la Justice sont de leur côté. Ils rugissent comme le Lion de Juda avec le courage des plus grands combattants d’Israël. Ils forcent ainsi le respect unanime de toute une nation. Qu’ils puissent tous rentrer sain et saufs chez eux après avoir accompli leur devoir.

-Admiration enfin pour ce peuple israélien que l’on disait ces derniers mois totalement fracturé, clivé, et irréversiblement divisé et qui, une fois de plus, face à l’adversité des sauvages palestiniens a su trouver les forces pour resserrer les rangs, retrouver une cohésion que l’on croyait disparue à jamais et prouver sa formidable résilience!

Il y a trois semaines, au début de Kippour, l’office sur la place Dizengoff à Tel Aviv avait été profané par des manifestants ultra-laïcs. Au lendemain du massacre du 7 octobre, cette même place était prise d’assaut par des centaines de bénévoles laïcs, religieux et orthodoxes, de gauche et de droite, afin d’envoyer des milliers de colis aux familles endeuillées du sud et aux soldats mobilisés ! Il y a trois semaines, Tel Aviv revendiquait, haut et fort, son ultra-laïcité… Depuis une semaine, de nombreux restaurants non casher de la ville ont adopté les règles de la cashrout et ce afin de pouvoir offrir des repas casher aux soldats.

Alors pourquoi ? Pourquoi a-t-il fallu qu’Israël traverse la plus douloureuse épreuve de ses 75 ans d’existence pour que les clivages s’effacent, comme par enchantement, pour céder place à l’unité et à la fraternité retrouvée ? Pourquoi a-t-il fallu que plus de 1300 Israéliens payent de leur vie pour que la Nation retrouvent ses réflexes de cohésion et de fraternité? Pourquoi a-t-il fallu que des bébés soient décapités, des enfants brûlés vifs, des parents sauvagement mutilés, pour que nous prenions enfin conscience des menaces que la division peut faire peser sur nous ? Pourquoi nous avoir fait croire que la réforme judiciaire avait tellement sapé le socle moral de Tsahal que celle-ci ne serait plus jamais, certains l’ont écrit, l’armée du peuple ? Et surtout, comment, dans notre débat d’idée sur l’avenir de la société israélienne, avons-nous totalement oublié que nous étions un îlot de démocratie dans un Moyen-Orient pétri de haine et de violence ? Et que dans cette région où la force domine, chaque division est synonyme de faiblesse? Comment avons-nous pu être si naïfs au point de ne pas comprendre qu’en regardant les images du boulevard Kaplan ou de la Cour Suprême, nos ennemis ceux qui clament ouvertement et impunément notre destruction, étaient en train de se frotter les mains ? De quelle cécité avons-nous souffert pendant neuf mois pour ne pas voir que ces suppôts de Daech attendaient bien patiemment de saisir leur opportunité pour nous asséner un coup fatal ?

Les plus mystiques parmi les Israéliens diront que ces massacres du 7 octobre sont un carton jaune douloureux brandi par le Tout Puissant afin de dénoncer cette conduite irresponsable. Cette explication est certainement moins cartésienne, mais elle a le mérite d’être certainement plus cohérente que toutes les conclusions auxquelles tenteront de parvenir les commissions d’enquête, qui devront déterminer les causes de cette « Eclipse totale » et illogique qui s’est produite, samedi matin, jour de la fête de la Torah.

Désormais l’heure est à l’unité retrouvée. Elle est indispensable pour vaincre sur le terrain, le Hamas, et éventuellement même ceux qui comme Nasrallah se targuent de savoir « décrypter » la réalité israélienne. L’heure de rendre des comptes politiques viendra plus tard, après le retour des soldats des champs de bataille, et personne n’y échappera.

Mais aujourd’hui, là, maintenant, il est impératif de tirer une première leçon du drame qui nous frappe tous sans distinction: pendant 9 mois nous avons péché par arrogance. Nous avons voulu oublier que nous appartenions à un seul et même peuple, le seule peuple qui a su traverser l’Histoire en dépit de la haine nourrie par tant de nations. Nous avons oublié que nous sommes une seule et même famille dans laquelle ce qui nous unit est bien plus fort et vrai que ce qui nous divise. Une famille où toutes les idées doivent pouvoir s’exprimer mais dans laquelle le socle doit rester celui de l’unité. Une famille dans laquelle un frère reste un frère et une sœur reste une sœur même s’ils ne pensent pas pareil! C’est ce message d’espoir qu’il faut désormais mettre en exergue car il est vrai et parce que c’est cette fraternité qui forgera la force retrouvée d’Israël et l’aidera à surmonter l’épreuve actuelle.

Moche Moreno, le frère ainé du lieutenant colonel Emmanuel Moreno, l’officier légendaire tombé en 2006 et dont la photo n’a toujours pas été publiée, a perdu son fils le lieutenant Itay Moreno, dans les combats du 7 octobre à Zikim dans le Sud. Moshe n’a jamais mâché ses mots envers les manifestants anti-réformes et en particulier envers les « Frères d’armes » qui se sont distingués dans ce mouvement. Pourtant, jeudi soir, des représentants de ces frères d’armes qui, entretemps ont combattu les terroristes, sont venus lui présenter leurs condoléances. Ils ont hésité avant d’entrer: Moshe Moreno s’est levé et est allé les enlacer : « Avant d’être mes frères d’armes, vous êtes mes frères de sang ».

DANIEL HAIK.

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