LE FIGARO. « 360.000 soldats réservistes mobilisés, soit un actif sur 15, du jamais vu en Israël, depuis 1973. La banque Hapoalim fait une première estimation de l’impact de la guerre sur l’économie.
Quel sera le prix économique à payer de cette nouvelle guerre pour Israël ? «On est un peu dans le brouillard, car on n’avait pas vu le conflit venir», glisse un économiste qui a travaillé récemment sur l’État hébreu.
La suite est tout aussi complexe à prédire. «Israël va-t-il se lancer dans une opération terrestre de plusieurs semaines afin de reprendre des parties de Gaza, s’interroge la banque israélienne Hapoalim dans une étude sur les potentielles répercussions de la guerre. Un conflit majeur éclatera-t-il sur le front au nord ? Combien de temps les forces réservistes devront-elles continuer à servir ?» Autant d’inconnues qui n’empêchent pas de formuler de premières estimations à la lumière des opérations militaires passées ».
SELON LA TRIBUNE (COPYRIGHTS) : « Proche-Orient : la riposte contre le Hamas coûtera au moins 6,4 milliards d’euros à Israël
Comment l’économie israélienne sera-t-elle affectée par l’onde choc de l’opération militaire déclenchée à Gaza, au lendemain de l’attaque terroriste du Hamas du 7 octobre qui a provoqué dans l’Etat hébreu, la mort de plus de 1.200 personnes (civils pour l’essentiel) et l’enlèvement de 130 autres Selon les premières projections de la banque Hapoalim, cette contre-offensive – baptisée « Glaives de fer » coûtera à Israël au bas mot 6,4 milliards d’euros (27 milliards de shekels). Cette estimation prend en compte le rappel massif de 300.000 soldats de réserve qui doivent quitter leur emploi. Soit la plus grande mobilisation depuis la guerre de Kippour en 1973.
« À l’heure actuelle, il est très difficile de savoir comment la guerre évoluera – si elle déclenchera une campagne terrestre pour conquérir certaines parties de Gaza qui prendra plusieurs semaines, ou si une campagne sera également lancée dans le Nord et combien de temps les réservistes seront appelés au service », a déclaré Modi Shafrir, stratège en chef de la Bank Hapoalim.
Depuis l’attaque du Hamas, Israël a riposté en pilonnant sans relâche Gaza et a déployé des dizaines de milliers de soldats autour de l’enclave et à sa frontière nord avec le Liban pour éviter un deuxième front. (voir encadré ci-dessous).
« À l’heure actuelle, on peut supposer que les coûts de la guerre actuelle s’élèveront à au moins 1,5 % du PIB, ce qui signifie une augmentation du déficit budgétaire d’au moins 1,5 % du PIB dans l’année », explique la banque.
La projection de la Banque Hapoalim est en partie basée sur les coûts des guerres précédentes qu’Israël a menées. Les dépenses de la Seconde Guerre du Liban en 2006, qui a duré 34 jours, ont été estimées à 2,1 milliards d’euros, soit 1,3 % du PIB, selon l’Institut d’études sur la sécurité nationale (INSS). Le coût de l’Opération Plomb Durci de décembre 2008 à janvier 2009 a été estimé à 838 millions d’euros. Ces deux conflits avaient pénalisé une partie du pays, mais ils n’avaient pas duré suffisamment longtemps pour paralyser complètement l’ensemble de l’économie, qui a vite rebondi.
« L’expérience passée montre que l’impact de la guerre sur le PIB devrait se faire sentir principalement sur la consommation privée et le tourisme. Mais la très forte mobilisation des réservistes et l’estimation selon laquelle la guerre actuelle durera de nombreuses semaines devraient infliger davantage de dommages directs à l’économie israélienne par rapport aux cycles d’opérations de combat précédents ».
Près du quart de l’activité industrielle du pays se situe dans le périmètre des villes d’Ashkelon et de Beer Sheva, dans le Sud, l’une des régions les plus exposées aux tirs de roquettes qui continuaient encore ce mercredi 11 octobre de s’abattre sur tout le territoire. Exploitée par le groupe américain Chevron, la production du champ de gaz naturel israélien, Tamar à 25 km au large d’Ashdod a été interrompue. Et dans la zone frontalière de la Bande de Gaza, la plus meurtrie, « une vingtaine de communautés ont été détruites, et pour la plupart incendiées ».
« Des maisons, des infrastructures, des routes, des granges et des champs agricoles : aucune guerre n’a jamais causé ne serait-ce qu’un cinquième des dégâts. Ni lors de la guerre du Golfe, ni des guerres du Liban, ni des cycles de combats à Gaza. », a déclaré ce mercredi un haut responsable du ministère des Finances, estimant à moins 718 millions d’euros, le coût estimé des dégâts causés au cours du premier jour de la guerre.
Pour l’heure, quatre jours après l’attaque surprise du Hamas du week-end dernier, l’atmosphère restait sensiblement différente de celle ressentie lors des précédents épisodes de conflit militaire avec le Hamas. A titre d’exemple, les rues et les marchés de Tel-Aviv ou Jérusalem demeuraient en grande partie vides avec de nombreux commerces fermés.
Jusqu’ici, Israël pouvait compter sur des indicateurs solides : une croissance du PIB de l’ordre de 3% (après +6,1% en 2022), un faible taux de chômage autour de 3,3%, ainsi que sur un secteur high tech performant, malgré une chute de 63% des investissements dans ce secteur constaté sur les neuf premiers mois de l’année, en raison de la crise mondiale dans la haute technologie et de l’instabilité politique suscitée en Israël par le projet de réforme judiciaire.
« Mais Israël ne compte pas moins de 98 licornes contre 1 seule en 2013 (Waze, rachetée par Google), 100 sociétés cotées au Nasdaq et un niveau d’investissement du capital risque six fois plus élevé que celui de l’Italie. Et nous pouvons compter sur la culture de résilience du pays », affirme Edouard Cuckierman, PDG du fonds Catalyst Investments à Tel-Aviv.
Estimant que l’opération militaire devrait pouvoir s’étaler sur quelques semaines « pour aller jusqu’au bout », cet ancien officier de réserve de l’armée israélienne en situations de crise et de prise d’otages, juge que l’économie saura rebondir comme à l’issue des précédents conflits.
D’autres observateurs pointent toutefois que l’onde choc psychologique créée par l’attaque du Hamas, qui a reposé sur des défaillances des services de renseignement comme sur celles des systèmes sécuritaires de l’Etat juif, pourtant réputé pour sa capacité d’anticipation, pourrait être de nature à ébranler la confiance des investisseurs. « Nous vivons un événement traumatique sans doute plus important que la Guerre de Kippour, fait valoir David Rosenberg, l’éditorialiste du quotidien israélien Haaretz, cela peut aussi constituer un tournant sur le front économique ».
Dans le territoire palestinien de Gaza le bilan s’élève à 1.055 morts, selon les autorités locales. Soumise à un blocus israélien depuis plus de 15 ans, la bande de Gaza, territoire pauvre et exigu où s’entassent 2,3 millions de Palestiniens, est désormais en état de siège. Israël y a coupé les approvisionnements en eau, en électricité et en nourriture. La seule centrale électrique du territoire est à l’arrêt faute de carburant et ses hôpitaux, qui manquent de matériel, sont débordés par l’afflux de blessés. L’ONU a affirmé que le siège de Gaza, où plus de 263.000 personnes ont déjà été déplacées par la guerre, était « interdit » par le droit international humanitaire. Dans la nuit de mardi à mercredi, des bombardements ont fait au moins 30 morts à Gaza, touchant des dizaines d’immeubles, des usines, des mosquées et des magasins, d’après le Hamas. Selon l’armée israélienne, plusieurs cibles du Hamas ont été touchées. Les avions de combat ont aussi bombardé une université islamique liée au Hamas. Et quatre secouristes du Croissant-Rouge palestinien ont été tués mercredi dans les frappes, selon les autorités locales.
(AFP).